Illustre représentant de la sagesse grecque, le « père de la médecine » est encore salué pour sa vision écologique de la santé humaine. On a pourtant « caviardé » son serment.En faisant quelques emplettes dans un magasin bio, je me suis procuré le magazine mensuel (gratuit) Biocontact de novembre. Bonne surprise : l’essentiel de son dossier est consacré au « père de la médecine », Hippocrate de Cos (vers -460 – -370). Dans son éditorial, Jean-Pierre Camo, directeur de la publication, souligne la sagesse réaliste qui inspire le Corpus hippocratique, et s’exclame : « Hippocrate, reviens ! »
Qu’il s’agisse de la médecine ou de l’écologie, nous aurions en effet plus d’une « pépite » à tirer de l’héritage de ce « sage » — « sophos » — contemporain des premiers philosophes grecs et qui n’était pas moins qu’eux « philosophe », ami de la sagesse. C’est en effet dans une démarche rationnelle basée sur l’observation clinique — et non sur la magie — qu’il s’attacha à découvrir les causes de la santé et des maladies. Son sujet, c’était l’homme, l’homme tout entier, corps et âme, dans une vision globale de son équilibre incluant la réflexion éthique et politique : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux ».
Pour Hippocrate, la meilleure façon de conserver la santé, c’est d’avoir une alimentation équilibrée. D’où l’importance d’un régime, quand une maladie survient. Celle-ci ne doit pas être réduite à un symptôme qui n’est qu’un signal lancé par l’organisme. Le vrai médecin, c’est la nature : le praticien n’est que l’humble collaborateur de sa puissance de guérison. Cette vision holistique de la santé, aux antipodes du mécanicisme cartésien considérant le corps comme une machine, est aujourd’hui encore trop délaissée : « Un oubli majeur ! », souligne Jean-Pierre Camo. Le fait est que la spécialisation à outrance de la médecine contemporaine et la techno-biologie renforcent la tendance à traiter chaque organe comme une pièce détachée et à « chosifier » le malade.
Cependant, le dossier de Biocontact n’est pas tout à fait complet. Il fait l’impasse — ce n’est pas vraiment une surprise — sur ce qu’on ne veut plus retenir actuellement du serment d’Hippocrate qui reste pourtant officiellement le texte fondateur de la déontologie médicale. Il est en effet aujourd’hui systématiquement amputé de ces injonctions capitales : « Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion. De même, je ne remettrai pas non plus à une femme un pessaire abortif ». L’écologie humaine intégrale qui était le cœur de la sagesse hippocratique ne s’accommodait ni de l’euthanasie, ni de l’avortement. « Experte en humanité » (Paul VI), l’Église ne dit pas autre chose. Le pape François exhorte lui aussi à retrouver une « écologie intégrale » qui non seulement rend à l’homme sa place au cœur et au sommet de la Création, qu’il doit respecter, mais interdit de le « chosifier » comme le fait la « culture du déchet » en fabriquant par exemple des « bébés médicaments » ou en recourant aux mères porteuses dans la GPA. Ceux qui refusent de l’entendre sous prétexte que « la religion » n’aurait plus voix au chapitre sur la place publique, récusent aussi l’antique sagesse grecque qui est l’un des piliers de notre civilisation.