L’ancien chancelier allemand — mort le 16 juin à l’âge de 87 ans et dont les obsèques ont été célébrées samedi à Spire — demeurera comme l’homme de la réunification allemande, et, de ce côté-ci du Rhin, comme celui de la poignée de main de Douaumont avec François Mitterrand. On sait moins, en revanche, que cette figure de la CDU était aussi fortement inspirée par sa foi catholique.Né en 1930, Helmut Kohl est le troisième enfant d’une famille profondément catholique. À l’issue du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, il s’engage tout jeune dans les rangs des chrétiens démocrates de la CDU qui vient d’être créée dans les zones d’occupation occidentales, et dont Konrad Adenauer, un grand catholique, prend la tête en 1946. Tant du point de vue familial que politique, la matrice dont est issu le futur chancelier est donc fortement ancrée dans le christianisme. Ce qui permet d’expliquer en particulier son engagement pro-européen et sa fermeté face au communisme, notamment lorsqu’il occupa la fonction suprême pendant seize ans, de 1982 à 1998.
C’est d’ailleurs sur cette dimension européenne qu’a insisté le pape François dans l’hommage qu’il a rendu à Helmut Kohl dans un message diffusé peu après son décès. Selon le souverain pontife, l’ancien chancelier était un “grand homme d’État et européen convaincu a travaillé avec clairvoyance et dévouement pour le bien des personnes en Allemagne et dans les pays environnants”. Et d’ajouter : “Que le Dieu miséricordieux le récompense pour son travail infatigable en faveur de l’unité et l’Allemagne et l’union de l’Europe, comme pour son engagement en faveur et la paix et de la réconciliation”.
Proximité ecclésiale
Tout au long de son itinéraire, Helmut Kohl est resté proche des milieux ecclésiaux. Il a toujours nourri une relation particulière et profonde avec les évêques et les cardinaux qu’il côtoyait dans ses fonctions politiques. Sa proximité avec le cardinal Karl Lehman — l’ancien évêque de Mayence qui présida la conférence épiscopale allemande — était notoire. De même, il arrivait très souvent que le père Paul Bocklet, directeur du “Bureau catholique” (un organe de contact entre les sphères politique et catholique basé à Bonn), soit convié aux voyages à l’étranger du chancelier. Enfin, Joseph Ratzinger et Helmut Kohl avaient également noué des contacts personnels : lors de son voyage en Allemagne en 2011, celui qui était devenu Benoît XVI avait ainsi tenu à s’entretenir avec l’ex-chancelier lors de son passage à Fribourg.
L’hommage de l’épiscopat
À l’annonce de son décès, l’épiscopat allemand n’a pas manqué de saluer cette dimension chrétienne. « L’Église catholique allemande est reconnaissante pour ce grand témoignage chrétien qu’a été la vie d’Helmut Kohl. Il a toujours milité pour la défense des valeurs les plus fondamentales, au service de la paix et de la liberté, et il le faisait au nom de leurs sources chrétiennes. Il a toujours manifesté une attention particulière pour l’enseignement social de l’Église et il considérait qu’une économie vraiment forte et puissante est une économie qui place la personne humaine en son cœur », a ainsi souligné le cardinal Reinhard Marx peu après l’annonce de son décès.
Des zones d’ombre qui subsistent
Catholique discret, Helmut Kohl portait également en lui de profondes zones d’ombre. Ce qu’a rappelé avec délicatesse le cardinal Karl-Heinz Wiesemann durant une messe de Requiem célébrée samedi 1er juillet en début de soirée dans la cathédrale de Spire : “C’est l’adieu d’un être humain avec tout ce que l’humain signifie en force et en faiblesse”. Sa réputation de probité avait en effet été entachée par “l’affaire des caisses noires de la CDU”. Mais c’est surtout sa vie personnelle qui a suscité sa controverse, En particulier après le suicide en 2001 de sa première femme, Hannelore Kohl, qui était gravement malade. Et c’est avec la femme avec laquelle il la trompait depuis les années 1990, Maike Richter, de 34 ans sa cadette, qu’il s’est remarié presque clandestinement en 2008. Symbole terrible des déchirements de la famille Kohl, les deux fils de l’ex-chancelier étaient absents lors de ses funérailles.