Alors que la reconstruction de Marawi (Philippines) débute enfin, plusieurs mois après sa libération de Daech par l’armée, de nouvelles tensions éclatent dans la ville dévastée, alimentées par de fausses rumeurs.La ville de Marawi porte les stigmates de l’affrontement qui y opposa, de mai à octobre 2017, l’armée philippine et le groupe d’extrémistes musulmans Maute. Le combat tua 1 100 personnes, essentiellement des militants islamiques. Alors que la reconstruction commence, une rumeur parcourt la ville à majorité musulmane, alimentée par les réseaux sociaux : la cathédrale catholique Sainte-Marie serait le premier bâtiment à être reconstruit. Pour les 350 000 personnes, essentiellement musulmanes, qui n’ont pas encore réintégré leurs domiciles, cela sonne comme une provocation !
“Ne les laissez pas nous diviser !”
Une rumeur dangereuse dans l’atmosphère électrique de la ville en reconstruction. Pourtant, l’évêque de Marawi, Edwin de la Pena, dit et répète que la reconstruction de la cathédrale ne prime pas sur la réhabilitation des communautés. Il donne la priorité aux relations entre les religions, et souhaite que la guérison soit apportée aux personnes traumatisées par les violences.
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Un groupe de dirigeants musulmans soutient l’évêque, et demande aux Philippins de cesser de poster des informations mensongères, dans le but d’attiser les tensions. Parmi eux, un ancien membre du parlement de la région autonome musulmane de Mindanao, nommé Samira Gutoc-Tomawis, assure que les Philippins feraient mieux de concentrer leurs efforts sur la construction d’une unité avec les chrétiens. “Ne les laissez pas nous diviser”, a-t-il demandé lors d’un forum à Manille.
Maute n’est pas mort
Par “les”, il faut entendre les groupes musulmans extrémistes qui continuent à proliférer, parmi les ruines de Marawi. Le Colonel Brawner, dirigeant d’une unité de protection déployée à Marawi avertit ainsi : “Ils recrutent à nouveau, dans le but de fonder un califat”. Il estime que Maute a sous les armes 200 militants, et de nouvelles escarmouches éclatent avec l’armée philippine, quatre mois après la fin du siège de Marawi.
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Le groupe Maute, monté par Abdullah Maute, et qui préta allégeance à l’État islamique a certes été décapité par la mort de ce dernier en août 2017, mais il continue à agiter la province de Mindano, et n’a pas abandonné sa prétention à établir un “califat philippin”. Il bénéficie de la très grande pauvreté de la région de Mindanao, et du recrutement dans des écoles islamiques complètement hors de contrôle.
Quand reconstruira-t-on la cathédrale ?
Dans ce climat tendu, la reconstruction de la cathédrale Sainte-Marie, qui avait été attaquée au tout début du siège, le 23 mai, semble reportée pour longtemps. Le gouvernement est déjà largement critiqué pour la lenteur des travaux de reconstruction, et il serait dangereux qu’il donne la priorité à la cathédrale !
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L’ancienne sénatrice socialiste Risa Hontiveros décrit d’une jolie formule la situation des fidèles qui retournent voir leur cathédrale éventrée. “Les bombes et les balles ont transpercées le toit, mais on voit le ciel à travers le plafond ; les rayons du soleil y pénètrent en même temps que l’espoir de le réhabiliter”.