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Cafouillages et cacophonie à l’Assemblée nationale

FRANCE
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Philippe Oswald - publié le 28/07/17
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La session parlementaire subit les cafouillages d’une majorité novice qui font les délices de l’opposition et de la presse. Cependant, des lois qui n’ont rien d’anodin sont votées. Foire d’empoigne : l’expression rivalise avec tohu-bohu, cafouillages et cacophonie pour qualifier le climat qui a prévalu toute la semaine à l’Assemblée nationale. « Les débats sur la loi de moralisation de la vie publique ne se déroulent pas dans un climat très serein à l’Assemblée, constate FranceInfo. En cause : les premiers pas (très) maladroits de deux présidentes de séance qui ont notamment refusé la parole à des députés de l’opposition et aussi du MoDem (…) bien loin de la “bienveillance” prônée par Emmanuel Macron. »

Une vice-présidente de l’Assemblée remplacée en catastrophe

« Vieux grognards contre jeunes apprentis ? La cohabitation de plusieurs centaines de députés novices, la plupart estampillés la République en marche (LREM), avec les quelques dizaines d’élus rompus au travail parlementaire depuis une, deux, trois législatures ou plus ne va pas sans créer quelques étincelles… Mardi [25 juillet], l’une des vice-présidentes LREM de l’Assemblée, pour la première fois aux commandes de la séance, a dû ainsi être remplacée [par le président, François de Rugy] sous la bronca de collègues de droite comme de gauche. Il était reproché à Carole Bureau-Bonnard, à l’occasion de l’examen du texte sur la moralisation de la vie publique, de ne pas respecter les temps de parole de chacun et les conditions de vote» rapporte Le Parisien le 27 juillet.

« Carole Bureau-Bonnard a effectivement canalisé les critiques de tous ses opposants, des Insoumis aux Républicains en passant par les socialistes » confirme le Huffington Post. Dans une grande confusion, certains ont vivement dénoncé la discussion commune de certains amendements(…). “Vraiment cela devient pénible”, a tonné André Chassaigne, chef de file communiste, reprochant une présidence des débats “incompréhensible”. Il a été rejoint, fait rare, par le LR Philippe Gosselin, qui s’est exclamé : “Ici on n’est pas dans une phase d’apprentissage, on fabrique la loi”. »

« Le règlement de l’Assemblée nationale pour les nuls »

Mercredi 26 juillet, les représentants de la France insoumise ont remis de l’ambiance dans l’hémicycle à propos de la controversée baisse des aides au logement : « Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière avaient apporté à l’Assemblée un panier de courses d’un montant de 5 euros, représentant la baisse des aides au logement, du même montant » rapporte RTL. Ils se sont attirés les foudres du président du groupe Les Républicains, Christian Jacob : « “On voit que certains de nos collègues, et notamment de la France insoumise testent la présidence de notre Assemblée régulièrement, testent sa permissivité, qui se trouve être sans limite” a-t-il lancé. Et de s’inquiéter : “On est passé du sans cravate au sans veste, maintenant les paniers à provisions arrivent dans l’hémicycle. Je veux simplement poser la question : jusqu’où va-t-on aller ? Est-ce qu’on va avoir des séances où on va pouvoir venir en short et en tongs, est-ce qu’on va venir avec des cagettes de tomates et se les échanger d’une tribune à l’autre ?”»

Comme pour donner raison au député Philippe Gosselin (LR), qui a proposé de publier “Le règlement de l’Assemblée nationale pour les nuls”, des députés de la majorité se sont tiré une balle dans le pied en rejetant par erreur un article de la loi de moralisation de la vie publique qu’ils avaient voté en commission : « On avait déjà vu les députés LREM voter contre l’avis du gouvernement, interdisant aux collaborateurs parlementaires d’être payés par des lobbies, mais voter contre eux-mêmes, c’est une première », s’amuse Europe 1 le 27 juillet.

Trois absences remarquées

« Après cinq semaines à l’Assemblée nationale, les esprits des députés commencent vivement à s’échauffer » constate Le JDD. Un nouveau cafouillage sur un vote est intervenu jeudi soir lors des débats sur le projet de loi de moralisation de la vie politique. Le décompte à main levée par le président de séance sur un amendement a été vivement contesté dans l’hémicycle, provoquant le départ théâtral des Insoumis menés par Jean-Luc Mélenchon. Mais la nuit n’était pas finie : « Malgré la reprise des débats vers minuit, nouvelle foire d’empoigne vers 1h du matin lorsque le président de séance Hugues Renson a annoncé la poursuite des débats sur le projet de loi ordinaire avec un vote qui n’aurait lieu qu’à l’issue des débats sur le projet de loi organique, soit vendredi soir. La goutte de trop pour de nombreux députés LR et PS présents depuis lundi quasiment non-stop dans l’hémicycle et qui avaient prévu de rentrer vendredi dans leur circonscription. »

