Christine Jordis, habituée des prix littéraires prestigieux, est lauréate du prix Écritures & Spiritualités pour son essai “Paysage d’hiver”. Après avoir écrit sur la vie de William Blake et son caractère prophétique, évoqué le silence du désert et récemment la sagesse orientale dans Paysage d’hiver. Voyage en compagnie d’un sage, Chrsitine Jordis est enfin récompensée pour la profondeur et la spiritualité de son œuvre. Passé sous silence jusque là, malgré de nombreux prix prestigieux, son cheminement spirituel est enfin révélé et apprécié à sa juste valeur. Entretien.
Aleteia : Vous venez d’obtenir le prix Écritures & Spiritualités dans la catégorie “Essais” pour votre ouvrage Paysage d’hiver. C’est la première fois qu’un prix littéraire récompense la démarche spirituelle de votre plume. Comment l’expliquez-vous ?
Christine Jordis : Les prix que j’ai pu recevoir jusqu’à présent reconnaissaient, je crois, l’intérêt d’un sujet et la façon dont il était traité. Ce prix-là est différent, puisqu’il s’adresse à l’esprit dans lequel un livre a été écrit : à la recherche intérieure dans laquelle il s’inscrit. C’est donc, sous le texte même, en découvrir les intentions et l’origine. Je suis très sensible à cette reconnaissance d’un travail souterrain de longue durée qui dépasse l’écriture du livre même (tout en regrettant, je l’avoue, que le prix soit divisé en “littérature” et “essai”, comme si l’essai n’était pas aussi de la littérature). C’est en quelque sorte à la personne aussi bien qu’à l’auteur que s’adresse ce prix, il est ainsi plus large qu’un prix ordinaire, si prestigieux soit celui-là.
Est-ce important pour vous que cette dimension de votre œuvre soit enfin remarquée et pourquoi ?
Pour moi, qui, pendant longtemps, ai été classée comme spécialiste de la littérature anglaise — parce que ce sont les premiers textes que j’ai écrits et qu’il est difficile dans le monde littéraire français de changer de catégorie — je suis particulièrement heureuse et reconnaissante de constater que le jury, me sortant de ce sympathique ghetto, a découvert ce qui constitue en fait le fil directeur de presque tous mes livres, en tout cas des derniers : la quête spirituelle. Qu’on prenne la biographie de Gandhi, l’essai intitulé L’Aventure du désert, qui offre les portraits mis dos à dos de Charles de Foucauld et de T.E. Lawrence, le roman Une vie pour l’impossible, qui est l’histoire d’une recherche spirituelle nous menant du Sahara au Pôle Nord, le portrait de William Blake ou celui du calligraphe Chusa dans Paysage d’hiver, c’est toujours de la même quête d’ouverture qu’il s’agit contre tous les enfermements.
Merci au jury qui a bien voulu distinguer cette démarche !
Avez-vous une foi particulière ? Quelle est votre relation personnelle à la spiritualité, à la religion ?
Non, je ne suis pas croyante. J’ai été élevée dans la religion catholique et mon père, à un âge avancé, après avoir vécu deux ans au Pôle Nord, au nord du cercle arctique, auprès d’un oblat qui s’occupait des esquimaux Inhuits, a passé cinq ans au monastère bénédictin de Keur Moussa, au Sénégal, où j’ai été lui rendre visite. C’est vous dire s’il recherchait Dieu. C’est d’ailleurs le sujet de mon livre, Une vie pour l’impossible. Mais moi-même, je ne suis pas croyante et n’adhère à aucune religion. Ce qui ne signifie pas que je n’ai pas un grand besoin de spiritualité. Je cherche et étudie. Et je garde le sens des traditions, si bien que voir un village français, sans son église et son clocher, par exemple, me semblerait comme de voir un corps sans tête !
Propos recueillis par Louise Alméras.