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L’onde de choc de la démission du général de Villiers

MACRON DE VILLIERS
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Philippe Oswald - publié le 21/07/17
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La démission du chef d’état-major des armées dans la semaine du 14 juillet est un séisme. L’aura du général et les circonstances de son éviction entament le crédit d’Emmanuel Macron.Après le coup de tonnerre de la démission du général Pierre de Villiers, l’apaisement ? Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, semble avoir du mal à tourner la page: « Le chef d’état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission», a-t-il déclaré le 20 juillet au moment où le président Macron, en visite sur la base d’Istres, s’employait à « rassurer des troupes encore sonnées par la crise de ces derniers jours », rapporte Le Figaro. Jeu de rôles ? À Istres, le président, flanqué du tout nouveau chef d’état-major des armées (CEMA), le général François Lecointre, et de la ministre des Armées, Florence Parly, soulignait son « estime », sa « confiance », envers les soldats, insistait sur le rôle fondamental de leur mission, et se fendait même d’un hommage au « grand soldat » qu’est le général de Villiers — non sans le tacler une seconde fois : « Je ne laisserai personne dire que tel ou tel choix budgétaire se fait aux dépens de forces, de votre quotidien, de votre sécurité, c’est faux. »

« Une crise historique »

La démission d’un chef d’état-major des armées est une première sous la Ve République. «Une crise historique » souligne Le Monde . Elle « couvait depuis que le général avait émis des réserves sur les économies réclamées aux armées, jugeant la trajectoire budgétaire “non tenable’’» devant la commission de la Défense à l’Assemblée nationale, le 12 juillet. Elle a éclaté la veille du 14 juillet lorsque le chef de l’État a recadré publiquement le général cinq étoiles devant tous les chefs militaires : « Je considère qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique ». Ce tacle infligé par Emmanuel Macron a fait déborder le vase. « À l’origine, le chef d’état-major des armées émet ses critiques dans une commission de défense, à huis clos. Ses propos, aussi fleuris soient-ils, ne devaient donc pas, en principe, sortir de la salle. (…) Toujours est-il qu’il n’est alors qu’un chef d’état-major inquiet pour le budget qui est alloué aux armées. On peut difficilement lui en tenir rigueur », commente dans un entretien à l’Obs Bénédicte Chéron, historienne, enseignante à l’Institut Catholique de Paris, membre du groupe de recherche “Guerre & Po” (Guerre et recompositions du politique) à l’EHESS. Elle ajoute : « Comme l’ont dit des généraux (…), on a déjà taillé tout le gras, on est désormais à l’os. Aujourd’hui, la France ne se donne pas les moyens de ses ambitions. (…) Les conditions d’emploi de l’armée sont assez déplorables pour un pays qui se veut à la pointe sur les questions de défense en Europe. Le matériel n’est pas renouvelé, il manque des équipements ou ceux-ci sont usés, des soldats se retrouvent au Sahel dans des véhicules blindés où ils cuisent littéralement sous 50 degrés… »

« Dans le plus strict respect de la loyauté »

Pierre de Villiers a officialisé sa démission par un communiqué de presse qu’on peut lire sur Boulevard Voltaire, mercredi 19 juillet, juste avant la réunion hebdomadaire du conseil de défense à l’Elysée : « J’ai toujours veillé, depuis ma nomination, à maintenir un modèle d’armée qui garantisse la cohérence entre les menaces qui pèsent sur la France et sur l’Europe, les missions de nos armées qui ne cessent d’augmenter et les moyens capacitaires et budgétaires nécessaires pour les remplir. Dans le plus strict respect de la loyauté, qui n’a jamais cessé d’être le fondement de ma relation avec l’autorité politique et la représentation nationale, j’ai estimé qu’il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à plusieurs reprises, à huis clos, en toute transparence et vérité. » « Le militaire n’a pas attendu la rencontre prévue vendredi 21 juillet pour présenter sa démission à Emmanuel Macron » relève le Huffington Post. « L’officier a pris ses responsabilités et présenté sa démission à Emmanuel Macron, qui l’avait brutalement et publiquement recadré. »

La situation du chef d’état-major des armées « était devenue intenable », souligne Le Point. « Bercy a réclamé 850 millions d’euros d’économie cette année aux armées, dans un contexte de serrage de vis budgétaire global en 2017, avec une baisse prévue de 4,5 milliards d’euros des dépenses de l’État. »

