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« Se convertir, c’est comprendre qu’il y a un monde en dehors de soi »

JULIEN LECLERCQ
Benjamin Fayet - publié le 20/02/18

Julien Leclercq, 32 ans, témoigne de sa conversion dans un livre, “Catholique débutant”, qui vient de sortir ce mois-ci chez Tallandier.  Julien Leclercq est issu d’une famille éloignée de la religion. Longtemps, il a éprouvé une certaine hostilité à l’encontre du catholicisme avant de rencontrer la lumière. Après un cheminement d’une dizaine d’années commencé après les décès de son meilleur ami et de sa grand-mère, il se convertit tout juste trentenaire au Centre Saint-Paul à Paris.

Aujourd’hui âgé de 32 ans, il travaille dans le secteur de la communication et dirige également le site littéraire Le Nouveau Cénacle. C’est donc par l’écriture qu’il a décidé de témoigner de sa conversion.

Aleteia : Votre jeunesse s’est faite sans aucune éducation religieuse. A posteriori regrettez-vous de ne pas avoir été baptisé enfant ou préférez-vous avoir mené votre propre cheminement et pu demander vous-même le baptême ?
Julien Leclercq : Lorsque j’étais enfant, le catéchisme ennuyait la plupart de mes amis qui s’y rendaient. Ils y allaient par obligation et auraient préféré faire les 400 coups avec moi dehors… Aujourd’hui, ils ont certes une « culture religieuse » essentielle, une familiarité que je n’ai pas avec la religion catholique, car plus ancienne, mais j’ai la foi et, surtout, je vais à la messe. Quant à ces amis qui ont reçu cette éducation, ils n’y vont plus. Alors je vais vous répondre que je suis heureux d’avoir fait ce chemin librement, sans pression familiale ni sociale. C’est celui que je devais suivre. Tout simplement.

Vous dirigez un site littéraire Le Nouveau Cénacle et pour expliquer votre conversion, vous évoquez entre autres choses, certaines lectures qui vous ont guidé vers Dieu. Quelles-sont les auteurs qui vous ont guidé vers la conversion ?
Comme je l’écris dans mon livre, serais-je devenu croyant si ma mère ne m’avait pas appris à aimer les livres ? Au-delà de la transmission de la foi, c’est le rapport à la lecture, au plaisir de lire qui disparaît au sein des nouvelles générations qui est préoccupant. Comment faire lire la Bible à des jeunes qui refusent d’ouvrir un livre ? La question est redoutable, je le conçois. Victor Hugo m’a aidé à grandir dans la foi. Il m’a éveillé au mystère de Dieu tout comme à la nécessité de prier pour entretenir un lien avec ceux qui ne sont plus là. D’ailleurs, un auteur n’a pas nécessairement besoin d’avoir « l’étiquette » catholique ou chrétien pour aider à cheminer sur les sentiers de la foi. La sagesse de Montaigne, la conception de la liberté de Jean-Paul Sartre ou même les aventures de Jack London ont été pour moi des nourritures spirituelles déterminantes dans ma conversion.


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Issu d’une famille détournée de la religion, vous avez toutefois été soutenu par eux et surtout par votre compagne qui elle est revenue vers la religion après s’en être détournée. On sait que de nombreux convertis le font parfois dans le dos de leur famille. Leur soutien a-t-il été important dans votre décision ?
Mes proches ont en effet accueilli cette annonce comme une bonne nouvelle. Ils étaient même heureux pour moi. J’ai découvert bien plus tard que beaucoup de convertis le font dans le dos de leur famille. Je mesure leur courage et leur audace ! Je suis tellement proche de mes parents et de mon frère Romain qu’il m’était inconcevable de ne pas partager ce trésor avec eux, même si l’évangélisation des proches est toujours un sacerdoce… Alors je sème quelques graines en faisant confiance à Dieu. Concernant ma compagne, je l’ai rencontrée lorsque j’ai commencé mon catéchisme, son enthousiasme a été déterminant non seulement pendant mon catéchuménat mais aussi pour notre relation.

