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Menace sur le steak de buffle indien

UNE VACHE EN INDE
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Sylvain Dorient - publié le 02/06/17
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Le parti nationaliste hindou au pouvoir bannit l’abattage de bovins, menaçant l’emploi de millions de travailleurs essentiellement musulmans, rapportent les Missions étrangères de Paris.Si les vaches, sacrées en Inde, ne peuvent pas être abattues, il n’en va pas de même des buffles d’eau, élevés pour leur viande par la minorité musulmane du pays. Ils constituent une source de revenus importante pour des millions de travailleurs et un chiffre d’affaires estimé à 4 milliards d’euros. Aussi les nouvelles règles édictées vendredi 26 mai par le gouvernement de Narendra Modi, qui rendent dans la pratique l’abattage impossible, sont-elles accueillies avec consternation par la minorité musulmane du pays. Elles concernent les États de l’Hindi Belt, dotés d’une forte minorité musulmane. Cette décision résulte d’une demande récurrente de la part du parti nationaliste hindou, le BJP, auquel le président Modi doit son pouvoir.

Or le BJP est profondément marqué par l’idéologie nationaliste de l’hindutva, qui voudrait faire de l’Inde une nation exclusivement hindoue. Dans le cadre de cette idéologie, explique John Dayal, ancien président de l’organisation All India Catholic Union, chaque Indien est en réalité hindou. Les chrétiens et musulmans ne sont non hindous que “par égarement” ou parce qu’ils sont soudoyés par des missionnaires. En tant que principale minorité religieuse d’Inde, les musulmans constituent une cible prioritaire.

Désastre économique

Pour tous ceux qui dépendent de la filière bovine en Inde, l’application de cette décision serait une catastrophe. En moyenne, un buffle fournit du lait pendant dix ans, mais vit vingt à vingt-cinq ans. Il faudrait donc prendre soin d’une bête devenue inutile et coûteuse en fourrage. Ils voient donc le texte comme une mesure vexatoire, et espèrent qu’il sera contesté, en se fondant sur la Constitution indienne qui garantit la liberté de se nourrir selon ses convictions personnelles. Depuis le début de l’année 2017, le commerce de la viande bovine a été attaqué par le gouvernement. Les autorités traquent et ferment les abattoirs clandestins, notamment sous l’influence du prêtre indien Yogi Adityanath, qui est aussi député à la Lok Sabha. Il ne cache pas sa volonté de faire cesser le commerce de la viande bovine sur l’ensemble de l’Inde.

Il est assisté dans sa tâche par des groupes extrémistes qui brûlent les abattoirs clandestins – ou supposés tels – et qui s’attaquent aussi aux musulmans soupçonnés d’avoir mangé de la viande de vache. Le dernier incident date du mois d’avril 2017 : Pehlu Khan, un fermier musulman de 55 ans a succombé à ses blessures après avoir été passé à tabac par une milice de radicaux hindous. Sur l’autoroute d’Alwar, près de 200 hindous avaient intercepté des chauffeurs de bétaillères musulmans, qui ont tenté en vain de prouver qu’ils transportaient du bétail en toute légalité. Depuis deux ans, une dizaine de musulmans ont été lynchés par des foules dans des incidents similaires.

“L’hindouisme n’est pas sûr de lui”

Selon le père Yann Vagneux, prêtre des Missions étrangères de Paris en Inde, la crispation identitaire hindoue s’explique par la crainte de voir disparaître les traditions du pays. Le clergé hindou connaît une crise de vocations, les jeunes gens “préférant devenir ingénieurs à New York que de célébrer des pujas (offrandes rituelles) dans les temples”. Toutefois, aussi puissant que soit le parti du président Modi et ses sympathisants, il existe des contre-pouvoirs dans le pays. Il ne croit pas, par conséquent, à une interdiction nationale du commerce de viande de bœuf. Cette nouvelle polémique confirme toutefois l’importance du courant nationaliste indien, et inquiète les minorités, déjà concernées par des tentatives de “reconversions” à l’hindouisme. Les chrétiens, en particulier, sont échaudés par les déclarations de proches du BJP comme Laxman Singh Munda, président du district de Khunti, et qui affirme qu’il veut “supprimer toute présence chrétienne dans la région”.

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