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Elle fait 10.000 km pour rejoindre les États-Unis : le parcours fou d’une abbaye médiévale

NEW CLAIRVAUX

L'abbaye de New Clairvaux, aux États-Unis, construite avec les vestiges de l'abbaye espagnole.

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Caroline Becker - Zelda Caldwell - publié le 15/03/18
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Les vestiges d’une abbaye espagnole, datant du XIIe siècle, ont traversé l’Atlantique pour être reconstruits en Californie. Retour sur une folle épopée. Les moines trappistes-cisterciens de l’abbaye de “New Clairvaux” à Vina (Californie), habitent dans un monastère florissant. Cette année, ils ont fêté les 25 ans de la construction de leur abbaye, réalisée à partir des pierres d’un monastère cistercien espagnol vieux de 800 ans. Mais comment ces pierres ont-elles pu se retrouver au États-Unis ?

Une abbaye démontée pierre par pierre

Tout commence en 1931, lorsque William Randolph Hearst, homme d’affaires américain, décide d’acheter les ruines d’un monastère cistercien abandonné : Santa María de Ovila, près de Trillo en Espagne. Son but ? Démonter pierre par pierre l’édifice puis envoyer les plus intéressantes en Californie afin de les intégrer dans son projet de château médiéval, dans les forêts du nord de la Californie. Les pierres devaient servir à construire l’entrée du château mais également une piscine et un bowling. Il dépense une véritable fortune pour les acheminer jusqu’à San Francisco et les stocke, un temps, dans des entrepôts. Malheureusement pour lui, mais heureusement pour les pierres, en raison de problèmes financiers, il est obligé d’abandonner son projet.

SANTA MARIA OVILA

Segevi
Abbaye de Santa Maria de Ovila.

À cette histoire s’ajoutent, les années suivantes, plusieurs incendies des entrepôts dans lesquels sont entreposées ces pierres, abîmant au passage un bon nombre d’entre elles. Découragé, William Randolph Hearst décide de faire don de celles qui restent à la ville de San Francisco, qui avait accepté de reconstruire le monastère afin d’en faire un musée. Cependant, le projet ne verra jamais le jour et les pierres sont abandonnées dans le parc du Golden Gate.

NEW CLAIRVAUX

Frank Schulenburg I CC BY SA 3.0

L’abbaye de New Clairvaux, aux États-Unis, construite avec les vestiges de l’abbaye espagnole.

Une nouvelle naissance

En 1955, le père Thomas Davis, moine cistercien, traverse le Golden Gate Park et est frappé de voir ces pierres, dont la forme lui rappelle celle d’un ancien monastère cistercien auquel il avait appartenu. Intéressé par ces vestiges, l’abbé conclue un marché avec la ville plusieurs années après : les moines récupèrent les 1.300 pierres restantes et promettent, en échange, de construire une deuxième abbaye ouverte au public.

La florissante abbaye Notre-Dame de Gethsemani (Kentucky), dans laquelle Thomas Davis réside, décide ainsi de construire une abbaye-fille. Les moines achètent 236 hectares à Vina, dans le nord de l’État de Californie. Ils y construisent l’abbaye avec les pierres reçues et fondent une communauté de douze moines et quatorze convers. Ils baptisent alors leur abbaye “New Clairvaux”, en hommage au fondateur de l’ordre des cisterciens, Bernard de Clairvaux.

Des abbayes françaises victimes de démantèlement

En France, de nombreuses abbayes — délaissées à la Révolution française — ont également vu une partie de leurs pierres envoyées au États-Unis. The Cloisters, musée américain situé dans le quartier de Washington Heights (New York), regroupe des fragments de cinq cloîtres français parmi les plus beaux : des chapiteaux et sculptures de l’abbaye de Cuxa (Pyrénées-Orientales), de l’abbaye de Saint-Ghuilem-le-Désert (Hérault), de l’abbaye de Bonnefont-en-Comminges (Midi-Pyrénées), de l’abbaye de Trie (Hautes-Pyrénées) et de l’abbaye de Froville (Lorraine).

Achetées par le sculpteur américain George Grey Barnard, fervent collectionneur d’art médiéval — il résidait en France avant la Première Guerre mondiale — ces pierres avaient été acquises auprès d’antiquaires. Eux-mêmes, les avaient achetés à des propriétaires d’abbayes, démantelées après la Révolution française tout au long du XIXe siècle.

Si ces éléments décoratifs se trouvent désormais bien loin de leur place d’origine, George Grey Barnard a, sans aucun doute, sauvé une bonne partie de ces vestiges du patrimoine français. Souvent propriétés d’antiquaires uniquement intéressés par l’appât du gain, George Grey Barnard, par son amour pour le patrimoine médiéval, a préservé ces pierres d’un destin incertain.

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