Le jésuite espagnol, secrétaire de la congrégation depuis 2008, succède au cardinal Müller, privé d’un deuxième mandat par le pape François. Le pape François a décidé de ne pas renouveler le mandat du cardinal allemand Gerhard Ludwig Müller, 69 ans, et de le remplacer par un jésuite, Mgr Luis Francesco Ladaria Ferrer, à la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi. Le père jésuite, espagnol, âgé de 73 ans, occupait le poste de secrétaire de la congrégation depuis 2008. Par cette décision, le Saint-Père semble confirmer les rumeurs selon lesquelles il préfère favoriser l’arrivée de nouveaux profils, de nouvelles compétences, pour mener à bien ses réformes au sein de l’Eglise.
Pour le cardinal Müller, “il n’y aucune divergence avec le pape François”. Sans connaître la raison spécifique de sa décision, l’ancien préfet a déclaré dans un journal allemand, repris par l’agence catholique américaine CNA, le 2 juillet, et rapporté par l’agence I-Media, que le Pape l’avait informé de son désir de changer une pratique ancienne à la Curie, qui consistait à renouveler systématiquement les mandats de 5 ans.
Un virage annoncé ?
Depuis la publication de l’exhortation apostolique Amoris Lætitia en 2016, de fortes divergences semblaient opposer le souverain pontife et Mgr Muller. En particulier sur le chapitre 8 de l’exhortation, concernant l’accès à la communion pour les personnes divorcées-remariées. À plusieurs reprises, le cardinal Müller avait affirmé que ce texte pontifical ne changeait pas la doctrine antérieure de l’Église décrétant l’impossibilité pour ces personnes d’accéder aux sacrements. Autre dossier sensible, celui de la protection des mineurs face aux scandales d’abus sexuels commis par des membres du clergé. L’irlandaise Marie Collins, ancienne victime d’abus sexuels, avait démissionné en mars dernier de la Commission pontificale pour la protection des mineurs (PCPM) mise en place par François en 2014, protestant contre le “manque de coopération” de certains dicastères. Dans sa lettre de démission au Pape, celle-ci se disait notamment “frustrée” par les “reculs constants” dus à la “résistance” de “certains” membres de la Curie.
En prenant la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi, Mgr Ladaria Ferrer devient sur le champ président d’autres institutions dépendant de la Doctrine de la foi, dont la Commission pontificale Ecclesia Dei, mais aussi la Commission biblique pontificale, et la Commission théologique internationale. Adepte d’une “voie à mi-chemin” entre les conservateurs et les progressistes, le nouveau défenseur de la foi catholique, est depuis août 2016 à la tête de commission d’étude sur le diaconat féminin, instituée par le Pape pour une étude objective de la question à la lumière des us et coutumes des premières communautés chrétiennes.
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Qui est Mgr Ladaria Ferrer ?
Le nouveau préfet, né à Manacor, dans le diocèse de Majorque, en 1944, et entré dans la Compagnie de Jésus en 1966, a été professeur de théologie dogmatique à l’université pontificale grégorienne et secrétaire de la Commission théologique internationale. Il a toujours montré une prédilection pour l’étude des pères fondateurs de la théologie chrétienne, déclarant néanmoins, au gré de différentes interviews, qu’il ne convenait pas de “s’essouffler à trouver de l’actualité chez les Pères de l’Église”, mais plutôt de chercher à “les lire et goûter à leurs écrits pour être au plus près de la fraîcheur du message évangélique de Jésus”, comme “valeur permanente” et non dépendante de l’actualité qui, par nature, est changeante, évolue de minute en minute”. Les Pères de l’Église, estiment-il, sont “une source dont l’eau s’écoule au plus près de celle des apôtres” et “c’est ce qui fait leur actualité”.
Mgr Ladaria Ferrer a également participé aux discussions doctrinales avec la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, qui s’étaient ouvertes en octobre 2009 mais refermées en juin 2012 sur une impossibilité de s’entendre. Il pourrait donc se retrouver à nouveau au cœur des prochaines étapes du dialogue sur le chemin de la réconciliation entre Rome et la Fraternité.
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Enfin, à signaler que le nouveau préfet a eu également un rôle très important dans les travaux de la Commission théologique sur le Salut des enfants décédés sans avoir reçu le sacrement du baptême. Se rangeant du coté de ceux qui estiment qu’il existe désormais “des bases sérieuses pour espérer que, lorsqu’ils meurent, les bébés non baptisés sont sauvés”, selon les termes du document de la commission paru en 2007.
Décrit comme un homme réservé et peu médiatique, le nouveau préfet est néanmoins habitué aux milieux internationaux. À l’université pontificale grégorienne de Rome, où il a étudié puis enseigné la “théologie dogmatique”, les élèves ont gardé un bon souvenir de ses cours et de sa méthode d’enseignement. La Grégorienne, reconnaît-il lui-même, lui a appris à “vivre dans une ambiance internationale, avec des étudiants provenant de plus de 100 pays, de différentes langues, races et culture”.