Dans votre livre vous évoquez votre surprise face à la froideur de certains paroissiens. Qu’est-ce qui vous a manqué dans l’Église et que vous auriez aimé trouver ?
L’Église impose un parcours du combattant de deux ans pour suivre le catéchisme, ce qui est déjà un obstacle à franchir. Même si j’avais la foi, ces deux années de catéchisme m’ont tenu à l’écart de l’Église encore quelques années après ma conversion parce que je ne vivais pas à Paris. En banlieue dans certains villages, la plupart des églises sont fermées le dimanche… Alors suivre une catéchèse au sein d’une paroisse relève du défi insurmontable ! À Paris, j’ai pu trouver un prêtre très facilement, grâce à mon parrain Christophe, afin de commencer le catéchisme, parce que ma décision était prise. Une fois baptisé, j’ai paradoxalement ressenti davantage de curiosité et d’intérêt de la part de ceux qui ne croient pas, ou plus, que les catholiques « installés ». Parmi les premiers, beaucoup m’ont demandé ce qui avait pu me passer par la tête… Mais pour les seconds, j’ai vite compris que, pour certains, j’étais quelqu’un qui n’avait pas baigné dans cette culture et que mon retard faisait de moi un fidèle différent, pas vraiment « de la maison ». J’ai manqué d’écoute, de suivi et d’accueil. Mais je suis persévérant, et c’est le Christ que je voulais rejoindre à tout prix.  

Vous évoquez une histoire d’amour avec le pape François dont vous avez même la photo au dessus de votre lit. Quelle place a-t-il dans votre vie de croyant ?
Tout a commencé avec Jean Paul II, celui que nous avions coutume d’appeler « notre oncle » du côté de ma famille polonaise. Puis il y a eu Benoît XVI que je n’ai pas compris durant son pontificat parce que je n’étais pas assez armé ni spirituellement ni intellectuellement pour saisir la portée de son message. Par sa renonciation, il est devenu à mes yeux le premier pape punk. Il a renoncé aux dorures pour mener une vie de prière quand le monde ne pense plus qu’à l’image et à la gloriole. Quel homme ! À propos du pape François, je suis en communion avec lui. Cet homme est habité par l’Esprit saint ! Avec sa verve, sa force, sa douceur, il ramène les catholiques et plus largement les chrétiens à la source de leur engagement, à savoir l’Évangile.



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Comment jugez vous cette famille catholique française que vous rejoignez ?
Il est très intéressant que vous souligniez « française ». Si vous m’aviez demandé mon avis sur la famille catholique, c’est-à-dire universelle, ma réponse aurait été différente ! J’ai rencontré tant de catholiques d’origines différentes : des espagnols, des italiens, des ivoiriens… Et c’est d’ailleurs chez les catholiques africains que je ressens la plus grande ferveur. Mais comme dans toutes les familles, il y a des incompréhensions voire des tensions, et la famille catholique française n’y échappe pas. Les réactions parfois épidermiques suscitées par François sont révélatrices ! Beaucoup estiment mieux comprendre la foi chrétienne que le pape. Je trouve cela dommage que tant de catholiques manquent de bienveillance à son égard. Mais nous pouvons observer depuis plusieurs mois de nombreux intellectuels catholiques, je pense à Erwan Le Morhedec, François Huguenin, Denis Sureau et tant d’autres, qui marchent à la suite du pape et retournent au fondement du témoignage chrétien : le trésor des Évangiles.  

Comme vous, de plus en plus d’adultes se font baptiser. Comment expliquez-vous ce retour de plus en plus important de nos compatriotes vers l’Église ?
Beaucoup se rendent compte qu’être soi-même son propre but est une impasse. Beaucoup comprennent également que régler son existence sur ses désirs aboutit au malheur. Freud a bien montré comment le but du désir était l’extinction de celui-ci, et que par conséquent le désir suprême était le suicide… Se convertir, c’est donc comprendre qu’il y a tout un monde en dehors de soi, et surtout au-dessus de soi. Le but est d’apprendre à le découvrir, en dépit des maladresses et des hésitations. Il y a donc de plus en plus de baptisés et de « recommançants » au sein de l’Église, et je m’en réjouis. C’est un témoignage de vie et d’amour. Les convertis comprennent qu’ils doivent porter l’espérance dans un monde qui en manque cruellement.  

Julien Leclercq livres

Catholique débutant, Julien Leclercq, Éditions Tallandier, février 2018, 218 pages, 16,90 euros.

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