Peinte en 1768 par Laurent Pécheux pour le marquis de Lopis, colonel de la garde royale avignonnaise, la toile de Marie-Madeleine pénitente vient d’être acquise par le monastère royal de Brou.Artiste lyonnais ayant fait la plus grande partie de sa carrière en Italie, à Rome d’abord, puis à Turin où il devint le peintre officiel du roi de Piémont-Sardaigne, Laurent Pécheux n’est pas le plus célèbre des peintres français du XVIIIe siècle. Et pourtant il ajoute son nom à la longue liste des artistes français expatriés en Italie qui ont rencontré le succès. On pense ainsi à Poussin, de Gélée ou encore Le Gros. Pionnier du courant néoclassique, sa peinture révèle qu’il reste cependant attaché à une certaine fougue baroque.
Un peintre français dans l’Italie des Lumières
Il commence sa formation à Paris à l’âge de 15 ans auprès du grand Charles Natoire, où il demeure un an, avant de le quitter pour retourner à Lyon et se former auprès des artistes locaux. Il décide ensuite de partir pour “la terre sainte”, l’Italie, Rome notamment, où il devient rapidement l’un des peintres les plus en vue, élève de Mengs et de Pompeo Batoni. La Marie-Madeleine pénitente de Pécheux est unique au sein de son corpus : on ne connaît pas d’autres compositions à figure unique grandeur nature de sa main. Effectuée entre deux voyages à Naples au cours de l’année 1768, il est intéressant de noter que l’artiste révèle, à cette époque, un intérêt particulier pour la peinture religieuse. Il effectue pas moins de trois tableaux à caractère sacré au cours de cette courte période : La Mort de la Vierge, Le Sacrifice et la Présentation de Jésus au temple pour la cathédrale de Dole.
La Marie-Madeleine pénitente
Le type iconographique de la Marie-Madeleine pénitente se développe à partir du XIIIe siècle sous l’impulsion des ordres mendiants (franciscains et dominicains). Représentée dans la grotte de la Sainte-Baume, elle emprunte à sainte Marie l’Égyptienne — prostituée retirée dans le désert pour expier ses péchés — la longue chevelure. Pourtant, d’après le récit de l’Évangile de Luc (8, 2), Marie-Madeleine n’est pas une prostituée. Elle a en fait rejoint le groupe des disciples après que Jésus l’ai libérée des sept démons. La tradition chrétienne l’a confondu et lui a attribué des actes accomplis par d’autres femmes citées dans la Bible comme la prostituée anonyme repentie chez Simon le Pharisien. Une confusion qui a fait de Marie-Madeleine un personnage composite tout au long de l’histoire du christianisme. En 1969, le pape Paul VI décrète qu’elle ne doit plus être fêtée comme « pénitente », mais comme « disciple », l’Église catholique ne considérant plus Marie Madeleine comme une prostituée repentie.
L’influence italienne
La Marie-Madeleine pénitente de Pécheux révèle sans conteste les influences italiennes du jeune peintre. Loin des grandes scènes d’action habituelles où figurent de nombreux personnages, ici le peintre s’attèle à un genre plus délicat, un portrait plein de douceur. La délicate expression apaisée du visage de la sainte rappelle un de ses maîtres favoris : Corrège. Quant aux fantastiques drapés froissés et les nuances jaune d’or de son grand manteau, ils rappellent sans conteste l’influence de Baroche. Mais la position du corps emprunt de nonchalance fait évidemment référence à son maître Batoni dont la Marie-Madeleine réalisée en 1942 — détruite à Dresde en 1945 — fut sans doute source d’inspiration pour Pécheux.
Cette somptueuse toile, présentée l’année dernière au Monastère royal de Brou durant l’exposition “Marie-Madeleine, une passion révélée”, a désormais rejoint les collections permanentes du monastère. Une chance pour l’établissement quand on sait que la plupart des œuvres de ce grand peintre français sont conservées dans les musées italiens.
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