Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, considère l’économie comme un instrument parmi d’autres permettant à l’homme de s’épanouir et de satisfaire ses besoins. Dès lors, il faut que les principes sur lesquels repose la science économique soient compatibles avec la foi. Voilà ce qui motive une réflexion de fond sur l’économie, ses moyens et ses fins, exposée dans son dernier ouvrage : Pour une économie humaine (avril 2017).“L’économie humaine, pour nous, est la science et la technique du respect actif des personnes et de l’instauration du bien commun, mais elle est aussi une élaboration chargée d’amour, l’ambition de la plus complète miséricorde ». Cette définition proposée par Mgr d’Ornellas, implique qu’une économie humaine repose sur la responsabilité de l’homme. Puisque l’économie procède de production, de consommation et de destruction, ces trois stades doivent être assurés de manière responsable et éthique.
Plus encore : il faut que chacun d’entre eux permette à l’homme de s’accomplir dans son travail. C’est pourquoi Mgr d’Ornellas craint l’automatisation de la production et le dangereux avènement d’une économie immatérielle.
Pour une économie solidaire
De plus, cette économie doit être solidaire : « Il n’est pas possible qu’une entreprise (…) ne rayonne pas une certaine fraternité, celle-ci étant contagieuse pour la société où elle est insérée ». L’économie doit reposer sur l’être humain, sur sa capacité à nouer des relations, sur sa vocation à travailler. L’entreprise est envisagée comme un groupe social uni où chaque personne peut s’épanouir librement.
Là où Mgr d’Ornellas entre en conflit avec la science économique, telle qu’elle a été élaborée par Adam Smith ou Jean-Baptiste Say, c’est dans la place que doit occuper l’homme au sein de la société. Tandis que les économistes voient en l’individu un homo oeconomicus qui, doué de raison, est souvent réduit à son rôle de consommateur, la doctrine sociale de l’Église refuse le terme d’ “individu” pour lui préférer celui de “personne”. La personne possède une dignité et une humanité que n’a pas l’individu : elle ne doit jamais être considérée comme un moyen, mais toujours comme une fin en soi. C’est l’économie, selon Mgr d’Ornellas, qui est au service de l’homme et non l’inverse.
Tous les débats qui animent la science économique doivent, par conséquent, être repensés à la lumière de ce principe : du temps de travail au revenu universel, en passant par la responsabilité sociale de l’entreprise et le rôle des pouvoirs publics. Rappelons l’heureuse formule d’Oscar Wilde à propos de l’économie : « Science qui connaît le prix de tout et la valeur de rien ». L’économie n’aurait aucune valeur si elle ne l’avait reçue d’En haut. Originale en la matière, la voix de Mgr d’Ornellas nous rappelle que, pour être plus humaine, l’économie a besoin elle aussi de conversion.
Mgr Pierre d’Ornellas, Pour une économie humaine, éditions Salvator, 185 p., 18,00 euros.