Le Saint-Père demande aux prêtres d’Ahiara qui refusent le nouvel évêque pour des raisons ethniques de présenter leurs excuses d’ici 30 jours ou ils seront déchus.Le pape François, profondément “attristé” par les disputes et protestations qui agitent le diocèse d’Ahiara depuis quatre ans, empêchant le nouvel évêque, Mgr Ebere Peter Okpaleke, de s’y installer pour des raisons ethniques, a décidé de prendre des mesures fortes : ou la centaine de prêtres qui sèment la division en refusant la nomination de leur nouvel évêque présentent leurs excuses d’ici trente jours, où ils seront “suspendus a divinis ipso facto et déchoiront de leur fonction”, a-t-il averti.
Une délégation du diocèse a été reçue le 8 juin au Vatican, sous la conduite du cardinal John Onaiyekan, archevêque de la capitale Abuja, et administrateur apostolique du diocèse où Mgr Okpaleke s’est vu refuser son installation par une partie des catholiques, sous prétexte qu’il n’était pas issu de la même ethnie que Mgr Victor Chikwe, son prédécesseur, mort en 2010, après avoir été le premier évêque du diocèse pendant presque 25 ans. Une situation jugée “inacceptable” par le Saint-Père, a souligné un communiqué du Saint-Siège à l’occasion de sa visite, et pour laquelle, celui-ci “se réservait” effectivement “le droit de prendre les mesures appropriées”.
Lettre d’excuse d’ici trente jours
L’Église se trouve “comme en état de veuvage” pour avoir empêché son évêque de s’y rendre. Dans cette situation, le diocèse d’Ahiara est “comme privé d’époux et a perdu sa fécondité. Il ne peut porter de fruit”, a déploré le Pape dans son discours diffusé en intégralité par l’agence Fides. “Ceux qui se sont opposés à la prise de possession de l’évêque, Mgr Okpaleke, veulent détruire l’Église. Ceci n’est pas permis. Peut-être ne s’en aperçoivent-ils pas mais l’Église souffre actuellement et le Peuple de Dieu en elle. Le Pape ne peut demeurer indifférent”. Et de citer l’exemple de la parabole des vignerons homicides dont parle l’Évangile de Matthieu (Mt 21, 33-44).
Après avoir remercié l’évêque pour sa “sainte patience” (des jeunes sont allés jusqu’à barricader la cathédrale d’Ahiara pour empêcher Mgr Okpaleke de s’y installer), le Saint-Père a dénoncé une véritable “appropriation” de la vigne du Seigneur qui porte offense à l’Église-mère : “Ceux qui l’offensent, commettent un péché mortel”, a-t-il déclaré. Une offense si grave, que le Pape, après “avoir beaucoup écouté et mûrement réfléchi”, a-t-il lui-même confié, a décidé non pas de supprimer le diocèse, mais de demander à “tout prêtre ou ecclésiastique incardiné dans le diocèse d’Ahiara, tant résident que travaillant ailleurs, y compris à l’étranger”, de présenter une lettre d’excuse. La lettre devra être expédiée dans les trente jours (jusqu’au 9 juillet). “Ceux qui ne le feront pas seront suspendus a divinis ipso facto et déchoiront de leur office”, a-t-il averti. Dans cette lettre, il est demandé au clergé rebelle de manifester “individuellement et personnellement”, leur “claire obéissance totale” au Pape, et leur disposition à “accepter” l’évêque nommé.
Pourquoi le Pape fait-il cela ?
Pour justifier la sévérité de sa décision, le Pape a rappelé l’avertissement de Jésus envers “ceux qui scandalisent”. Ceux-ci devront “supporter les conséquences” de leur scandale. Dans cette affaire, a-t-il insisté, le tribalisme n’a rien à voir, c’est le Peuple de Dieu qui est touché et “scandalisé”. “Peut-être quelqu’un a-t-il été manœuvré – voire même de l’étranger et de l’extérieur du diocèse, soupçonne-t-il – sans avoir pleinement conscience de la blessure infligée à la communion ecclésiale”. L’Église étant mère, “elle ne saurait abandonner tant d’enfants comme vous” et c’est pourquoi il en est décidé ainsi, a souligné le souverain pontife. De réaffirmer alors sa profonde douleur face à une situation qui empoisonne le diocèse d’Ahiara depuis des années, et son admiration à Mgr Okpaleke pour “sa patience et son humilité” dans cette affaire.
Les conflits ethniques sont une des causes principales des violences au Nigéria. Un dossier très sensible pour le pape François qui veille à ce que ces questions ne troublent pas la vie des diocèses, notamment en Afrique. Dès qu’il en a l’occasion, il réaffirme aux évêques, prêtres, religieux, et laïcs, l’importance de ne jamais « faire entrer ce genre de question ou de différend » dans l’Église.
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La nomination des évêques est un sujet sensible qui revient ponctuellement sur la table du Conseil des cardinaux (C9) chargé d’aider le pape François dans sa volonté de réforme au sein de l’Église. Le souverain pontife ne propose pas de modèle standard car il sait bien que cela dépend de la spécificité de chaque Église particulière. Mais pour lui, le défi commun est que chacune se libère de toute “préférence, sympathie, appartenance ou tendance” et évite “les camaraderies, les clans et les hégémonies” qui conditionnent parfois le choix des évêques.