Portrait de celui que les Congolais appellent le « Wojtyla congolais », bête noire pour les pouvoirs barbares et source d’espérance pour le peuple. “Que les médiocres dégagent !”, lançait l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, pour décrire les dirigeants “barbares et incapables” de la République démocratique du Congo à la suite de la fusillade qui a fait au moins cinq morts, le 31 décembre dernier lors de la marche pacifique des catholiques censée, à son appel, “libérer l’avenir et faire du pays une terre de paix, de dignité, d’hospitalité, de progrès pour tous”.
Le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya est “un homme de Dieu courageux” soulignait alors Réveil FM International, une radio congolaise fermée par le gouvernement mais toujours accessible sur Internet. Un homme de Dieu à la parole “rare mais pointue”, ajoutait encore ce média qui soutient celui que certains appellent désormais “le Wojtyla congolais”, pour ses franches prises de position en politique. Une nouvelle marche a eu lieu le 21 janvier faisant à nouveau au moins 6 morts et 49 blessés.
Lire aussi :
Nouvelle marche sanglante des chrétiens en RDC
Pasteur et patriote
Né en 1939 – en pleine colonisation belge — ordonné prêtre en 1963, Laurent Monsengwo est le premier Africain titulaire d’un doctorat en Écritures saintes à l’Institut biblique pontifical de Rome, en 1970. Il est ordonné évêque par Jean Paul II, en visite à Kinshasa, en 1980. Et nommé évêque de Kisangani en 1988. À 41 ans à peine, il s’impose comme l’un des acteurs politiques majeurs de la période de retour à la démocratie qui a suivi le régime du dictateur Joseph-Désiré Mobutu. En 1991, il devient président du Bureau de la conférence nationale souveraine, et de 1992 à 1996, dirige le Haut conseil de la République, érigé en parlement de transition en 1994.
À 78 ans, l’archevêque de Kinshasa est reconnu comme une autorité morale incontestée dans son pays. Il « plie mais ne rompt jamais » quant il s’agit de défendre les droits humains et lutter en faveur de la démocratisation d’un pays qui a connu la plus cruelle des guerres civiles entre 1998 et 2002, faisant des milliers de morts dans l’est du pays. Car chez les gouvernants, “l’appétit de pouvoir est une drogue. J’en sais quelque chose : malgré moi, j’ai pratiqué le pouvoir six ans ! Quand vous y êtes, il faut beaucoup d’esprit des Béatitudes pour ne pas succomber à la tentation de modifier la Constitution pour rester en poste !”, a-t-il confié en 2011 au quotidien La Croix, lors d’une visite en France. Il évoquait ses années de forte implication politique.
On a prêté à l’ecclésiastique cent fois l’intention de descendre directement dans l’arène politique. “J’aurai pu, je n’ai pas voulu”, a-t-il souligné à différentes occasions. “Mon pouvoir ecclésiastique est 1 000 fois supérieur”. Le cardinal Monsengwo, encore aujourd’hui, ne rate pas une occasion pour dire haut et fort ce qu’il pense dans son pays, mais également à l’occasion de ses déplacements en Afrique ou en Europe. Cela ne plait pas toujours, mais peu importe, “c’est mon rôle de pasteur, répond-t-il à ses détracteurs, que d’annoncer l’Évangile et défendre la population le plus possible”.
Lire aussi :
RD-Congo : “L’Église engage le bras de fer avec le pouvoir”
Proche des papes
À Rome, Laurent Monsengwo est très apprécié. Benoît XVI l’a élevé au rang de cardinal en 2010. Et depuis 2013, il est l’un des neuf cardinaux choisis par le pape François pour le conseiller dans le gouvernement de l’Église et la réforme de la curie, le G8. Il fut le premier Africain secrétaire spécial d’un synode des évêques, celui de 2008 sur la Parole de Dieu. Il est également co-président du mouvement catholique international pour la paix Pax Christi International. À l’évidence, il joue un rôle essentiel au côtés du pape François pour tout ce qui touche le continent africain, dont il est probablement un des meilleurs porte-parole.