On la critique, on cherche à la combattre, ou tout du moins à l’alléger, on accuse son conjoint de ne pas prendre sa part… Et si on arrêtait de s’en plaindre, en la considérant plutôt comme une incroyable disposition de l’intelligence humaine, celle de se projeter dans l’avenir ?La charge mentale, évoquée pour la première fois par la sociologue Monique Haicault en 1984, est devenue un véritable sujet de société voire de santé psychique, depuis qu’elle a été illustrée de manière humoristique par la dessinatrice Emma dans sa BD « Fallait demander » parue en mai 2017.
Qu’est-ce que la charge mentale ?
« Penser à tout, tout le temps », résume bien ce qu’est la charge mentale. En d’autres termes, elle désigne l’ensemble des tâches d’organisation, de gestion, et de planification, ayant pour objectifs la satisfaction de chacun des membres du foyer, et la bonne marche de la maisonnée. Ce n’est pas nécessairement « tout faire », mais « penser à ce que tout soit fait ».
Aurélia Schneider, médecin psychiatre, spécialisée en psychothérapies comportementales et cognitives, donne la définition suivante lors de l’émission la Tête au Carré, sur France Inter, le 7 mars dernier : « La charge mentale, c’est penser à un domaine quand on est dans un autre domaine ». C’est penser à racheter des cotons tiges ou à rapporter un livre à la bibliothèque, alors qu’on est au travail ou devant un film. On ne raisonne pas successivement, mais simultanément, ce qui est source de fatigue et de stress.
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Pourquoi la charge mentale est si fatigante ?
Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche Inserm au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, explique dans la même émission, pourquoi la charge mentale est si fatigante. Il précise que le cerveau humain peut être multitâche lorsqu’il s’agit d’actions automatisées. Par exemple, siffler en faisant du vélo. Mais si une action demande de se concentrer, ou de se projeter mentalement, le cerveau devient uni tâche, il ne peut être en même temps concentré et éparpillé. C’est pourquoi il y a conflit cognitif lorsqu’on doit sans cesse basculer entre le contact avec le réel (le domaine présent) et la projection mentale (le domaine auquel on pense).
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La charge mentale, le revers de la médaille ?
Personne ne s’est jamais plaint d’avoir la « bosse des maths », et pourtant, tout le monde critique la charge mentale. Les deux sont pourtant des manifestations de l’intelligence. Comme le rappelle Jean-Philippe Lachaux, la charge mentale est proprement humaine. Les animaux n’en souffrent pas. Car l’homme possède cette capacité de s’envisager dans le présent, mais aussi dans le futur. L’homme est capable d’anticiper les conséquences de ses actes, grâce à une partie du cerveau beaucoup plus développée chez l’homme que chez les animaux : le cortex préfrontal. Cette région est le siège de différentes fonctions cognitives dites supérieures, comme le langage, la mémoire de travail, le raisonnement, et plus généralement les fonctions exécutives.
Alors voilà, la charge mentale nous assomme, nous fatigue, elle divise les hommes et les femmes qui s’accusent mutuellement de ne pas prendre leur part… Et si on adoptait un autre point de vue ? Celui de se réjouir d’être doué d’une intelligence hyper développée, d’avoir la possibilité de s’imaginer dans le futur et de ne pas vivre uniquement dans l’instant présent, celui de considérer comme un cadeau du Ciel cette capacité à se projeter, qui a fait émerger toutes les grandes inventions, et qui fait de nous des êtres libres et responsables.