Un groupe d’étudiants parisiens se rend une fois par mois à Fleury-Mérogis, le plus grand centre pénitentiaire d’Europe, pour animer la messe dominicale.Levés à l’aube, ils quittent Paris alors que la ville sommeille encore. Après une petite heure de voiture, ils arrivent sur le parking immense et désert de Fleury-Mérogis. Rien autour, l’endroit isolé semble mort. Pourtant ce sont bien 4 880 personnes qui vivent dans cet espace concentré. Une population équivalente à celle d’un village français.
Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe
Fleury-Mérogis est une maison d’arrêt : c’est une prison abritant les prévenus en attente de jugement ou les condamnés à des peines courtes, ou bien encore les condamnés en attente d’affectation en centre de détention. Ce centre est le plus grand d’Europe, avec théoriquement 2 855 places, mais qui compte en réalité 2 000 détenus de plus que les effectifs prévus initialement. La prison est conçue sur un modèle hexagonal, en pieuvre, pour pouvoir surveiller la totalité de la structure avec un minimum de personnel : un œil central et plusieurs longs bras rattachés à ce cœur, avec à chaque bras plusieurs étages.
Tous les dimanches, des groupes viennent pour animer des messes à Fleury. Six messes sont célébrées en même temps, à plusieurs endroits de la prison, animées par différentes aumôneries. L’accompagnement spirituel, s’il existe bel et bien en prison, reste tout de même faible : peu de personnel pour beaucoup d’âmes. Pendant la semaine, les détenus peuvent s’entretenir avec les aumôniers présents, et deux fois par semaine, des discussions sont prévues autour de textes de l’Écriture. “J’en entends des vertes et des pas mûres” reconnaît l’aumônière. Elle est là deux journées par semaine pour discuter avec ceux qui le souhaitent. “Mais ça me rappelle qu’au fond nous partageons une même humanité”.
Les étudiants, après plusieurs contrôles, pénètrent dans l’enceinte. Ils longent un des bras par l’extérieur : des fils pendent d’un grillage à l’autre, astucieux moyen pour communiquer d’une cellule à l’autre. “Oui, on les laisse faire ça, il faut savoir trouver la juste mesure, ce n’est pas toujours facile”, explique l’aumônière. Les jeunes finissent par entrer dans la pièce qui sera ce matin leur chapelle, ils installent l’autel et le décorent des fleurs qu’ils ont apportées. Les détenus commencent à arriver, et les saluent chacun leur tour d’une poignée de main.
La messe, lieu de miséricorde
La messe commence. Soixante détenus dans une pièce, pour écouter un prêtre et chanter des chants pieux… Ne rêvons pas, ils ne sont pas sages comme des images ! Mais ils sont là, et participent. Ils se succèdent pour les lectures, dans leurs langues. Puis vient le moment de la prière universelle : c’est une révélation. Chacun peut venir au micro pour confier ses intentions à ses frères et à Dieu. Certains lisent les prières qu’ils ont composées, d’autres récitent celles qu’ils ont apprises. L’un d’eux, un habitué du premier rang et que l’eucharistie fait vivre, prie chaque semaine pour ses frères de prison qui ne viennent pas à la messe. Puis il prie pour le Pape, pour l’Église : la communion des saints est décidément partout, jusque dans ces lieux où la misère humaine est si lourde. L’eucharistie, institution de la miséricorde, prend alors tout son sens dans un endroit pareil.
À la fin de la messe, les étudiants offrent une rose à chacun d’eux. Leur joie est belle : leur confier une rose, c’est leur confier une responsabilité à la hauteur de celle du Petit Prince. La délicatesse de cette rose tranche avec la force de ces hommes, qui fièrement gardent le sourire. L’un explique qu’il offre à son amie toutes les fleurs qu’il a reçues, et qu’elle les a séchées pour en faire un gros bouquet. L’autre explique que ces roses sont ce détail qui change l’allure de sa cellule, et qu’elles embellissent sa vie pour une semaine.
Pendant un bon quart d’heure, les étudiants et les détenus peuvent discuter. “Le coup de la rose, c’est un bon moyen pour entrer en contact avec eux” explique l’une des étudiantes, car les approcher n’est pas toujours simple. Certains sont là depuis cinq ans, d’autres depuis quelques mois. Ils racontent leur vie à Fleury : une ou deux heures de sortie chaque jour, une cellule de 9 m2 partagée avec un colocataire qu’ils n’ont bien-sûr pas choisi. Certains travaillent en atelier, d’autres se forment, d’autres ne font rien. Les journées sont monotones, et cette messe est pour eux le signe d’un jour d’exception. D’ailleurs plus d’un s’habille en circonstance, portant fièrement son chapelet autour du cou. Ces détenus sont attachants, et ce malgré les fautes qu’ils ont commises et que les étudiants ignorent. Ils ont ces personnalités entières qui sont capables du pire, comme du meilleur.
Visiter les prisonniers, une œuvre de miséricorde
Visiter les prisonniers est l’une des œuvres de miséricorde. Ces quatorze œuvres, sept corporelles et sept spirituelles sont les gestes de charité que l’Église depuis son origine demande de pratiquer, et que le pape François a souvent rappelé à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde. Les détenus aujourd’hui sont nombreux, et ces âmes qui ont commis de lourds méfaits sont des âmes assoiffées. Bien souvent, leurs cœurs sont des chantiers sauvages, qui attendent la Parole apaisante pour ordonner leurs vies.
Certes Dieu peut tout, mais il a fait de ses enfants des messagers de sa Parole, il donne pour tâche aux baptisés de devenir prophètes auprès de ceux qui ne savent pas encore. Le temps pascal est terminé, nous sommes entrés dans le temps apostolique, le temps de la mission, le temps du Saint-Esprit. La prison ne serait-elle pas une terre curieusement féconde, un terrain missionnaire à portée de main ? Ces lieux, bien loin des yeux, sont remplis d’âmes en peine. Alors si l’aventure vous tente, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre diocèse ou de votre aumônerie !