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Jeanne d’Arc s’expose au musée des Beaux-Arts d’Orléans

Dessins préparatoires / Jeanne d'Arc / Musée des Beaux arts d'Orléans

Dessins préparatoires / Jeanne d'Arc / Musée des Beaux arts d'Orléans

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Maëlys Delvolvé - publié le 02/05/17
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Quand la Pucelle d’Orléans devient l’une des plus grandes sources d’inspirations d’un illustre peintre du XIXe siècle. L’éclairage d’Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans.Orléans, 1893. Un grand concours national est organisé pour choisir celui qui aura l’honneur de réaliser les dix verrières de la nef de la cathédrale de la ville. Le cycle de vitraux doit relater la vie de Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans. Parmi tous les artistes qui s’affrontent pour obtenir cette prestigieuse commande, le peintre d’histoire Albert Maignan apparaît comme favori. À la surprise générale, il n’obtient finalement pas le prix, mais laisse derrière lui de fabuleux dessins, exposés jusqu’au 7 mai au musée des Beaux-Arts d’Orléans. Rencontre avec Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans et commissaire de l’exposition, pour un éclairage sur ce rendez-vous manqué.

Aleteia : Pourquoi un tel concours est-il organisé en cette fin de XIXe siècle à Orléans ? Qui est à l’initiative de cet événement ?
Olivia Voisin : Ce concours a connu deux étapes. Il est, au départ, né dans l’esprit de Monseigneur Dupanloupg, évêque d’Orléans, qui en 1878 appelle de ses vœux la réalisation d’un cycle de vitraux consacrés à la vie de Jeanne d’Arc. Cette démarche est à comprendre dans le contexte très patriotique de l’époque, après la défaite de 1870. Elle est très originale puisque Jeanne d’Arc n’est pas encore sainte à l’époque (il faut attendre 1920 !).

Un premier grand concours est donc lancé par l’État et l’évêché d’Orléans en 1879 ; mais la décision du jury est jugée insatisfaisante par le ministre des cultes, et est invalidée. Un nouveau concours est finalement publié au Journal Officiel le 5 janvier 1893. Les projets sont à rendre pour le mois d’octobre qui suit.

Le projet de la cathédrale d’Orléans montre qu’en cette fin de XIXe siècle, l’art du vitrail connaît un essor colossal. Il s’agit d’un art tout à fait reconnu, qui n’est plus uniquement artisanal et dévolu aux églises ; d’ailleurs, de nombreux artistes proposent des cartons de vitraux. Le concours de 1893 invite les peintres-verriers à s’entourer de peintres pour réaliser les cartons des vitraux. Douze équipes de deux artistes réunissent alors tous les grands noms du moment : le concours d’Orléans apparaît comme l’évènement artistique de l’année 1893.

Qui est Albert Maignan ? Pourquoi ce concours est-il si important dans sa carrière ?
Albert Maignan est un peintre d’histoire qui commence à travailler dans les années 1880. Élève d’Evariste Luminais, il contribue à renouveler le grand genre, dans un très grand souci de vérité historique. Pour répondre à cette recherche d’authenticité et de précision, Maignan s’entoure de collections d’objets et de costumes antiques et médiévaux.

Le peintre s’impose comme l’un des grands noms de la peinture contemporaine, en présentant une toile monumentale à l’Exposition universelle de 1889, Les Voix du Tocsin, qui connaît un succès phénoménal. Désireux de peindre sur des grandes surfaces, il candidate pour beaucoup de concours de décors d’architecture ; il réalise, en 1895, le foyer du public de l’Opéra comique, puis participe à la décoration du restaurant “Le Train Bleu” de la gare de Lyon en 1900.

Lorsque Maignan entend parler du concours de la cathédrale d’Orléans, il s’intéresse beaucoup au vitrail comme tous les peintres du moment. Cette technique lui plaît particulièrement, car elle porte en elle un historicisme qu’il aime beaucoup. Ce projet le séduit d’autant plus qu’il est demandé aux artistes de rester fidèles aux costumes et aux détails historiques des années 1428-1431… ! Ce souci d’exactitude l’enthousiasme.

