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Le soldat, de la vie à la mort

Thibault Miloche
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Benjamin Fayet - publié le 20/12/17
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Qu’il soit né dans le Latium au Ier siècle ou en Bretagne en 1995, le soldat a besoin de boire, manger, se laver, se détendre… Mais aussi de surmonter par la foi, ou d’autres moyens, l’idée de mort auquel il est naturellement confronté. Loin des idées reçues sur la vie militaire, le Musée de l’armée fait pénétrer les visiteurs dans la vie quotidienne du militaire dans sa dernière exposition intitulée “Dans la peau d’un soldat.”La vie militaire possède sa dimension glorieuse. Le quotidien du soldat l’est pourtant moins et semble même routinier parfois. Avec la disparition du  service national voilà vingt ans, l’image de la vie sous l’uniforme apparaît désormais  lointaine pour beaucoup de Français. Avec cette exposition, le Musée de l’armée la rend plus palpable. On n’y trouvera pas de peintures de charges de cavalerie sabres au clair ou les images d’Épinal de la IIIe République. L’époque n’est plus à l’idéalisation de la condition du soldat comme elle l’était encore en France avant 1914, quand le pays baignait dans le culte de la revanche. On verra donc essentiellement ce qui occupe le militaire hors du combat. Comment s’occupe-t-il ? Comment s’habille-t-il ? Que mange-t-il ? Comment pratique-t-il sa religion ? Ce sont à ces multiples questions concrètes que répond l’exposition.

La place de la spiritualité et du sacré

L’approche centrée sur le soldat français se veut toutefois transnationale et surtout, et c’est là sa grande force, elle couvre près de 2000 ans d’histoire. Ainsi elle s’ouvre sur une longue galerie exposant l’évolution des uniformes au cours des époques. De celui du légionnaire romain, on termine par celui du soldat français en Afghanistan. C’est avec surprise que l’on constate les étonnantes similitudes entre les cuirasses médiévales et certaines protections introduites au cours de la Grande Guerre quand s’amorce la guerre industrielle. Se côtoient étroitement  alors modernité industrielle et sauvagerie des combats au corps à corps. Après cette galerie didactique, place à l’espace thématique avec pour fil rouge de nombreuses photos de Norbert Elias. Le jeune photographe a su saisir ainsi  l’oppressante condition des soldats français dans leur difficile mission en Centrafrique. Dans une scénographie réussie confrontant les époques, le visiteur est plongé dans la vie du “troufion”.

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Dans un univers où la mort n’est jamais loin, la spiritualité et le sacré ont depuis l’antiquité toujours tenu une place importante chez le militaire, souvent superstitieux. Quant à la mort, sa compagne la plus présente, chacun l’évacue selon ses croyances. La religion est un soutien pour affronter le fer et le feu tant au cours de pratiques collectives qu’individuelles. De nombreux objets illustrent cette dimension dont certains possèdent une fonction propitiatoire : objets de culte, talismans ou porte-bonheur. On retrouvera au cours de l’exposition un exemplaire d’une de ces amulettes romaines censées protéger du mauvais sort. Plus loin sont visibles les plaques d’identité des trois frères Charoy auxquelles sont jointes des médailles religieuses de saint Christophe « si tu as vu Saint Christophe, tu ne crains aucune catastrophe ». Le destin en décidera malheureusement autrement puisque les trois frères mourront pour la France entre 1914 et 1918. Concernant la Grande Guerre, est visible aussi un magnifique autel de campagne qui permit aux aumôniers de continuer à servir la messe au plus près du front. Autre exemple de la dimension transnationale de l’exposition,  cette ceinture japonaise à mille points de la Seconde guerre mondiale qui protège le guerrier au combat.

La vitrine du soldat Miloche

Mais la vitrine la plus bouleversante est probablement celle où sont exposés les objets intimes ayant appartenu à l’infirmier Thibault Miloche du 126e régiment d’infanterie, tué en 2010 en Afghanistan. Ces objets appartenaient à cet adjudant-chef, mort héroïquement, touché par un tir de roquette au cours d’une opération de reconnaissance dans la vallée d’Uzbeen. Cette vitrine est un beau témoignage de la piété de ce soldat allé jusqu’au bout de son engagement. À côté de sa montre brisée par l’explosion, son missel accompagné d’une icône de la Vierge, d’un crucifix assorti de la Prière du Para d’André Zimheld (premier officier parachutiste tué au combat en 1942) découverte dans ses affaires et devenue depuis lors celle de tous les militaires. Comme le témoigne sa mère pour Aleteia : “Il croyait en Dieu et en l’Amour de Dieu et si sa Foi était essentiellement intérieure, il l’a vécue en chrétien et en soldat jusqu’à la dernière minute.” C’est à Thibault Miloche et à tous les autres, ces combattants tués en service ou rentrés chez eux, à tous ces hommes héroïques ou non, croyants ou athées, officiers ou simples soldats, que rend hommage cette émouvante exposition qui les révèle dans leur quotidien le plus humain.

Dans la peau d’un soldat de la Rome antique à nos jours. Du 12 octobre 2017 au 28 janvier 2018. Tous les jours de 10h à 17h au Musée de l’Armée, aux Invalides. Entrée : 12 euros.

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