Une série de rencontres hautement symboliques, signes de réconciliation et d’espérance pour toute la région.Le pape François a quitté le sol égyptien, après deux jours de voyage hautement symbolique dans un pays qui, en raison de son histoire et de sa situation géographique particulière, joue “un rôle irremplaçable” dans toute la région, le Moyen Orient. Rôle mis en avant par le Saint-Père dès son premier discours aux autorités, le 28 avril dernier, à l’hôtel Al-Masah au Caire, et qui sera son fil conducteur à chacune de ses rencontres sur « cette terre bénie » qui, à l’aube du christianisme, « a accueilli l’évangélisation de saint Marc et donné tout au long de l’histoire de nombreux martyrs et un grand cortège de saints et de saintes ». Slogan de sa visite : “Le Pape de la paix dans une Égypte de paix”.
Parmi les temps forts de cette visite attendue “avec joie et émotion” : une rencontre avec le pape copte orthodoxe, Tawadros II, scellée par la signature d’une déclaration commune ; une intervention à l’université sunnite d’Al-Azhar ; et une messe célébrée le samedi matin, au stade de l’aéronautique militaire du Caire en présence de milliers de fidèles catholiques, pèlerins, mais aussi orthodoxes et musulmans qui l’ont accueilli au son du célèbre cantique des créatures de saint François d’Assise, Laudato Si’ (Loué sois-tu), en souvenir de la rencontre historique du poverello avec le sultan Malik al-Kamil, en 1219, qui posa les jalons du dialogue interreligieux avec le monde musulman.
François et Tawadros II, de nouvelles promesses
“Vous êtes l’un des symboles de la paix dans un monde tourmenté par les guerres et les conflits”, a dit Tawadros II au pape François en l’accueillant dans les murs du patriarcat copte pour une rencontre œcuménique. « Votre visite est une nouvelle étape sur le chemin de l’amour et de la fraternité entre les peuples (…) Avec chacun de vos documents ou de vos lettres vous avez confirmé au monde entier que Dieu a créé l’homme pur et non corrompu parce qu’il l’a créé à son image et à sa ressemblance. (…) Vous avez suivi les traces de votre intercesseur François d’Assise : il y a presque mille ans, lui aussi s’arrêta en Egypte et avec le Sultan Al Kamel fit l’une des plus importantes expériences de dialogue interculturel dans l’histoire”.
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La rencontre avec le patriarche Tawadros, le premier jour de sa visite, a été marquée par une prière œcuménique et un hommage aux martyrs de décembre 2016, en présence à chaque fois du patriarche œcuménique Bartholomée Ier. 44 ans après la rencontre entre Paul VI et Shenouda III, qui a “ouvert la voie à un dialogue plus large entre l’Église catholique et toute la famille des Églises Orientales orthodoxes”, les successeurs de saint Pierre et de saint Marc ont signé une déclaration commune, dans laquelle ils réaffirment leurs “liens de fraternité et d’amitié”, et promettent, “face à de nombreux défis contemporains comme la sécularisation et la globalisation de l’indifférence”, d’agir ensemble pour apporter “une réponse commune fondée sur les valeurs de l’Évangile et sur les trésors” de leurs traditions respectives.
Mutuellement, ils s’engagent à mettre un terme à la pratique du “double baptême”, consistant à rebaptiser les fidèles passant d’une Église à l’autre, pour mieux souligner “l’héritage commun de ce sacrement”. Déterminés à marcher dans les pas de “Shenouda III et saint Jean Paul II, venu en Égypte en pèlerin durant le Grand Jubilé de l’an 2000”, les deux hommes, réaffirment leur volonté d’approfondir ces “racines communes dans la foi apostolique”. Ils promettent de multiplier les “prière communes”, de rechercher ensemble des traductions communes pour prier le Seigneur, et une date commune pour la célébration de Pâques”.
“Notre témoignage chrétien commun est un signe de réconciliation et d’espérance rempli de grâce pour la société égyptienne et pour ses institutions”, poursuivent le Pape et le patriarche, “un grain semé pour porter des fruits de justice et de paix ». Ils appellent leurs fidèles respectifs à puiser dans « œcuménisme du martyre” – “les expériences tragiques ainsi que le sang versé” par leurs frères persécutés et tués pour la seule raison d’être chrétiens” – la force de cette “union” qui doit les encourager à progresser “sur le chemin de la paix et de la réconciliation”.
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Tous des pèlerins de paix
Montrer sa proximité à une communauté chrétienne – la plus importante du Moyen Orient – éprouvée dans sa chair par une série d’attentats sanglants. Tel était le profond désir du Pape en venant en “pèlerin de paix” dans ce pays à “haut risque” qui aurait aurait pu être annulé, après les récents attentats, mais c’était bien mal connaitre le Pape ! Désir qu’il a voulu insuffler à tout le clergé égyptien– quelques 1500 prêtres, religieux, religieuses et séminaristes – au cours de sa rencontre au séminaire Saint-Léon le Grand au Caire. Dans ce lieu, considéré le “cœur de l’Eglise catholique en Egypte”, les a-t-il exhorté, “inspirez-vous des saints Pères du désert, des nombreux moines qui, par leur vie et leur exemple, ont ouvert les portes du Ciel à tant de frères et de sœurs”. Au milieu de “tant de raisons de se décourager, et parmi tant de prophètes de destruction et de condamnation, au milieu de tant de voix négatives et désespérées, soyez une force positive, soyez la lumière et le sel de cette société, soyez la locomotive qui tire le train en avant, droit vers le but ; soyez des semeurs d’espérance, des bâtisseurs de ponts et des artisans de dialogue et de concorde”.
