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Les chrétiens, ferment d’unité et lueur d’espérance en Algérie

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Eléonore de Vulpillières - publié le 16/10/17
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Si loin, si proches. À quelques centaines de kilomètres de France, les multiples communautés des chrétiens d’Algérie continuent de vivre et de se renouveler, malgré les difficultés inhérentes à la pratique d’une foi différente en terre d’Islam. C’est ce que propose de nous faire découvrir un documentaire, réalisé par Jean Dulon, qui sera diffusé lundi 16 octobre sur KTO.Le film explore les quatre diocèses du pays, Alger, Oran, Constantine et Laghouat. On découvre, en cette terre d’islam, des religieux qui viennent de partout, liés par leur foi chrétienne, et dans une large mesure, par la francophonie. Si le photographe Yann Arthus-Bertrand a pu réaliser de magnifiques clichés de l’Algérie vue du ciel, le réalisateur Jean Dulon nous brosse le portrait vivant d’une « Algérie vue du sol ». Contacté par Aleteia, le réalisateur souligne l’importance d’une religiosité omniprésente dans le pays. « Que ce soit dans la rue avec les cinq prières quotidiennes, à la télévision, ou même dans une simple recette de cuisine, tout renvoie en permanence à la question de Dieu. L’Algérie permet aux chrétiens oubliés de se révéler. Ce pays nous renvoie à une chrétienté immergée. »

Rencontre fraternelle entre chrétiens et musulmans

Au cœur de l’agitation de la capitale, le centre spirituel Ben Smen propose des retraites ouvertes à tous. « Les Algériens ont besoin de parler de choses personnelles, d’évoquer des questions qui restent taboues sur la religion », explique le père Christophe Ravanel, jésuite. Avant d’être religieuse, la rencontre entre chrétiens et musulmans est humaine et fraternelle.

Le film nous emmène dans un petit appartement des bidonvilles d’Alger, à la rencontre de Jean et François, petits frères de Jésus, immergés depuis soixante ans dans la ville, et inspirés par la spiritualité du père Charles de Foucauld. Ils évoquent un passé vécu « ensemble » avec les habitants. Ce ne sont pas des expatriés venus s’établir ici quatre ou cinq ans, mais des Algérois qui vivent ici, (presque) comme les autres. « On ne vous demande pas de faire l’école ni de prodiguer des soins, mais d’être là, d’apporter votre différence. » Les chrétiens sont perçus comme des ferments d’unité et des vecteurs de dialogue.

Une autre séquence est consacrée à quatre sœurs originaires de Madagascar, vivant dans une oasis du Sahara. Elles enseignent aux enfants de la palmeraie, parmi lesquels sont présents des enfants handicapés. Leur vie de prière est rythmée par le recueillement chaque vendredi – jour sacré en terre musulmane – sur la tombe du père de Foucauld, et la louange dans leur langue. À Alger, le film de Jean Dulon s’attarde dans un atelier d’artisanat Caritas destiné aux femmes algériennes. Il est animé par une religieuse originaire du Mexique, et une laïque péruvienne. L’ambiance d’accueil, d’écoute, de respect mutuel et de fraternité y est louée par les femmes qui participent à l’atelier « patchwork ».

L’assistance aux plus faibles est aussi au cœur de la mission des Petites sœurs des pauvres, qui accueillent de façon bénévole 80 pensionnaires, à côté de la maison de Saint-Augustin, à Hippone. Les commerçants leur fournissent gratuitement la viande et les légumes qu’elles préparent pour les pensionnaires. Tous ces portraits rendent tangible l’exercice d’une foi incluse dans le paysage algérien. Les habitants coexistent avec cette petite minorité de chrétiens bien intégrés.

Une grande diversité de nationalités

Ce film nous fait rencontrer des personnes de toutes nationalités : des Français, des Espagnols, une Allemande, des Indiens, des Centrafricains et d’autres prêtres originaires d’Afrique subsaharienne, francophones et anglophones. À Annaba, du côté de la frontière tunisienne, le père Gérard de Bélair, qui a été professeur de biologie à l’université d’Annaba, et qui est également bon géographe, décrit son attachement à la nature et aux montagnes qui jouxtent le bruit et la pollution de la ville. À 80 ans, il entretient de belles relations avec ses anciens étudiants, qui continuent d’aller le voir régulièrement.

La jeunesse est très présente dans le film, entre la troupe d’improvisation qui répète au centre diocésain Pierre Claverie à Oran, et tous les jeunes Africains subsahariens venus faire leurs études en Algérie, et qui redonnent du dynamisme à la fois chrétienne. L’Église d’Algérie est à la croisée de deux chemins ; l’historique — avec l’implication des Français, notamment de pieds-noirs dans le clergé — et l’évolution contemporaine, avec les nombreux religieux, et des jeunes africains, qui eux, sont plutôt de passage. En 2016, en parallèle des JMJ ont eu lieu les journées algériennes de la jeunesse, animées notamment par cette jeune communauté francophone.

La thématique de la colonisation affleure, mais avec parfois un certain détachement. À Tizi Ouzou, un père blanc, jeune et originaire d’Afrique francophone, explique que ce qui tient le plus à cœur des gens qui viennent le voir, c’est l’écoute, et l’établissement d’une relation vraie et profonde. Il ne peut plus y avoir cette relation de l’ancien colonisateur à l’ancien colonisé : « On a été colonisés par la France, nous aussi ». « La bonne nouvelle de l’Évangile n’est pas uniquement portée par des Européens », résume Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger.

Un film plaidant pour l’unité

Le film sera projeté en Algérie. Pour des raisons politiques, il est peu question des convertis menacés par le régime ou des différents obstacles posés à l’exercice de la religion catholique. La constitution algérienne garantit la liberté de culte, mais l’interdiction du prosélytisme se confond parfois avec une sévérité à l’endroit des non musulmans — notamment des convertis. On se souvient des années noires, durant la décennie 1990, où dix-neuf religieux furent assassinés par des terroristes : les moines de Tibhirine, plusieurs religieuses, et l’évêque d’Oran, Pierre Claverie. De cela, il n’est pas question dans un documentaire qui se veut terrain de rencontre et de dialogue entre communautés. « Mon chauffeur ne savait même pas que le christianisme était encore vivant en Algérie. Il pensait que les monuments n’étaient plus affectés au culte. Axer le film sur les années noires eût été la garantie de ne pas avoir les autorisations de diffusion du film en Algérie, et que les Algériens ne le voient jamais », explique Jean Dulon, pour qui la double projection, en France et en Algérie était primordiale.

Une phrase qui revient fréquemment est le sentiment exprimé par des personnes de confession différente de « former une famille ». Ce film, rayon d’espérance sans être naïf, est une belle découverte d’une communauté chrétienne, minoritaire, mais en évolution.

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