« Christian Jacob (LR) et Olivier Faure (PS) demandaient alors la convocation d’une conférence des présidents pour faire avancer ce vote, relate 20 minutes. “Nous n’avons pour discuter ni le président de l’Assemblée (François de Rugy), ni le ministre des Relations avec le Parlement (Christophe Castaner), ni le chef du groupe majoritaire (Richard Ferrand)”, tous trois absents des débats ce soir, protestaient-ils. Face à la confusion menaçant de s’installer, Hugues Renson décidait, après une ultime suspension, de lever la séance vers 1h30. Un gros sujet reste notamment à aborder, la suppression de la réserve parlementaire grâce à laquelle députés et sénateurs peuvent financer des projets d’intérêt local ou associatifs de leur choix. » L’absence de Richard Ferrand, patron du groupe LREM, sans doute embarrassé par ses ennuis judiciaires alors qu’il s’agit de voter une loi de moralisation de la vie publique, n’aura pas facilité la cohésion de la majorité.

La « confiance dans l’action publique » mal engagée

« “Catastrophique”, “dramatique”, ”du jamais vu”… Il est 1 h 30, vendredi 28 juillet, et les députés enchaînent les superlatifs pour qualifier la séance qui vient d’être levée. L’examen du projet de loi “confiance dans l’action publique” vient à nouveau de virer à la foire d’empoigne au Palais-Bourbon. (…) Un mois à peine après un vote de confiance où une grande partie de l’opposition s’était abstenue, voulant “donner sa chance” au Premier ministre Edouard Philippe, et dans un contexte où de nombreux députés affichaient leur volonté d’être “constructifs” dans leur travail, jamais la fracture entre la majorité et ses oppositions n’aura été aussi grande » commente Le Monde.
Des fissures apparaissent au sein de la majorité elle-même, rapporte Le Point du 24 juillet : « Un collectif d’adhérents a saisi la justice pour dénoncer les statuts de leur parti imposés sans consultation et pour réclamer l’annulation du vote électronique (…) Ces adhérents en colère, des militants et des animateurs de comités locaux , s’insurgent contre le manque de démocratie au sein de La République en marche, avec la crainte que le mouvement prenne les travers des « vieux » partis. Ils accusent aussi la direction de « verrouiller » le fonctionnement. « On est heureux qu’Emmanuel Macron soit arrivé à l’Élysée, et maintenant que c’est fait on a En marche ! qui décide de changer de statuts, regrette Rémi Bouton, animateur du comité LREM Denfert, sur BFM TV. On s’est retrouvés avec des statuts, en quelque sorte, imposés par le QG. On a essayé de les avertir, de leur dire qu’on aimerait débattre, c’est la démocratie, c’est participatif, et on a eu une fin de non-recevoir. »

L’inéligibilité : une mesure anticonstitutionnelle

Néanmoins, des lois sont votées qui n’ont rien d’anodin. Ainsi l’inéligibilité des personnes condamnées pour racisme, antisémitisme, négationnisme ou homophobie votée contre l’avis du ministre de la Justice, pose un insoluble problème juridique et constitutionnel, explique l’avocat Régis de Castelnau dans Causeur : « Les tenants de cette mesure veulent inscrire dans la loi l’obligation d’un casier judiciaire vierge pour pouvoir se présenter à une élection. Je rappellerai d’abord l’un des principes fondamentaux du suffrage universel : pour être éligible, il faut être électeur. Et tout citoyen français dispose du droit de vote, et par conséquent se trouve être éligible. On peut priver de ces droits fondamentaux, comme on peut le faire de la liberté avec la prison, mais l’inéligibilité est une peine. Et comme toutes les peines, dans une société démocratique, elle va devoir être prononcée par un juge après une procédure contradictoire régulière. La loi française la prévoit comme “une peine accessoire”, qui doit être appliqué dans le respect des principes du droit pénal de personnalisation et de proportionnalité de la peine. Tout ceci résulte de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Excusez du peu. Il n’y a pas de peines automatiques, celles-ci sont proscrites. Donc faire dépendre l’éligibilité d’un citoyen par ailleurs électeur, qui a accompli sa peine et payé sa dette à la société, est une façon de le chasser à jamais de la communauté des citoyens. C’est radicalement inconstitutionnel. » Et Régis de Castelnau de conclure : « Un président inquiétant, une Assemblée nationale partiellement ridicule, une majorité de Français dans l’expectative, il y aura donc du boulot en septembre ».

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