Les églises de France sont-elles la propriété des diocèses, d’associations cultuelles ou plus étonnant… de l’État ? La réponse à cette question peut surprendre, mais elle s’explique par la longue et souvent tumultueuse histoire des relations entre l’Église et la République.Aussi étonnant que cela puisse paraître, la plupart des édifices religieux de France, y compris ceux qui sont affectés au culte, n’appartiennent pas aux paroisses, aux diocèses ou autres associations cultuelles. Elles sont propriété de l’État et des collectivités territoriales. Pourquoi ? Parce qu’après de longs débats sur les conséquences de la fameuse loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, l’Église catholique ayant d’abord refusé de constituer des associations cultuelles à l’image des conseils presbytéraux protestants ou des consistoires israélites, n’a pas pu faire l’acquisition des édifices jusqu’alors affectés au service public du culte. Ces associations spécifiques avaient pour objet de prendre le relai de l’État qui n’organisait donc plus les cultes. La loi leur assignait notamment pour fonction d’acquérir les bâtiments cultuels utiles afin que l’État n’en supporte plus la charge. Mais le pape Pie X a interdit la constitution de telles associations au clergé français car elles auraient remis en cause le fonctionnement hiérarchique et la constitution de l’Église.
Un mal pour un bien ?
C’est finalement la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes qui a clarifié la situation et a fait émerger cette solution : les édifices bâtis avant 1905 qui n’ont pas été acquis par une association cultuelle, et qui représentent la majorité des églises de France, restent propriété de l’État qui les met cependant à la disposition des ministres du culte, pour son exercice. Seuls les édifices cultuels construits après 1905 sont donc la propriété pleine et entière de ceux qui les ont bâtis, à savoir les diocèses et associations cultuelles. Car depuis 1924, le Saint-Siège et la France ont trouvé un terrain d’entente en créant la forme particulière de l’association diocésaine, qui permet d’organiser la gestion des frais et de l’entretien du culte sans remettre en cause celle de son exercice. L’association diocésaine est donc une forme d’association cultuelle compatible avec le fonctionnement et la constitution de l’Église.
Si le régime particulier de propriété des édifices peut sembler avoir été une sanction infligée par la République à l’Église catholique récalcitrante, privant celle-ci de la libre disposition des biens qui devraient naturellement lui revenir, il représente néanmoins un avantage considérable. En effet, c’est au propriétaire de ces biens que revient la charge de les entretenir. L’affectation particulière de ces édifices au culte n’ôte rien aux obligations qui incombent à tout propriétaire, ainsi les très onéreuses réfections et autres travaux nécessaires dans les églises sont assurés par l’État, principalement pour ce qui est des cathédrales, et les collectivités territoriales. Cette charge est non négligeable, car les églises et chapelles qui sont la propriété de l’État ou des collectivités sont environ au nombre de 40 300 contre moins de 2 000 édifices appartenant aux diocèses recensés en 2016 !