L’aspiration à mieux manger s’est largement développée ces 15 dernières années en France, où les expériences de restauration collective locales et bios se sont multipliées. Manger plus sain et local est un vrai défi pour les restaurateurs : comment entrer dans un cercle vertueux de l’alimentation ?
La cantine… Cela évoque sans doute de mauvais souvenirs à certains, malgré le plaisir de partager le déjeuner avec ses camarades de classe. Heureusement, la mauvaise réputation des réfectoires semble désormais s’éloigner. Pour preuve, près de 83 établissements scolaires recensés par la FNAB (Fédération nationale d’Agriculture Biologique) proposent désormais des menus locaux et bios dans les crèches, les écoles maternelles, les collèges, les lycées, et les universités. Des initiatives à saluer, en espérant qu’elles en inspirent d’autres ! Mais, que mange-t-on dans ces cantines et est-ce que c’est bon ?
Manger mieux, d’où ça vient ?
Ce changement des comportements alimentaires témoigne d’une prise de conscience au sein de la société en faveur du mieux vivre. Pour Stéphane Veyrat, directeur de l’association Un Plus Bio, c’est d’abord sous l’impulsion des parents d’élèves et des collectivités que le souci d’une meilleure alimentation a gagné le secteur de la restauration collective :
« 53 villes adhèrent à notre association, avec en commun la volonté de faire plus sain, plus juste et plus local. Aujourd’hui, 80 millions de repas avec 20% de bio sont servis chaque année dans les cantines. Les villes de Mouans-Sartoux et Grande-Synthe sont déjà à 100%, la ville de Paris en est à 30% et à Toulouse 32 000 repas bios sont servis chaque jour ».
Producteurs, distributeurs, municipalités et établissement scolaires travaillent en commun pour établir un cercle vertueux dans la consommation alimentaire : « le monde agricole souffre, on mange mal et des problèmes de santé en découlent. Dans cette équation, il y a une volonté légitime de changer les choses. »
Que mange-t-on à l’école ?
Dans ces écoles qui ont adopté les produits locaux pour les repas du midi, la composition des repas est prévue un mois à l’avance et corrigée si besoin par des diététiciens : “Cela se fait surtout dans les grandes villes où les mairies font appel à un diététicien qui vient une fois par mois pour aider l’équipe”, explique Stéphane Veyrat, de l’association Un plus Bio. “Je crois que manger local c’est d’abord manger plus de produits bruts, moins de plats préparés, avec moins de graisses saturées, d’additifs et de conservateurs. Par exemple, une viande venant d’un petit abattoir ne sera pas composée d’antibiotiques. Enfin, c’est manger plus diversifié, avec des variétés différentes de salades ou de blettes”.
Par exemple, au menu de la cantine de Vedène cette semaine : soupe de légumes, haricots verts, salade verte en entrée, daube provençale, épinards à la crème, gratin de poisson et macaronis en plat principal, orange, compote de pomme, et tiramisu en dessert. “Les menus se renouvellent au rythme des saisons, avec par exemple en ce moment beaucoup de chou, des endives, et certains aliments cultivés toute l’année comme les carottes“, explique Valérie Moulin, responsable de la restauration.
Proposer du local et suivre le rythme de saison implique de se satisfaire des mêmes aliments pendant plusieurs semaines, sans se lasser : “À Mouans-Sartoux où les produit sont majoritairement locaux, il arrive par exemple d’avoir une grande quantité de courgettes ou de blettes, il faut donc redoubler d’inventivité sur la préparation et la présentation des produits, car on mange aussi avec les yeux“, explique Stéphane Veyrat de l’association Un plus Bio. “Il existe une règle en terme d’éducation au goût, qui est d’attendre d’avoir servi 7 fois un plat avant de le retirer d’un menu. Il ne faut donc pas se décourager lors du premier échec, car c’est aussi une question d’accoutumance“.
Consommer local, est-ce que c’est plus cher ?
S’approvisionner en produits de saison locaux est souvent moins coûteux que d’acheter des produits importés de 4ème, voire de 5ème gamme, qui sont déjà nettoyés et prédécoupés, justifiant un prix élevé. Par ailleurs, 60% du coût d’un repas dépend d’un bon recrutement, en effet si le coût matière d’une assiette varie entre 1 euros 50 et 2 euros à l’école maternelle par exemple, le coût de revient oscille quant à lui entre entre 8 et 11 euros.
Des économies peuvent parallèlement être faites en limitant le gaspillage alimentaire. Stéphane Veyrat précise que sur 500 grammes de denrées, 120 à 150 grammes en moyenne sont gâchés, soit parce qu’elles ne sont pas consommées au bon moment, soit parce qu’il y en a trop. Frédéric Huchet est chef cuisinier au lycée Saint Joseph du Loquidy à Nantes et représente le groupe de restauration collective Convivio : « Nous proposons des repas à base d’alimentation locale et je m’en sors très bien avec mon budget. Nos produits comme le lait cru et le fromage, viennent par exemple de la ferme de la Pannetière toute proche d’ici. Nous avons de bons retours et le prix d’un repas pour les familles reste abordable, entre 5,80 et 6 euros ».
L’initiative inspirante “Tiad Reizh”
En Bretagne, l’initiative “Breizh Alim” prévoit l’achat de denrées de proximité pour approvisionner les cantines scolaires des établissements publics dans trois filières : le porc, le lait et les produits de la mer. Sur le même modèle, l’État, le Conseil Régional, la Chambre d’agriculture et l’Enseignement Catholique de Bretagne ont lancé l’initiative “Tiad Reizh”, le 4 octobre dernier. Celle-ci concerne les 4 diocèses de la Région Bretagne (Ille et Vilaine, Morbihan, Finistère et Côtes d’Armor), représentant 827 écoles, 170 collèges et 103 lycées :
« Cela prend du temps de transformer les habitudes alimentaires, l’objectif est de parvenir à une consommation de 80 % de viande de porc, et de viande bovine bretonne dans tous nos établissements. » explique Stéphane Gouraud, le Directeur diocésain de l’Enseignement catholique du Morbihan.
Si cette démarche intervient en grande partie dans le but de soutenir économiquement les agriculteurs locaux, il précise que « chacun s’y retrouve, puisque les parents d’élèves veulent que leurs enfants soient bien nourris ». L’objectif de cette démarche est en effet d’améliorer la qualité des repas, sans en augmenter le prix.