Né juif, Aron Jean-Marie Lustiger se convertit au catholicisme à 14 ans, lors d’une rencontre avec Dieu à la cathédrale d’Orléans. Treize ans après sa mort, le 5 août 2007, retour sur l’histoire de sa conversion. Il y a treize ans, le 5 août 2007, s’éteignait Aron Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris depuis 1981, créé cardinal en 1983 par le pape Jean Paul II et membre de l’Académie française depuis 1995. Son corps a été alors inhumé dans la crypte de Notre-Dame de Paris, dans le caveau des archevêques de Paris. Sur sa demande a été apposée une plaque, sur laquelle est inscrit le texte suivant : « Je suis né juif. J’ai reçu le nom de mon grand-père paternel, Aron. Devenu chrétien par la foi et le baptême, je suis demeuré juif comme le demeuraient les Apôtres. J’ai pour saints patrons Aron le Grand Prêtre, saint Jean l’Apôtre, sainte Marie pleine de grâce ». Quelques phrases qui résument bien la vie de prélat et qui en disent long sur la puissance de sa conversion.
Issu d’une famille juive ashkénaze d’origine polonaise, Aron Lustiger naît le 17 septembre 1926 à Paris, dans le XIIe arrondissement. Ses parents Charles et Gisèle Lustiger, arrivés en France en 1918, tiennent un commerce de bonneterie dans la capitale. Celui qui répétait : « Je suis cardinal, juif et fils d’immigré » est très jeune confronté à l’antisémitisme et au message chrétien. En 1937, alors qu’il est âgé de 11 ans, le petit Aaron se retrouve, lors d’un voyage linguistique en Allemagne, dans une famille protestante. “J’ai vu, de mes yeux, à l’âge de 11 ans, le nazisme. Le nazisme vu au ras de l’œil d’un enfant de 11 ans discutant avec un gamin de 13 ans (…)” et qui lui expliquait en montrant son couteau : « Au solstice d’été, on va tuer tous les juifs », explique-t-il plus tard dans un entretien accordé au quotidien israélien Yediot Aharonot publié en 1982 par la revue française Le Débat. C’est aussi à cette occasion qu’il approche pour la première fois des adultes chrétiens antinazis.
“J’ai lu la Bible avec passion”
Durant la même période, entre 10 et 12 ans, il tombe sur une Bible protestante dans la bibliothèque de ses parents. « J’ai lu la Bible avec passion et je n’en ai rien dit à personne », explique celui qui voit dans le Nouveau Testament l’aboutissement de l’Ancien Testament, qui lui fait découvrir les racines de son identité juive. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, il est élève au lycée Montaigne à Paris, où il se « fait casser la figure parce que juif » par les autres élèves.
C’est dans la ville de Jeanne d’Arc qu’il découvre vraiment la foi. Lors de la Semaine sainte, alors qu’il est à la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, l’adolescent de presque 14 ans ressent comme un appel.
Ses parents l’envoient à Orléans avec sa sœur. C’est dans la ville de Jeanne d’Arc qu’il découvre vraiment la foi. Lors de la Semaine sainte, alors qu’il est à la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, l’adolescent de presque 14 ans ressent comme un appel. Le jeune Aaron est alors sur le chemin du lycée Pothier, quand il décide d’entrer dans l’église, « sans savoir que c’est le Jeudi saint », le jour de l’instauration de l’Eucharistie par Jésus, d’après le philosophe Jean-Luc Marion, élu à l’Académie française le 6 novembre 2008 au fauteuil du défunt cardinal. Il reste en silence « un grand moment » et ne dit mot. Quand il revient le lendemain, il aperçoit la nef absolument dépouillée, sans savoir qu’elle est nue comme un cadavre parce qu’il s’agit du Vendredi saint, jour de commémoration de la passion du Christ et de méditation sur la signification de cette mort. Cette scène le touche au plus profond de son être. « J’ai subi l’épreuve de ce vide sans savoir que c’était le Vendredi saint et à ce moment-là, j’ai pensé : je veux être baptisé », raconte Lustiger en 1987 dans Le Choix de Dieu.
Le “métis de Dieu”
Son souhait se réalise très vite. Le futur cardinal est baptisé dans les mois qui suivent, le 25 août 1940 dans la cathédrale d’Orléans, où il sera nommé 39 ans plus tard évêque par Jean Paul II. Dès le départ, il considère que la foi est pour l’homme la seule chance d’être vraiment libre et d’avoir une raison d’espérer. Quand ses parents découvrent qu’il est devenu chrétien, ils jugent « révoltante » sa foi et son père demande, à la fin de la guerre, en vain, une annulation du baptême. Ils acceptent pourtant au départ ce geste, y percevant une protection contre le nazisme. Aron ajoute deux autres prénoms à son patronyme, Jean et Marie. Il perd sa mère peu de temps après, en 1943, déportée à Auschwitz, après avoir été dénoncée par une employée et internée à Drancy. Une fois la guerre terminée, Lustiger continue normalement ses études à l’université de Paris, en lettres. Il intègre ensuite le séminaire des Carmes de l’Institut catholique de Paris, en 1946. Ordonné prêtre le 17 avril 1954, Lustiger poursuit une carrière ecclésiastique qui le mène aux plus hauts postes de l’Église catholique.
Malgré sa conversion, celui qui est qualifié de « métis de Dieu » dans un téléfilm qui lui est consacré en 2013 demeure attaché à son identité juive. « Je me suis toujours considéré comme juif, même si cela n’est pas l’avis des rabbins », se plaisait-il à dire. C’est certainement l’une des raisons qui expliquent que depuis octobre 2013, il bénéficie d’un mémorial en Israël.
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