François se déplace au Myanmar (ex-Birmanie) et au Bangladesh du 25 novembre au 2 décembre. L’Église catholique y est une très vivante minorité avec 1% de la population birmane et 0,2% au Bangladesh. La question des Rohingyas pourrait empoisonner ce déplacement.À l’origine, le Pape souhaitait se rendre en Inde mais le Premier ministre du deuxième pays le plus peuplé de la planète n’a pas répondu à sa demande. Alors son choix s’est posé sur les pays voisins. C’est la première fois qu’un pape foulera le sol birman. Le Bangladesh, pour sa part, avait déjà reçu saint Jean Paul II en 1996.
Contraste entre les richesses d’un pays et la pauvreté de ses habitants
Les pauvres. Voilà une des raisons majeures de ce déplacement pontifical en Asie. Dans les deux pays, le taux de pauvreté dépasse les 30% de la population vivant avec moins de 2$ par jour. Le cardinal archevêque de Dhaka (capitale du Bangladesh), Mgr Patrick D’Rozario, l’a rappelé il y a peu de temps « le Pape vient ici parce que nous sommes une Église très pauvre ». Pourtant la Birmanie est un pays à la richesse colossale en pétrole, gaz, bois, eau, mines de jade et de diamant. Il s’agira ainsi très diplomatiquement de faire un maximum pour que la loi birmane sur la laïcité soit respectée et que les richesses soient redistribuées comme s’acharne à le faire Aung San Suu Kyi.
La question des Rohingyas sera-t-elle soulevée ?
Comme l’indique le père Bernardo Cervellera, missionnaire et directeur du site web AsiaNews.it : “On ne l’entend pas beaucoup sur les ondes et dans les médias mais dans ce groupe, il y a des militants poussés et encouragés par le fondamentalisme islamiste. Personne ne souhaite leur donner la citoyenneté, ni la junte, ni le Bangladesh. Le problème rohingya demeurera entier et le Pape ne devrait pas intervenir directement au Myanmar sur ce sujet puisque cette “tribu musulmane” n’a jamais été classée parmi les 135 minorités reconnues par la junte en 1948 lors de l’indépendance. Une partie d’entre eux sont des contrebandiers d’opium qui naviguent entre la Birmanie et le Bangladesh”.
Pourquoi les Rohingyas font-ils la une de la presse internationale ?
“L’oppression dont ils sont l’objet n’est pas une nouveauté souligne le père Cervellera, car sous le régime militaire toutes les minorités ont fait ou font les frais de leurs exactions : viols, pillages, villages brûlés ou spoliation de terres, intimidations. Ce n’est pas une raison pour sous-estimer leur souffrance mais les Rohingyas ne sont pas les seuls à subir ces brutalités, hélas. Cependant l’opinion publique s’en émeut de manière très forte par rapport aux mêmes exactions subies par d’autres et c’est là une chose étonnante. On sait que des groupes fondamentalistes islamistes bangladais et pakistanais ne cachent pas leur soutien aux Rohingyias en leur enjoignant de faire la guerre sainte en Birmanie, rêvant d’un califat dans le Rakhine. Al Qaïda appelle même les musulmans à continuer la lutte en Birmanie. Il faut être vigilant avec les informations tronquées que véhiculent les médias. Surtout que les Rohingyas arrivant au Bangladesh sont extrêmement violents avec les tribus en place et leur volent leurs terres. Rien n’est aussi simple qu’on voudrait nous faire croire”.
Qui gagne à faire pression en faveur des Rohingyas ?
Le père Bernardo évoque une “question géopolitique majeure entre la Chine et les États-Unis. En effet dans l’État d’Arakan (ouest du Myanmar), l’armée birmane et la Chine ont décidé la construction d’un port en eaux profondes et d’une autoroute allant vers Kunming en Chine, accompagnés d’un gazoduc et d’un oléoduc. Les États-Unis voient cela d’un très mauvais œil et souhaitent retarder au maximum ces travaux qui permettraient aux cargos Chinois de ne plus emprunter le très dangereux détroit de Malacca. L’amitié entre la Chine et la junte ne plaît pas du tout”.