Après plusieurs appels en faveur du respect de leurs droits et l’établissement de relations diplomatiques avec le Myanmar, le Saint-Père sera accueilli dans le pays en apôtre de la réconciliation par la petite Église locale qui se dit pleine de joie et d’espérance.Les atteintes à la liberté religieuses ne frappent pas seulement les chrétiens. Au Myanmar (ex-Birmanie), les premiers à en souffrir sont les musulmans de l’ethnie des Rohingyas, l’une des plus persécutées au monde selon l’ONU. Cette communauté à majorité bouddhiste de plus d’un million de personnes est privée de nationalité et de tout droit dans sa terre d’origine. Le Bangladesh voisin est affolé par leurs arrivées massives pour échapper aux violences qui leur sont infligées depuis près de 70 ans. Une situation qui inquiète le Pape qui ne cesse de plaider en faveur du respect de leurs droits. Selon un dernier rapport des Nations unies, plus de 123 000 Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh pour fuir les violences au Myanmar.
La visite du Pape “opportune et précieuse”
Après plusieurs appels en faveur du respect de leurs droits ou pour dénoncer les terribles persécutions faites à leur encontre — lors d’une audience générale ou à l’angélus le dimanche – l’annonce du prochain voyage apostolique du Saint-Père au Myanmar et au Bangladesh, du 27 novembre au 2 décembre, est accueilli avec joie et espérance par la petite Église locale qui représente à peine 1% de la population birmane. Celle-ci prend néanmoins très à cœur son engagement au service de la dignité des personnes, en œuvrant activement “contre toutes sortes d’oppression”. La visite du Pape au Myanmar “semble opportune et précieuse” selon Mgr Raymond Saw Po Ray, évêque de Mawlamyine et président de la Commission justice et paix de la Conférence épiscopale du Myanmar. “Le Pape a parlé des Rohingyas et nous espérons que son appel de paix sera bien accueilli par l’ensemble des parties au combat”.
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L’évêque fait référence aux affrontements qui font rage, ponctuellement, entre l’Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA), expression de la minorité musulmane des Rohingyas, et l’armée du Myanmar, dans l’État de Rakhine (ou Arakan), dans l’ouest du pays, où les Rohingyas s’étaient regroupés à la fin du XIXe siècle, sous l’administration coloniale, avant d’être rejetés et persécutés par le régime birman, après l’indépendance du pays en 1948, devenant la cible privilégiée des Rakhines bouddhistes, l’ethnie dominante dans la région. Situation de haine qui s’est aggravée, en 1982, avec l’entrée en vigueur d’une loi sur la nationalité refusant l’attribution de la nationalité birmane aux Rohingyas. En 2016, une véritable chasse à l’homme est lancée, qualifiée par des ONG de nettoyage ethnique et de génocide suite à des désordres à la frontière. Femmes violées, hommes égorgés ou enfants massacrés… Les témoignages recueillis par les enquêteurs de l’ONU auprès de centaines de réfugiés, abondent de détails horrifiants.
Le Pape attendu en “apôtre de la réconciliation”
Depuis le 25 août dernier, les combats ont repris de plus belle, et c’est un flux ininterrompu d’hommes, de femmes et d’enfants — 60 000 personnes en quelques jours — qui ont pris le chemin de l’exode. 400 d’entre eux ont été tués dans leur fuite. Parmi ceux qui ont passé la frontière du Bangladesh, des dizaines ont été arrêtés puis contraints à retourner au Myanmar. “De tristes nouvelles sont arrivées sur la persécution de la minorité religieuse de nos frères Rohingyas”, a lancé le Pape devant des milliers de fidèles réunis sur la place Saint-Pierre pour l’angélus dominical, le 28 août dernier. « Je voudrais leur exprimer toute ma proximité. Et nous tous demandons au Seigneur de les sauver et d’inspirer des hommes et des femmes de bonne volonté pour qu’on les aide à ce que tous leurs droits soient respectés”, a-t-il ajouté.
En février dernier, lors d’une audience générale, il avait lancé un appel en leur faveur, expliquant : “Ce sont de braves gens, des gens pacifiques. Ils ne sont pas chrétiens, ils sont bons, ils sont nos frères et nos sœurs. Et depuis des années ils souffrent : ils sont torturés, tués, simplement pour avoir mis en avant leurs traditions, leur foi musulmane”.
Dans ce contexte, l’Église au Myanmar, “petite réalité”, continue “à prier pour la paix et nourrir un espoir de réconciliation”, confie à l’agence Fides Mgr Raymond Saw Po Ray. C’est en ce sens que l’évêque de Mawlamyine perçoit la visite du Pape en Birmanie et au Bangladesh. Une visite en “apôtre de la réconciliation”, soucieux des besoin de chacun. Le problème des Rohingyas est délicat et l’usage même du terme Rohingya, souligne-t-il, est plutôt controversé, si l’on lit leur histoire. La question, précise-t-il, “constitue encore aujourd’hui un thème très sensible dans les relations avec le gouvernement, qui qualifie la communauté de “minorité bengalaise”. Si bien qu’il est suggéré au Pape de ne pas utiliser ce terme dans ses messages de paix et de respect des minorités”. Dans sa déclaration à l’agence Fides, à propos de la crise en cours dans l’État de Rakhine, il appelle les parties en cause – militaires et guérilléros Rohingyas — à “se respecter et construire un avenir de paix et de justice, basé sur le respect des droits fondamentaux”.
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Après le silence, le déni d’Aung San Suu Kyi
En mai dernier, le Saint-Siège et le Myanmar ont établi des relations diplomatiques, à l’occasion d’une rencontre au Vatican entre le pape François et le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères birman, Aung San Suu Kyi. La dirigeante birmane, très critiquée pour son silence sur le sort de cette communauté, a fini par s’exprimer ce mercredi, accusant des « terroristes » de propager “un iceberg de désinformation” à propos des dernières violences commises contre eux, dans le but, affirme-t-elle, de “générer des problèmes entre les différentes communautés”. La veille, le Bangladesh, l’Indonésie, la Turquie et le Pakistan l’avaient exhorté à mettre fin à ces violences. À la fin du mois d’août, le gouvernement turc avait publié des photos non authentifiées, pour dénoncer un “nettoyage ethnique” en cours. Une pétition demandant le retrait du Prix Nobel de la Paix qui lui a été attribué en 1991, a déjà recueilli plus de 340 000 signatures.