Pour cela, le Pape a rappelé à la personne consacrée l’impératif de “résister aux tentations qu’elle rencontre chaque jour sur sa route” comme celles : “de se laisser entraîner au lieu de guider”, de “se plaindre continuellement”, du “bavardage et de la jalousie”, de “se comparer aux autres”, et de la tentation de “l’individualisme” propre aux égoïstes :
“A quoi bon remplir les lieux de culte si… “
“Dieu regarde l’âme et le cœur”. Pour Lui, “il vaut mieux ne pas croire que d’être un faux croyant, un hypocrite !”. Le lendemain, pendant la messe à l’air Defense Stadium, du Caire, l’appel du Pape à s’abandonner à “la toute-puissance de l’amour, du pardon et de la vie” a résonné plus fort que jamais : “La vraie foi est celle qui nous rend plus charitables, plus miséricordieux, plus honnêtes et plus humains”. Sinon, à quoi bon “remplir les lieux de culte, si nos cœurs sont vidés de la crainte de Dieu et de sa présence”, à quoi bon “prier, si notre prière à Dieu ne se transforme pas en amour pour notre frère”. Inutile de soigner les apparences, a-t-il rappelé à l’homélie. Dieu, a insisté le Saint-Père, “n’apprécie que la foi professée par la vie, parce que l’unique extrémisme admis pour les croyants est celui de la charité ! Toute autre forme d’extrémisme ne vient pas de Dieu et ne lui plaît pas !”.
Miser sur les jeunes générations
Étaient présents à la messe, les catholiques, les orthodoxes, mais également des musulmans pour symboliser cette “terre de civilisation” et cette “terre d’alliances” qu’est l’Égypte, réaffirmée la veille par le Saint-Père, devant les participants à la Conférence internationale pour la paix organisée par le grand imam de l’université Al-Azhar, le cheikh Ahmed al-Tayeb, rappelant que “l’avenir de tous dépend aussi de la rencontre entre les religions et les cultures” qui doit tourner autour de trois pivots essentiels : “le devoir d’identité, le courage de l’altérité et la sincérité des intentions”.
L’éducation et le dialogue sont donc les deux seules clés pour construire la paix entre les hommes. “Il n’y aura pas de paix sans une éducation adéquate des jeunes générations. Et il n’y aura pas une éducation adéquate pour les jeunes d’aujourd’hui si la formation offerte ne correspond pas bien à la nature de l’homme, en tant qu’être ouvert et relationnel”, a souligné le Pape dans son discours à la mosquée. Et “éducation”, a-t-il bien appuyé, sous-entend “éduquer à l’ouverture respectueuse et au dialogue sincère avec l’autre, en reconnaissant ses droits et ses libertés fondamentales, spécialement la liberté religieuse (…) Faire mûrir des générations qui répondent à la logique incendiaire du mal par la croissance patiente du bien : des jeunes qui, comme des arbres bien plantés, sont enracinés dans le terrain de l’histoire et, grandissant vers le haut et à côté des autres, transforment chaque jour l’air pollué de la haine en oxygène de la fraternité”. L’unique alternative à la civilisation de la rencontre, “c’est la barbarie de la confrontation, il n’y en a pas d’autre”, a encore dit le Pape.
Incompatibilité entre violence et foi
Dans un monde, et dans une région où le fondamentalisme religieux avance dangereusement, le Pape a appelé tous les responsables religieux à “démasquer la violence sous les airs d’une présumée sacralité, qui flatte l’absolutisation des égoïsmes au détriment de l’authentique ouverture à l’Absolu”, à “dénoncer les violations contre la dignité humaine et contre les droits humains” et à « porter à la lumière les tentatives de justifier toute forme de haine au nom de la religion et de les condamner comme falsification idolâtrique de Dieu”. Seule la paix est sainte et aucune violence ne peut être perpétrée au nom de Dieu, a-t-il insisté, alors “ensemble (…) Redisons un ‘‘non’’ fort et clair à toute forme de violence, de vengeance et de haine commise au nom de la religion ou au nom de Dieu. Ensemble, affirmons l’incompatibilité entre violence et foi, entre croire et haïr. Ensemble, déclarons la sacralité de toute vie humaine opposée à toute forme de violence physique, sociale, éducative ou psychologique”.
Concrètement, le pape François, comme à l’arrivée en saluant les autorités égyptiennes, a exhorté tous les responsables, les religions en tête, à “œuvrer pour résorber les situations de pauvreté et d’exploitation” et à “combattre la prolifération des armes qui, si elles sont fabriquées et vendues, tôt ou tard, seront aussi utilisées “. A son arrivée dans le pays, la première pensée du Pape était allée aux victimes de “la violence aveugle et inhumaine” causée par “le désir borné de pouvoir, du commerce des armes, par de graves problèmes sociaux et par l’extrémisme religieux”, soulignant d’emblée le devoir des responsables politiques et religieux du pays de “démasquer” ces vendeurs d’illusions sur l’au-delà, et de “démonter les idées homicides et les idéologies extrémistes, en affirmant l’incompatibilité entre la vraie foi et la violence, entre Dieu les actes de mort”.
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