Notre époque ne jure que par la transparence. Il lui est difficile d’accepter la nécessaire part de mystère qui entoure le fonctionnement du Vatican. Des opacités qui suscitent fantasmes et passions. Dans son dernier ouvrage Le Vatican, vérités et légendes (Perrin), Christophe Dickès, grand spécialiste de la papauté s’attache à déconstruire ces nombreux mythes.L’Occident se déchristianise et pourtant le Saint-Siège et le Pape suscitent paradoxalement, de la part des médias, un intérêt jamais démenti. Ainsi, François connaît une popularité immense que bien des chefs d’État dans le monde aimeraient connaître. Cet intérêt, parfois bienveillant, s’accompagne malheureusement aussi souvent d’idées fausses, de campagnes calomnieuses et de mensonges. En se propageant, elles écornent l’image de l’Église et affaiblissent la portée de son message. Car si tout n’y est pas lumineux en son sein — en effet le Vatican, comme toutes les institutions humaines, a ses parts d’ombre — la lecture de ce livre permet de trier le grain de l’ivraie.
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Avec une série de chapitres courts aux sujets très variés (Jean Paul II a-t-il provoqué la chute du communisme ? Benoît XVI a-t-il renoncé sous les pressions extérieures ? Du communisme à l’islamisme, le Saint-Siège est-il naïf avec les totalitarismes ? Un pape peut-il être en rupture avec ses prédécesseurs ?), Christophe Dickès offre un livre très documenté d’une grande rigueur, aboutissement d’années de travail sur le sujet. Sérieux sur le fond mais à la forme extrêmement agréable et accessible, marque de cette nouvelle collection de l’éditeur Perrin. À cette écriture didactique s’ajoute un talent du récit dont le chapitre sur la tentative d’assassinat d’Ali Agca sur Jean Paul II en 1983 en est l’exemple parfait. C’est alors presque un roman d’espionnage dans lequel le lecteur est plongé, où l’activisme du nouveau Pape polonais s’insère dans les enjeux de puissance de la Guerre froide.
La puissance diplomatique du Vatican
Les questions posées balayent ainsi un spectre très large et s’intéressent aussi aux questions historiques, parfois polémiques, avec entre autre le rôle si décrié de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale. L’auteur montre ainsi parfaitement la construction de cette légende noire, dont le film Amen de Costa Gavras est un des derniers exemples en date. On y trouvera aussi des réponses plus concrètes sur la vie même du Pape au quotidien, cependant parmi les pages les moins captivantes de l’ouvrage. S’y retrouve aussi la question sensible de la pédophilie et de l’Église. Sur ce point, l’auteur montre, contrairement aux idées reçues, que l’Église après des années de silence cherche toutefois, depuis environ dix ans, à éradiquer ce fléau. Ce qui fait dire à l’auteur que “l’Église, il faut le reconnaître, est peut-être une des seules institutions au monde à avoir entrepris un tel travail de vérité.”
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Mais la partie la plus stimulante du livre est incontestablement celle qui aborde les questions internationales. L’auteur, également spécialiste de Jacques Bainville, grand journaliste spécialiste des affaires étrangères durant l’Entre-deux-guerres, semble également avoir pris plaisir à écrire ces pages dans lesquelles se révèlent toute la puissance diplomatique de Vatican et des ses véritables missi dominici de la paix que sont les nonces apostoliques. Un récent reportage réussi d’Arte, Les diplomates du pape, avait également mis en lumière ces étonnants diplomates en robes ecclésiastiques. Si le rôle historique de Jean Paul II est bien connu dans la chute de l’URSS, peu de médias ont souligné le poids de la diplomatie vaticane dans le rapprochement entre les États-Unis et Cuba lors de la présidence de Barack Obama. Une influence qui montre tout l’aveuglement de Staline lors de sa méprisante déclaration : « Le Pape, combien de divisions ? »
La fin des fantasmes
Dans le chapitre “Benoît XVI a-t-il renoncé sous des pressions extérieures”, Christophe Dickès également auteur d’un ouvrage sur l’héritage de Joseph Ratzinger, livre aussi un intéressant chapitre sur cette démission qui stupéfia le monde voilà cinq ans. Repoussant les idées complotistes, il nous explique que “le pape se sentait simplement incapable de poursuivre son ministère dans le contexte des scandales de l’année 2012.” Les affaires de Vatileaks et celle de la banque du Vatican eurent ainsi raison des bonnes volontés d’un Pape qui se sentait affaibli physiquement et incapable dans ces conditions de surmonter de pareils défis. Aucune pression extérieure n’est donc entrée dans cette décision. On l’aura compris, ce livre, d’un des meilleurs spécialistes français du Vatican, met à bas de multiples fantasmes sur le chef de l’Église catholique. Un ouvrage qu’on ne peut donc que recommander aux chrétiens et non chrétiens qui ont la curiosité de sortir des idées reçues et d’approfondir leur connaissance du Vatican.