Aurélien Clappe s’est permis la fiction : avec finesse et tendresse, il nous fait partager la vie de la Sainte Famille avec le souci de la plus grande vraisemblance possible, dans ce petit livre préfacé par Michel Cool.
Joseph est père nourricier. Il travaille. Chaque matin il se rend à Sepphoris, à une heure de marche, pour ajuster des portes et des fenêtres dans une riche demeure. Il voit la vie de ce monde, la dureté de l’occupation romaine, la richesse insolente de son client juif. Il rentre le soir, bien fatigué. Mais ce qui le tourmente est de savoir ce qu’il va humainement laisser à ce Fils qui est son fils et qui doit être aux affaires de son père. Nous sommes là au cœur de toute paternité. Chaque soir, sur la terrasse de leur petite maison, à la nuit tombée, il essaie de parler à l’enfant. Que lui dit-il ? On ne le saura pas. Car à ce moment-là intervient l’italique : l’auteur substitue son propre discours à celui de son petit Théo. Curieuse interférence, dira-t-on. Non, mais très subtile. Car dans ce beau tissu poétique la parole du père de Théo est comme relayée par celle de Joseph. L’écriture rejoint l’Écriture, la sagesse de Salomon, le courage de Josué, l’illumination des Psaumes. La déclaration d’amour prend tout son sens dans l’avènement de l’Amour.
C’est si fin, si délicat que l’on craint de poser des mots qui parlent sur ce silence. Les mots d’Aurélien Clappe donnent à voir. Son langage est celui de la caméra. Voyez l’image finale : l’enfant de Nazareth joue avec une balle de tissu bourrée de plumes d’oies. Il la lance au plus haut. Le tissu se déchire, les plumes s’envolent. « Papa ! Maman ! Venez voir comme cette neige est douce ! » Il fallait cette féerie pour laisser le dernier mot à l’auteur : « Je t’aime, mon fils. »
Aurélien Clappe, Joseph et l’enfant, Salvator, 128 pages, 14,50 euros.