Il hésite au départ à se lancer dans l’aventure, parce qu’il a beaucoup de travail à l’époque. Le concours demande un grand investissement : sur les dix cartons demandés, neuf sont à réaliser à l’échelle 1/10e, et un dernier en grandeur nature. Maignan accepte finalement de se présenter avec le peintre-verrier Charles Champigneulle. À partir de ce moment-là, il est sans doute le candidat qui s’investit le plus dans ce projet qu’il veut gagner à tout prix. Il met à l’œuvre tout son talent pour s’atteler à retranscrire le XVe siècle dans un langage moderne. Consacré comme peintre d’histoire, il espère la consécration comme décorateur et peintres de vitraux que peut lui procurer cette opportunité. Son investissement et sa renommée lui valent d’être le grand favori du concours.

Quelles ont été vos motivations pour organiser une exposition autour de ces dessins ? 
Il se trouve que le musée d’Amiens possède tout le fonds d’atelier d’Albert Maignan, qui comprend les dessins préparatoires de l’artiste pour les vitraux de la cathédrale d’Orléans, seuls vestiges de son projet pour le concours. Depuis plusieurs années, ce fonds a fait l’objet d’un long travail de tri et d’une campagne de restauration, qui nous ont conduits à monter cette exposition.

C’est l’occasion de présenter au public les réactions qu’a suscitées ce concours, dans la presse comme dans l’opinion publique. Prononcée le 17 octobre 1893, après cinq heures de délibérations et un seul tour de scrutin, la décision du jury provoque un scandale phénoménal : elle octroie la confection des vitraux à Jacques Galland et Esprit Gibelin, alors même que tout le monde voyait Albert Maignan remporter le concours, face à son principal concurrent, Eugène Grasset. Cet échec – le seul de sa carrière –  traumatise profondément Maignan,  qui ne se rend pas à l’inauguration des verrières de la cathédrale, quatre ans plus tard.

Quelle Jeanne d’Arc Albert Maignan imagine-t-il ? Est-ce sa propre interprétation de la sainte qui n’a pas plu ? 
Plusieurs raisons permettent d’éclaircir les raisons de la décision du jury. Tout d’abord, Jacques Galland aurait été soutenu par le compositeur Charles Gounod, auteur de La Messe de Jeanne d’Arc, exécutée en 1887 dans la cathédrale d’Orléans, qui serait intervenu en sa faveur auprès du jury.
On a également évoqué le fait que les cartons de Maignan, trop complexes, n’étaient pas réalisables en vitrail (ce que Maignan a d’ailleurs cherché à démentir un réalisant un nouveau vitrail, présenté au Salon de 1894).

Mais il faut sans doute aussi tenir compte des débats esthétiques qui animent cette fin de siècle, dans lesquels les membres du jury – notamment Edouard Didron, grand théoricien d’art – prennent position. Pour Didron, la démarche de Maignan est indigne, et il est inenvisageable de vouloir retranscrire dans un langage moderne des scènes du XVe siècle. L’originalité de Maignan a été de vouloir traiter ses cartons comme des tableaux, dans une approche de peintre. Il veut montrer que traiter un sujet du XVe siècle ne revient pas à en faire quelque chose d’archéologique ; il s’agit de traiter Jeanne d’Arc dans un vocabulaire moderne, tout en gardant son souci d’exactitude historique. Chez Galland et Gibelin, Jeanne d’Arc est plus sage, plus religieuse… Tandis que Maignan déclare, au lendemain du verdict prononcé par le jury : “Les critiques d’art du cru me trouvent trop moderne et l’abbé Cochard déclare que je ne me doute pas de ce que c’est que le sentiment religieux. Mes Jeanne d’Arc, parait-il, sont tous simplement hystériques.”


Le musée des Beaux-Arts d’Orléans vous invite à rejouer le concours et à élire votre vainqueur jusqu’au 7 mai prochain…

“Albert Maignan et Jeanne d’Arc. Un rendez-vous manqué à la cathédrale d’Orléans.”, jusqu’au 7 mai 2017.  Musée des Beaux-Arts d’Orléans, place Sainte-Croix, 45 000 Orléans.
Du mardi au samedi de 10h à 18h. Dimanche de 13h à 18h.
Plein tarif : 5 €, tarif réduit : 3 €
Tel : 02 38 79 21 83

 

Affiche de l'exposition / Musée des Beaux arts d'Orléans

Affiche de l’exposition / Musée des Beaux arts d’Orléans

 

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