Conservé au musée des Jacobins à Auch, ce tableau, célèbre aux États-Unis, va prendre ses quartiers à New York le temps d’une exposition. Réalisé en plumes en 1539 par des Indiens aztèques, ce tableau, destiné aux moines franciscains de Mexico, est le plus ancien tableau chrétien d’Amérique que l’on connaisse. Une inscription sur le pourtour du tableau déclare : “En 1539 à Mexico, sous le pontificat de Paul III par les soins du frère mineur Pierre le Gand”. Conservée au musée des Jacobins à Auch — deuxième musée possédant la plus importante collection d’art précolombien française après le Quai-Branly — cette œuvre est très célèbre aux États-Unis. Dans le cadre d’une exposition sur “Les royaumes dorés : luxe et héritage dans les Amériques antiques”, l’oeuvre va traverser l’Atlantique pour rejoindre le Metropolitan de New York.
Un cadeau de remerciement ?
Réalisée vingt ans après la conquête du Mexique par l’Espagnol Hernan Cortes, le conservateur Fabien Ferrer-Joly a confié à La Croix : ““Cortès a la réputation d’avoir été un conquistador sanguinaire. En réalité, il se méfiait de l’Inquisition dont il avait vu les excès au Cuba dès 1511. Par son oncle, fondateur d’un couvent franciscain en Estrémadure, il était très proche de cet ordre et avait demandé à Charles Quint de lui envoyer au Mexique des moines franciscains. Ceux-ci se sont érigés en protecteurs des Indiens contre les conquistadors qui les réduisaient en esclavage…”. Le Pape Paul III les a soutenus en publiant en 1537 la Bulle Sublimis Deus, interdisant cet asservissement. “Réalisée juste deux ans après cette Bulle, la Messe de Saint Grégoire a probablement été réalisée pour être envoyée à Rome en remerciement””.
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Une œuvre plurielle
L’oeuvre illustre le miracle lié à saint Grégoire. Alors qu’il célébrait la messe en l’église Sainte-Croix-de-Jérusalem à Rome, le Christ serait apparu sur l’autel sous la forme de l’Homme des douleurs, pour convaincre une personne de l’assemblée doutant de la Présence réelle. Mêlant une iconographie à la fois aztèque et catholique, avec des techniques de plumasserie indiennes — la plume était plus précieuse que l’or pour les Aztèques —, l’œuvre est particulièrement originale.
Le frère Pierre de Gand, avait fondé à Mexico en 1529 une école d’art intégrant des plumassiers aztèques. Pour évangéliser les Indiens, les Franciscains avaient compris qu’ils devaient intégrer des traditions ancestrales aux symboles catholiques. Outre l’utilisation des matériaux, la composition du tableau révèle également les traditions aztèques : la disposition des armes de la Passion et les motifs ornant l’antependium font référence à l’iconographie indienne. “Il y a eu une vraie utopie franciscaine de créer là-bas, une nouvelle chrétienté, vierge de la corruption des sociétés occidentales”, a rappelé Fabien Ferrer-Joly, sans cacher cependant les terribles ravages de la Conquête auprès des populations autochtones.
Comment l’œuvre est arrivée à Auch ? Les connaissances actuelles ne permettent pas répondre à la question. Achetée en 1985 par un antiquaire désireux de la vendre aux États-Unis, ce dernier fit une demande d’exportation au ministère de la Culture. Cette demande fut refusée et le musée d’Auch se proposa de l’acquérir afin de compléter sa riche collection d’art américain.
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