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C’est grâce à ce prêtre qu’on cultive des potagers en ville

ABBÉ LEMIRE
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Caroline Becker - publié le 06/03/18
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Ecclésiastique et homme politique français, l’abbé Lemire reste ancré dans les mémoires comme le fondateur des jardins ouvriers, devenus le symbole emblématique de son engagement social.

Né en 1853 à Vieux-Berquin dans le Nord, Juste-Auguste Lemire grandit dans une famille de fermiers. À l’âge de 25 ans, il devient prêtre et se passionne rapidement pour tout ce qui touche au rapprochement de l’Église et des classes populaires. Parmi ses nombreux combats qui en feront une figure marquante de la scène politique — il devient député du Nord et maire d’Hazebrouck entre 1898 et 1928 — il est surtout connu pour être à l’origine du développement en France des jardins ouvriers.

Un jardin ouvrier, c’est quoi ?

Le principe de ces jardins ouvriers, nommés plus tard “jardins familiaux” (1952), était de mettre à disposition des ouvriers les plus pauvres, des terrains à jardiner pour les aider à se nourrir, prendre l’air et leur rendre leurs racines rurales. L’histoire des jardins ouvriers commencent véritablement en Allemagne, dans la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque qu’un médecin, Moritz Scherbeer, commence à promouvoir l’idée des jardins ouvriers alors qu’il effectue des travaux sur la santé publique. Il fonde alors l’association des jardins ouvriers et familiaux pour “éduquer la population” et “améliorer la santé publique”.

JULES LEMIRE

Domaine Public

En France, tout commence par l’abbé Gruel, prêtre français installé en Belgique, qui crée la Ligue Belge du Coin de Terre et du Foyer en 1896. Partageant son idée à l’abbé Lemire, ce projet séduit tout de suite l’homme politique, député d’Hazebrouck (Nord), très préoccupé par les conditions du prolétariat français. En 1897, il reçoit l’autorisation ministérielle de créer la Ligue française du Coin de Terre et du Foyer. Dès le début, les objectifs de la Ligue sont audacieux : l’abbé veut assurer la jouissance permanente et, autant que possible, la propriété d’un coin de terre à cultiver et d’une habitation convenable aux classes populaires ; il veut amener les œuvres à procurer aux assistés un coin de terre insaisissable et y faciliter la construction d’une maison ; il souhaite également encourager l’État et les communes à poursuivre le même but. À travers cet engagement, l’abbé veut tirer l’homme du prolétariat non par le collectivisme mais par la propriété.

Reconnu d’utilité publique

Si les débuts sont difficiles et ne touchent que les milieux confessionnels comme les chrétiens démocrates, la Ligue finit par être reconnu pour son aspect charitable et les collectivités locales décident alors de s’y engager. En 1967, la Ligue est déjà implanté dans 63 départements ! Si les parcelles à cultiver sont variées, les règles communes sont strictes et nécessaires au bon fonctionnement et à la bonne entente entre propriétaires. Ainsi, le jardinier doit cultiver lui-même sa terre, entretenir avec soin les parties communes et surtout ne pas vendre ses produits.


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La Ligue va poursuivre inlassablement son œuvre et deviendra même d’utilité publique durant les conflits mondiaux. En 1939-45, les pouvoirs publics font appel à la Ligue pour développer les jardins potagers et ainsi assurer un minimum de ravitaillement durant les périodes de pénuries. À cette époque, la France possède 600 000 jardins ouvriers ! En 1946, le Président Georges Picot déclare : “Dans le monde social nouveau que nous entendons édifier, le jardin ouvrier doit tenir une large place. Le travailleur n’a pas seulement droit à un minimum de salaire, à un logement convenable, il lui faut un minimum d’air, de soleil, d’espace. Il doit avoir la jouissance d’un coin de terre”. Durant les Trente glorieuses, les jardins ouvriers vont peu à peu diminuer en raison de l’essor économique mais connaîtront un regain lors du centenaire de la création de la Ligue, en 1996. C’est notamment cette année là qu’une rose, baptisée Abbé-Lemire, sera créée puis plantée dans les jardins de l’Élysée et au jardin botanique de Monaco.

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© Facebook / Ville de Versailles
Les jardins familiaux des Petits-Bois à Versailles.

Aujourd’hui, certains jardins font l’objet d’une protection de la part du Ministère de la Culture comme témoins de l’histoire sociale. C’est notamment le cas pour un jardin ouvrier cultivé à Versailles depuis 1906. En 1914, le terrain et ses constructions deviennent la propriété de la Société des Jardins ouvriers de Versailles, laquelle l’a transmise par filiation à l’actuelle Association des Jardins familiaux de Versailles et communes environnantes. Ce site a été labellisé en 2015 « jardin remarquable » par le Ministère de la Culture, grâce aux fonctions urbanistiques, sociales, humaines et environnementales qu’il assure au sein du quartier.

Actuellement, si le besoin alimentaire subsiste, la fonction des jardins évolue pour répondre aux nouveaux besoins d’une société en mutation : retrouver un lien et un contact physique avec la nature, lutter contre le stress, manger sainement, développer des relations sociales avec les autres jardiniers. Les jardins familiaux ont réinvesti le cœur des villes avec une mission : créer et renforcer le lien social.

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