Avec leurs couleurs d’or, et les saveurs naturelles des fruits et des nougats, les fameux treize desserts provençaux que l'on sert à la fin du gros souper, le diner de la vigile de Noël, représentent la richesse de chaque foyer et permettent de conserver en plein hiver et au milieu de la nuit la plus sombre, le goût du soleil. C’est la lumière qui gagne sur les ténèbres !
Si la tradition de l’opulence est très ancienne et commune à de nombreuses sociétés méditerranéennes, la tradition des desserts de Noël doit beaucoup aux Félibres, ces poètes provençaux du XIXe. Mais jusqu’aux années 1920 et le livre de Marie Gasquet, « une enfance provençale », leur nombre n’était pas précisé. Il semble que ce chiffre treize ait été repris sur la tradition des treize pains du gros souper, censés représenter par douze petits pains les apôtres et par un plus gros, le Christ.
Une tradition très ancienne
Déjà au XVIIe siècle, François Marchetti, curé d’une paroisse de Marseille, dans son « explication des usages et coutumes des Marseillais» évoquait ces fameux desserts sur une table recouverte de trois nappes blanches représentant la sainte Trinité. Mistral, le plus célèbre des félibres, affirme que les desserts de Noël sont des friandises exquises tandis que, dans les années 1920, la romancière Marie Gasquet précise qu'à Noël « il faut treize desserts, treize assiettes de friandises, douze qui versent les produits du pays, du jardin, la treizième beaucoup plus belle, remplie de dattes », des fruits exotiques en souvenir de la fuite en Égypte.
Les fruits frais de l'hiver
À l’étal des marchés de Provence on trouve à Noël, pommes, poires, melon d’hiver, raisins et aussi pour les plus chanceux des sorbes, ces fruits du sorbier de la grosseur d'une prune et de la forme d'une poire, d'une couleur verte et rouge extérieurement que l’on trouve dans les collines du pays d’Aix. Mais pour trouver des sorbes à l’étal d’un marché, il faut bien chercher ! Aux halles de Marseille parfois, on en trouve à l’échoppe de la Partisane. La présence d’agrumes chez les marchands de fruits en décembre est un peu récente pour faire partie de la tradition… mais peut-on désormais se passer d’orange ou de clémentines en fin d’année ?
Les fruits secs
On les appelle « mendiants », en référence à la robe de bure des religieux des ordres mendiants. On trouve donc les raisins secs représentant les Dominicains, les figues sèches pour les Franciscains, les noix ou noisettes pour les Augustins et les amandes pour les Capucins… Mais les figues fourrées aux noix comptent-elles pour un ou pour deux desserts ? Frédéric Mistral, le grand défenseur des traditions provençales, appelait ces dernières le nougat du capucin ou le nougat du pauvre.
Les nougats
Cette friandise indispensable sur la table de Noël est la reine des treize desserts ! Le nougat blanc symbolise le bien tandis que le noir représente le mal… mais ils sont tous les deux aussi délicieux ! Le noir était autrefois confectionné à la maison avec du miel et des amandes. On l’appelait d’ailleurs le nougat de ménage, tandis que le blanc est le plus souvent l’œuvre d’un confiseur. À Signes, un village du Var, la maison Fouques en fabrique un particulièrement délicieux… mais seulement à partir du 15 septembre, après la récolte du miel, et se termine fin décembre, deux ou trois jours après Noël ! Le reste de l’année, la confiserie est fermée… Il y a aussi des saisons à respecter pour les friandises !
Les préparations maison des 13 desserts
Selon que vous soyez d’Aigues Mortes ou de Grasse, vous aromatisez votre fougasse à la fleur d’oranger alors que la pompe à huile est une brioche à l’huile d’olive, comme le gibassier. Certaines maîtresses de maisons confectionnent aussi des panades ou une tarte aux pommes râpées. Enfin la pâte de coing, coupée en petits cubes, ne saurait manquer. Les natifs d’Apt ou d’Aix y ajouteront des fruits confits ou les calissons, recettes savoureuses mais récentes, tout comme la bûche et les chocolats. Chacun ensuite adapte les traditions selon ses goûts, mais l’essentiel, c’est qu’il y en ait au moins treize… et qu’on les laisse à disposition de tous les gourmands trois jours durant.