Les moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux ont décidé de créer des cuvées mixtes baptisées “Caritas”. Un terme, qui signifie en latin “amour de l’autre” et qui ne doit rien au hasard. L’objectif est en effet de contribuer à une plus juste valorisation du rude labeur des vignerons du territoire.Au Barroux, il n’est pas forcément chose aisée pour les vignerons de vivre du fruit de leur travail. Il faut dire que les parcelles sont dissiminées ça et là. Le temps de travail est important et les rendements peu élevés. Les moines du Barroux ainsi que les vignerons du canton de Malaucène, réunis sous la bannière Vignerons Lux Montis, ont alors décidé en 2015 de créer une première cuvée mixte, produite à partir des raisins des deux abbayes et ceux des viticulteurs locaux. Baptisée “Caritas”, elle représente la première pierre d’un édifice viticole solidaire au bénéfice de tous les acteurs locaux de la filière : vignerons, pépiniéristes, entrepreneurs de travaux agricoles, concessionnaires, restaurateurs, cavistes, etc. Les premières bouteilles sont commercialisées depuis juillet 2016.
Image monastique, image de qualité
« Certains vendent du moine alors qu’il n’y a pas de monastère. Nous, nous avons une perle, des moines et des moniales avec des binettes », lâche l’un des vignerons Lux Montis. « S’il n’y a pas d’histoire derrière, ça sonne un peu creux. Or, les deux abbayes sont bien réelles. Les moines sont quand même les bâtisseurs des vignobles de France. Et quand le mot Caritas est sorti, tout a pris un sens », renchérit un autre. Et pour les religieux-vignerons, il n’était pas concevable de ne rien faire pour les vignerons du territoire.
Sur la contre-étiquette des bouteilles, la présence de silhouettes — l’une représentant un moine, une autre pour le vigneron — rappelle le sens de ce projet solidaire. Les moines et les vignerons se sont aussi entourés de l’expertise de Philippe Cambie, l’un des œnologues les plus réputés de Châteauneuf-du-Pape. C’est lui qui valide et affine les assemblages. Miguel Varo, ingénieur agronome spécialisé en viticulture, les assiste également. Car cette cuvée veut magnifier un terroir d’exception. Pour autant, les vignerons n’ont pas attendu les moines pour faire du “haut de gamme”. Depuis onze ans, ils ont eu à cœur de réhabiliter des anciennes terrasses. Les vignes qui s’y trouvent sont ainsi mieux exposées et produisent des raisins plus concentrés.
Le travail de la vigne à l’abbaye
L’abbaye du Barroux a vu le jour dans les années 1980. Dom Gérard, un moine bénédictin, était arrivé en août 1970. Envoyé en fondation au Brésil, il avait souhaité lors de son retour en France faire « l‘expérience de la tradition ». Il s’était ainsi installé dans une petite chapelle, à Bédoin (Vaucluse). Les années passèrent et les postulants étaient nombreux. Une communauté commençait à se dessiner. Il fallait donc trouver un nouveau lieu. L’abbaye du Barroux, vouée à sainte Madeleine, fut ainsi érigée en haut d’une colline, entre le Mont Ventoux et les Dentelles de Montmirail. « Un écrin particulièrement cher au cœur du bon Dieu. Il y a mis pas mal de tendresse, même si le pays est rude et sauvage, avec sa rocaille et ses paysages fracturés », murmure-t-on d’ailleurs dans les murs de l’abbaye. Aujourd’hui, elle compte en ces lieux 55 moines, âgés de 22 à 74 ans.
À l’ombre du monastère des frères, des moniales s’installèrent dans les environs. Celles-ci firent l’acquisition d’un domaine viticole et s’engagèrent auprès des habitants à en maintenir la culture. Ces vingt dernières années, et avec l’aide des moines, c’est un domaine de près de huit hectares qui s’est ainsi formé autour des deux abbayes. Certes, ces femmes et ces hommes sont entrés au monastère pour prier et vivre avec le Seigneur. Mais le travail reste pour eux une autre rencontre avec le créateur. Ici, « on n’exploite pas la terre », mais « on se met à son service », comme le suggère la racine du mot cultiver en hébreu. « Elle-même va nous servir et nous rendre au centuple… Mais il ne faut jamais manipuler une créature si on veut qu’elle puisse nous donner le meilleur d’elle-même », explique un moine.
Le vin est vinifié à la cave vinicole voisine de Beaumont-du-Ventoux. L’abbaye commercialise à elle seule près de 35 000 bouteilles chaque année. Afin de subvenir à ses besoins, la communauté peut également compter sur d’autres productions : boulangerie, lavandin, huile d’olive, etc.
L’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux est située dans le Vaucluse, entre le Mont-Ventoux et les Dentelles de Montmirail.
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