À l’occasion de l’ouverture des Assises de la maternelle, Emmanuel Macron a confirmé sa décision d’abaisser l’âge de l’instruction obligatoire de six à trois ans dès la rentrée 2019. Explications.De quoi parle-t-on ?
Le président de la République a annoncé ce 27 mars au cours des Assises de l’école maternelle l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire de 6 à 3 ans à partir de la rentrée 2019. « L’école maternelle est et sera davantage à l’avenir un moment fondateur de notre parcours scolaire français. À ce titre, j’ai en effet décidé de rendre obligatoire l’école maternelle et d’abaisser de six à trois ans en France l’obligation d’instruction dès la rentrée 2019 », a ainsi déclaré Emmanuel Macron.
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Que dit la loi actuellement ?
L’article L. 131-1 du Code de l’éducation pose le principe selon lequel “l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre 6 et 16 ans ». Pour mémoire, la durée de scolarité n’a été changée qu’à deux reprises depuis la loi Ferry du 28 mars 1882 : en 1936 par Jean Zay qui l’a fait évoluer de l’âge de 13 à 14 ans, et en 1959 par le général de Gaulle qui l’a rendu obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Attention, cette réforme proposée par Emmanuel Macron n’impose pas aux parents de mettre leurs enfants à l’école : « Les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne », qu’ils ont désignés peut se charger de l’instruction même si les parents choisissent généralement l’inscription « dans les établissements ou écoles publics ou privés » (L. 131-2 du Code de l’éducation).
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Beaucoup de gens sont-ils concernés par cette réforme ?
Il s’agit pour beaucoup d’un geste symbolique car aujourd’hui la plupart des enfants entrent à l’école dès l’âge de trois ans. D’après le département statistique du ministère de l’Éducation nationale, la Depp, 97,6 % des enfants âgés de trois ans fréquentaient une école maternelle sur l’année scolaire 2015-2016. Cette mesure ne concerna donc qu’environ 26 000 enfants. Mais ces chiffres cachent une grande disparité sur le territoire national : par exemple, la proportion d’enfants accueillis en maternelle à Paris est de 93 % contre… 70 % outre-mer.
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Quels arguments sont invoqués pour justifier cette réforme ?
« La décision d’abaisser l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans traduit la volonté du président de la République de faire de l’école le lieu de l’égalité réelle et une reconnaissance de l’école maternelle, qui ne doit plus être considérée comme un mode de garde universel ou comme la simple préparation à l’école élémentaire », a indiqué l’Élysée. « L’école maternelle est et sera davantage à l’avenir un moment fondateur de notre parcours scolaire français », a ainsi déclaré Emmanuel Macron. Le linguiste Alain Bentolila, qui participe aux Assises, a indiqué au Figaro que si l’on souhaite que « le sort des enfants ne soit pas scellé à 6 ans, il faut remettre la maternelle au cœur de l’Éducation nationale. On obtiendra plus d’égalité en mettant les enfants le plus tôt possible à l’école ».
Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, chargé par le ministre de l’Éducation nationale de préparer ces Assises de la maternelle, explique pour sa part que « “la niche sensorielle” des enfants a changé, c’est-à-dire leur environnement : aujourd’hui, les enfants ne sont plus entourés de la même façon qu’avant, notamment par leurs parents, qui pour la plupart travaillent. Ce sont donc aussi aux crèches et à l’école de créer l’attachement qui va permettre aux enfants de se sentir sécurisés et de pouvoir entrer pleinement dans les apprentissages ».
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Quelles inquiétudes cette annonce provoque-t-elle ?
L’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire devrait se traduire par un contrôle des jeunes enfants dont les parents ont fait le choix de l’école à la maison. La manière dont ces inspections vont se traduire inquiète. « Comment pensent-ils vérifier l’instruction d’un enfant de trois ans ? Plus un enfant est petit plus les disparités sont grandes : tenir assis, à quatre pattes, s’habiller, mettre ses chaussures… Comment vont-ils évaluer cela ? », s’interroge Gwenaële Spenlé, membre de l’association Les enfants d’abord.
« Nous savons pertinemment que quand il y a évaluation, quand on met une pression, c’est là que l’on créé des blocages car on va dire à l’enfant qu’il est en retard. Mais les enfants progressent à leur rythme », souligne-t-elle. « Nous avons peur que les sentiments d’échec et de dévalorisation arrivent sur des apprentissages basiques et que cela soit encore plus dramatique pour la suite de leur scolarité ». De nombreux parents s’inquiètent par ailleurs du caractère obligatoire de la scolarisation à cet âge et craignent une perturbation du rythme de leur enfant (s’ils ont l’habitude de faire la sieste à telle heure etc). Enfin, cette proposition de loi inquiète certains sur le « contrôle » exercé par l’État sur l’éducation de leur enfant dès le plus jeune âge.
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Quel regard porte l’Église sur l’éducation des enfants ?
« Les parents sont les premiers responsables de l’éducation de leurs enfants. Ils témoignent de cette responsabilité d’abord par la création d’un foyer, où la tendresse, le pardon, le respect, la fidélité et le service désintéressé sont de règle », indique le Catéchisme de l’Église catholique. « Le foyer est un lieu approprié de l’éducation des vertus. Celle-ci requiert l’apprentissage de l’abnégation, d’un sain jugement, de la maîtrise de soi, conditions de toute liberté véritable. […] C’est une grave responsabilité pour les parents de donner de bons exemples à leurs enfants. En sachant reconnaître devant eux leurs propres défauts, ils seront mieux à même de mes guider et de les corriger ».