Dans un pays en proie à la violence depuis six ans, la région littorale de Lattaquié est relativement épargnée. Pour la communauté chrétienne en particulier, la région est propice au maintien d’une activité économique, en particulier dans le secteur touristique.Une tasse de café à la fleur d’oranger, une petite brise maritime de la Méditerranée, du poisson frais à savourer, des gens ouverts et accueillants, voilà le cadre simple et attirant de Lattaquié, grande ville du littoral syrien.
À peine les examens terminés, petits et grands ont le regard tourné vers l’Ouest, vers la mer. D’une part pour fuir les grosses chaleurs qui commencent à dominer certaines villes comme Damas, Alep ou Homs ; comme nous le confirment Marie et Roula, en voiture, à la sortie de Damas : « C’est un moment attendu avec impatience d’une saison à l’autre, un séjour à l’hôtel Côte d’Azur Cham de Lattaquié, par exemple, c’est l’incontournable de l’été ».
Et d’autre part, pour être un peu au calme, loin des mortiers et des voitures piégées. Car, jusqu’à maintenant et après six années de guerre, le littoral est encore relativement épargné par le conflit syrien, même si la présence à proximité d’une importante base russe en rappelle l’existence dans le paysage.
Un tourisme intérieur en pleine effervescence
Comme l’hôtel Côte d’Azur Cham, on peut compter une dizaine d’hôtels de qualité, aménagés ou en voie d’aménagement pour la saison 2017.
« Lattaquié est une ville où il est agréable de travailler et de vivre » confie Marwane Arcouche, gérant de l’hôtel Afamia Resort, venu de Damas et déterminé à le mettre vite sur pieds. « Cet hôtel, construit sur fonds étrangers, de confessions variées, a commencé à être exploité en 2009 puis délaissé à cause de la situation critique régionale. Craintes. Hésitations. Et enfin la relance en 2016, car toute l’équipe et moi-même nous étions convaincus de l’intérêt que porte la région » poursuit-il.
Ici on ne parle ni de religion, ni d’ethnie, contrairement à ce qui est dit dans la presse. Bien que la majorité des intervenants soit chrétienne, et que la main d’œuvre soit sunnite ou alaouite, on ne regarde que l’intérêt régional. Depuis 2011, cet afflux massif de population de l’intérieur du pays, avec leur savoir-faire, a poussé vers son effervescence économique. Un bon nombre de chrétiens, Lattaquiotes, et certains Aleppins et Damascènes, dotés de bonnes connaissances hôtelières, n’ont pas voulu aller investir ailleurs, et ont cherché à favoriser le développement et l’expansion du tourisme interieur. Les belles plages de Lattaquié, au sable doré, valent bien leur nom de “Côte d’Azur syrienne”.
« Nous avons une clientèle saisonnière qu’il faut absolument satisfaire en organisant des soirées à thème, en louant un bateau de croisière sur la Méditerranée le temps d’un dîner, et en proposant des activités de plaisance. Ces quatre mois d’été doivent couvrir nos dépenses annuelles » affirme Marwane.
Un personnel à entretenir
Mais il n’y a pas que la clientèle. Le personnel aussi, il faut le satisfaire et l’entretenir. Comme par exemple à l’hôtel Afamia Resort, où la direction, représentée par M.Bassam Sabbagh, a décidé de proposer depuis le printemps dernier, et dans le cadre de leur action sociale, différentes formations gratuites, pour tout jeune ambitieux, avec ou sans diplôme. « De la sorte, on cherche à assurer un suivi pour les jeunes diplômés, et à former des jeunes qui n’ont pas eu la possibilité d’étudier. Notre but est clair, il faut créer des opportunités de travail à tous ces jeunes pour qu’ils ne partent pas ailleurs. Il est facile de leur dire, restez ici, il faut leur proposer quelque chose en contrepartie. Et je suis fier de pouvoir accomplir ce travail à la perfection, bien que je vienne de Damas et que je sois chrétien. Tout simplement, parce qu’ici, on ne fait aucune distinction, ni sociale, ni religieuse, ni régionale. Le mot d’ordre est la réussite » assure-t-il.
Des services en pleine expansion
À part cette force motrice hôtelière, la ville jouit de prestations de services importante. Comme nous l’explique Mazen Nsseir, un jeune cadre lattaquiote : « Moi je fais partie de ces 160 familles françaises ou franco-syriennes chrétiennes, installées depuis très longtemps à Lattaquié et qui pouvaient facilement partir à l’étranger ou même en France pendant la guerre. Mais l’idée ne nous a même pas effleuré l’esprit. Ici, on est chez nous à part entière. On continue à investir ici en toute confiance. Mon commerce fonctionne bien. Ma femme est dentiste. Pour l’éducation de nos enfants, il y a de bonnes écoles comme le lycée orthodoxe syrien, et la mission française à Tartous. De même au niveau universitaire. Quant aux services hospitaliers, deux établissement publics sont opérationnels à Techrine et Bassel, et jouissent d’une réputation internationale, en équipement et en formation, quel que soit le service pulmonaire, ophtalmologique, cardiaque ou autre. En plus des nombreux hôpitaux privés. Donc je dirai que nous avons tout pour être enviés : un bon système éducatif, du travail, de bons services sanitaires, et surtout 24 heures de bonne humeur grâce à la mer ! »