Un coiffeur de mode et une photographe italiens racontent les doutes et souffrances qui ont nourri leur foi et leur amour. “Je recherche Dieu dans la beauté, dans son amour, dans le silence qui touche par Sa présence”. Gianluca Guaitoli est coiffeur de mode. Les superbes mannequins qu’il doit coiffer pour un service photo deviennent pour lui – comme le buisson ardent de Moïse, l’eau du puits de Sichar – des occasions de rencontre avec Dieu et d’ouverture à des perspectives inattendues de grâce commune :
“Mon travail, je le fais comme il est demandé à un chrétien de le faire ; pour moi, avoir la foi c’est aller au milieu des personnes, là où elles vivent. Enzo Bianchi, un ami de longue date, me répétait souvent que Jésus allait au milieu des personnes que la société considérait de “mauvaises personnes”. Et moi je fais le coiffeur comme ça : j’aime les formes structurées, précises, mais il doit toujours y avoir un défaut, un coup de vent qui décoiffe. Le défaut est la révélation qui fait de nous des êtres uniques”.
En chaque personne, une lumière cachée
Et cette personne merveilleusement “unique”, Gianluca, à force de la chercher, l’a trouvée : son épouse Carlotta Bertelli, photographe.
“Après le premier week-end passé ensemble, je l’ai déposée chez elle, à Modène. Puis je me suis mis à pleurer jusqu’à chez moi, bouleversé par cette sensation que Dieu m’avait offert enfin la personne que je n’avais jamais cessé de chercher, la lumière pour mes jours à venir”.
Grâce au light painting – une technique de prise vue photographique — Carlotta arrive à capter la lumière cachée en chaque personne :
“Je place la personne dans l’obscurité d’une pièce, dans le silence. Puis j’ouvre l’obturateur de l’appareil, posé sur un chevalet, et m’approche de la personne, en l’éclairant d’une torche. Peu à peu les parties secrètes de son visage commencent à apparaître, comme jaillissant de la nuit, fruit d’une rencontre entre deux personnes disposées à se révéler mutuellement”.
Le light painting, technique que l’on peut traduire aussi par “peinture à la lumière”, est un parcours humain et artistique que Gianluca et Carlotta aujourd’hui ont beaucoup de plaisir à partager : lui s’occupe des coiffures, elle de faire les photos. Mais ensemble, ils expérimentent « l’enchantement de se perdre et de perdre du temps à regarder les atermoiements sur le visage de l’autre comme préambule avant le dévoilement », comme souligné dans l’introduction de leur dernière exposition intitulée : Les silences de la lumière. Le visage révélé (Modena, Galerie Artesì, 4-28 mars 2017).
Le “dévoilement”
À propos de “dévoilement”, le couple se souvient du jour où ils ont invité un grand mannequin à venir poser pour un portrait. Pendant la séance, la jeune femme s’est mise soudainement à pleurer comme libérée d’un gros poids : “Nous lui avions probablement créer un espace où elle s’est sentie accueillie comme une personne avec d’autres personnes”, racontent-ils. “Ses larmes étaient sincères… Elle nous a raconté le mal qu’elle avait à se sentir vraie, authentique, et le sentiment de libération qu’elle éprouvait maintenant”. Quelques temps plus tard, le mannequin rencontrera à nouveau le couple et lui confiera que ce moment fut pour elle comme “un retour imprévu” au baptême. “Un moment que l’on peut avoir oublié pendant des années et qui, tout-à-coup, sans prévenir, revient, rallumant une étincelle inattendue de grâce”.
Si l’Esprit te touche…
Gianluca et Carlotta ont toujours vécu leur foi comme une conquête exigeante. En 2006, la mère de Gianluca était tombée gravement malade. Il venait juste de quitter le toit familial pour aller habiter seul. Cette période, se souvient-il, fut une période terrible. « J’avais des crises d’angoisse, ne fermais pas l’œil de la nuit », explique-t-il. Alors, il s’est mis à rechercher la présence de Dieu, et s’est lancé dans la lecture de l’Évangile. Un soir, il est tombé sur l’hymne à la charité de saint Paul et a compris que cet hymne était un hymne à la vie, une carte, comme un plan de route, pour trouver l’authenticité perdue. Puis il est parti pour la Verne, au-dessus d’Assise, où il a rencontré un vieil ermite de 85 ans. Assis l’un en face de l’autre, alors que celui-ci échangeait avec lui, un rayon de lumière s’est posé sur ses yeux. Une véritable explosion de lumière : “J’ai vu une personne sainte et libre. À partir de ce moment-là plus rien ne fut comme avant. Si l’Esprit te touche, plus rien ne peut être comme avant. Car il te court après, malgré tes défauts et tes fardeaux quotidiens”.
Pour Carlotta aussi, sa foi en Dieu a été une conquête progressive. Elle raconte :
“J’ai perdu ma mère quand j’avais 2 ans et j’ai encore tant de souvenirs d’elle : son parfum, sa voix, des instants que je saurais photographier, si cela était possible. J’avais arrêté d’aller à l’église, me tenais à distance de toute cette sacralité. Le livre du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, était ma seule bible. J’ai travaillé des années ne pensant qu’à ma carrière, minute après minute, et à n’être que comme les autres me voulaient. Dans cette course effrénée, je me suis retrouvée avec de sérieux problèmes alimentaires, je n’arrivais plus à manger. Puis, avec Gianluca, peu à peu, je me suis sentie à nouveau nourrie d’un amour simple. Et maintenant, depuis quelques mois, nous sommes trois avec Francesca Edith, notre merveilleuse petite fille. La grossesse m’a fait voir un corps qui avait beaucoup changé, mais j’ai affronté avec joie ces kilos en plus. Depuis que Francesca est née, je vois mon travail d’un autre œil, il a refleuri. Autrefois je remuais ciel et terre et j’avais la sensation que ça ne suffisait jamais. Maintenant j’ai l’impression que tout est trop”.
Comme dirait le Petit Prince :
“Les hommes cultivent cinq mille roses dans un même jardin… cependant ce qu’ils cherchent pourrait être trouvé dans une seule rose, ou un peu d’eau. Seuls les enfants savent ce qu’ils cherchent”.
Article traduit de l’italien par Isabelle Cousturié, version originale de Giuseppe Gazzola.