À l’approche du voyage du pape François en Égypte les 28 et 29 avril prochain, I.MEDIA a interrogé le père Rafic Greiche, porte-parole de l’Église copte catholique en Égypte, sur les attentes et le contexte de cette visite historique.I.MEDIA : Quels sont les enjeux de la visite du pape François au Caire les 28 et 29 avril prochains ?
Père Rafic Greiche : Avant le double-attentat du dimanche des Rameaux, le but du voyage était de visiter l’Égypte, et de rencontrer le patriarche Tawadros II, le grand imam Al-Tayeb, le président Al-Sissi et l’Église catholique. Mais après ces attaques, le voyage revêt une autre perspective : le Pape lui-même a insisté pour venir, signifiant ainsi qu’il n’était pas intimidé par les explosions. Nous avons vu un pape courageux, en solidarité avec le peuple et avec l’Église en Égypte. Particulièrement avec les coptes qui ont été ciblés, mais aussi avec tous les Égyptiens.
Nous attendons donc un message de paix et de solidarité, mais aussi un message d’espoir. La visite du Pape est extrêmement importante pour le pays et pour l’Église. L’Égypte, quant à elle, doit montrer qu’elle continue à être elle-même malgré les attentats.
Le pape François vient en Égypte 17 ans après Jean Paul II, quelles évolutions voyez-vous ?
Dans le contexte actuel, il y a beaucoup de changements dans la mentalité des Égyptiens non-chrétiens. Et ce spécialement après que les chrétiens ont été une force extrêmement importante lors de la révolution du 30 juin 2013, pour renverser le gouvernement islamique de Mohamed Morsi et des Frères musulmans. Depuis lors, les chrétiens sont bien vus, même si le terrorisme continue. C’est pour cela d’ailleurs que le terrorisme attaque les chrétiens, à cause de leur solidarité avec la révolution du 30 juin.
Après les deux bombes à Tanta et à Alexandrie [le 9 avril dernier, ndlr], les musulmans sont venus nous offrir leurs condoléances, assister aux funérailles et dire que “ce n’est pas ça l’islam”. On sent un changement positif. Auparavant, les musulmans étaient réticents à l’égard des chrétiens, à cause du discours salafiste des Frères musulmans dans les mosquées. Aujourd’hui, la méfiance vis-à-vis des chrétiens a disparu.
L’Église catholique en Égypte n’a-t-elle pas l’impression d’être oubliée à côté des orthodoxes ?
En Égypte, il y a sept Églises catholiques orientales : les coptes catholiques – qui sont majoritaires, les melkites, les maronites, les assyriens, les chaldéens, les arméniens et les latins orientaux. Ensemble, tous les catholiques sont moins de 300 000 dans un océan de 17 à 18 millions de coptes orthodoxes, et le reste des habitants sont musulmans. C’est le petit troupeau dont Jésus a parlé. L’Église catholique est présente dans plusieurs secteurs : écoles, associations caritatives, jeunesse. Nous avons aussi des séminaristes.
Mais on ne peut pas dire que les catholiques soient isolés ou oubliés par le Vatican ou par le pape. Quand le pape vient chez nous, c’est pour nous un signe particulier d’amour.
Quelles sont les attentes des chrétiens vis-à-vis du président Al-Sissi et du grand imam El-Tayeb ?
Le président Al-Sissi a dit à plusieurs reprises qu’il aimait les chrétiens et voulait que les Égyptiens chrétiens et musulmans soient traités de façon égale.
Quant au grand imam, il a rencontré récemment le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Peut-être que ces échanges ne porteront pas de fruits du jour au lendemain, mais cela apporte déjà un dialogue constructif entre les deux parties.
Propos recueillis par Xavier Le Normand (I.MEDIA).
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