« Le chef de l’État ne reconnaît pas au Parlement le droit d’être informé »

Après cette démission fracassante, Emmanuel Macron est critiqué par toute l’opposition, de droite comme de gauche, pour son “autoritarisme”, constate Le Parisien (19 juillet) : « Beaucoup retiennent surtout la façon dont le locataire de l’Élysée a géré cette crise, n’hésitant pas à recadrer sèchement le chef de l’État-major en public et dans la presse. » «“On peut affirmer son autorité sans humilier’’ suggère ainsi l’ancien ministre de la Défense Hervé Morin sur Twitter, qui se demande si ce départ est dû à un “péché d’orgueil’’ ou un “péché de jeunesse du chef de l’État’’. (…) “De cette démission (…), on pourrait retenir que le chef de l’État ne reconnaît pas au Parlement le droit d’être informé…’’, s’inquiète de son côté l’ancien garde des Sceaux [de François Hollande] Jean-Jacques Urvoas, tandis que Marine Le Pen considère que ce départ “illustre les dérives très graves et les limites très inquiétantes’’ du président. » « De l’extrême droite à la gauche radicale, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le comportement du chef de l’État à son endroit » confirme RTL. Même des députés LREM ont déclaré soutenir le général de Villiers : « Les militaires partent d’abord en guerre contre leur matériel avant de partir en guerre contre l’ennemi » déplore dans le Courrier de l’Ouest la députée LREM Laetitia Saint-Paul, ancien capitaine et officier de la direction des études et de la prospective à l’état-major de Saumur.

« Faudra-t-il des dizaines de cercueils ? »

Dans l’armée, c’est la consternation : « On met à l’écart les contradicteurs » et on envoie « un mauvais signal à la communauté militaire » relève au micro de France Info le général François Chauvancy, blogueur sur lemonde.fr. « Changer un chef d’état-major des armées en début de mandat est un mauvais signal pour la pérennité de cette défense. » « Le malaise s’installe dans l’armée », renchérit Paris Match : « Le ministère de la Défense a déjà vu en deux mois, deux ministres se succéder et un CEMA démissionner. »

« Cette coupe sèche dans le budget des équipements contredit toutes les promesses du président de la République », explique Le Figaro. « Elle choque, alors que les troupes françaises sont engagées depuis des années au Mali et en Irak mais aussi sur le territoire national, dans le cadre de l’opération “Sentinelle”, déclenchée au lendemain des attaques terroristes de novembre 2015. Autre pilule amère pour les armées : le ministère de la Défense devra trouver des économies pour financer, seul, le surcoût des opérations extérieures (Opex). » « Faudra-t-il des dizaines de cercueils dans la cour d’Honneur des Invalides, pour s’apercevoir de la réalité actuelle des équipements ? » s’indigne le général d’armée Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris, président du Comité de la Flamme et du Comité national d’entente des associations patriotiques et du monde combattant, dans un message rapporté par la Gazette du Val d’Oise, à l’adresse de Florence Parly, ministre de la Défense, et des chefs d’état-major.

« L’état de grâce s’est aujourd’hui évaporé »

Pour l’exécutif, cet épisode n’a rien d’anodin. « Le ciel s’assombrit pour Emmanuel Macron » constate Challenges : « Démission fracassante du chef d’état-major des armées, difficultés budgétaires, volte-face fiscaux, premier vent de fronde dans la majorité, sondages en baisse : deux mois après son élection, le ciel s’assombrit pour Emmanuel Macron, qui affronte sa première grosse crise au sommet de l’État. » « L’état de grâce s’est aujourd’hui évaporé » diagnostique RFI : « Jusque-là dispersée, l’opposition est aujourd’hui soudée pour accuser le président “d’autoritarisme” après la démission du chef d’état-major des armées. L’unité se fissure même en interne. À l’Assemblée nationale, certains élus de la majorité En Marche refusent de voir disparaître la réserve parlementaire quand d’autres critiquent le statut promis à Brigitte Macron. En début de semaine, la grogne a gagné les élus locaux, vent debout contre les 13 milliards d’euros d’économies réclamées par le gouvernement. Dans les enquêtes d’opinion enfin, la “magie” Macron s’estompe. La cote de popularité du chef de l’État a reculé de 3 points au mois de juillet. »

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