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Comment vivent les chrétiens serbes du Kosovo ?

"Kosovo, une chrétienté en péril" © KTO / Vicken Production

"Kosovo, une chrétienté en péril" © KTO / Vicken Production

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Jean Muller - publié le 10/04/17
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À l’occasion de la diffusion du documentaire “Kosovo, une chrétienté en péril” ce 10 avril sur KTO, Aleteia s’est entretenu avec Louis Jamin, membre de Solidarité Kosovo, qui témoigne des conditions de vie des chrétiens serbes au Kosovo. Pour connaître les communautés chrétiennes serbes du Kosovo, Yvon Bertorello et Eddy Vicken sont allés à leur rencontre et ont réalisé un reportage sur ces populations maltraitées mais ignorées du reste de l’Europe. Intitulé “Kosovo, une chrétienté en péril”, ce documentaire sera diffusé pour la première fois le 10 avril sur KTO, à 20h40. Rencontre avec Louis Jamin, membre de l’association Solidarité Kosovo, qui s’est rendu sur place à plusieurs reprises.

Aleteia : Comment peut-on résumer les circonstances récentes qui expliquent la situation actuelle du Kosovo ?
Louis Jamin : La situation actuelle du Kosovo prend ses racines dans la dislocation de la Yougoslavie. À la mort de Tito, les différents peuples yougoslaves retrouvent leurs velléités d’indépendance. Slobodan Milošević, lui-même Serbe, tente de conserver l’unité de la Yougoslavie autour de la Serbie. Les autres peuples réclament leur indépendance, ce qui donne lieu à plusieurs guerres mettant aux prises les Serbes et les autres peuples, chacun à leur tour, entre 1991 et 1999. Les conflits entre Serbes et Bosniaques et entre Serbes et Croates restent les plus violents et meurtriers.

Le Kosovo, lui, est revendiqué par les Serbes et les Albanais. En 1998, la Serbie déploie son armée au Kosovo pour lutter contre la guérilla albanaise, l’Armée de libération du Kosovo ou UÇK, qui multiplie depuis sa création en 1996 les attaques contre les Serbes vivant dans la région [Dans cette campagne, l’armée serbe s’est rendue coupables de crimes de guerre qui ont conduit ses principaux chefs à La Haye, devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Ndlr].

En 1999, l’Otan bombarde la Serbie – y compris sa capitale, Belgrade – et le Kosovo pendant 78 jours pour empêcher l’armée serbe de combattre l’UÇK. L’armée serbe se retire et laisse la gestion du Kosovo aux troupes de la KFOR [Force pour le Kosovo, les troupes de l’Otan, Ndlr]. Le 17 février 2008, le Kosovo a proclamé son indépendance.

Quelle est la situation actuelle du Kosovo au niveau de la répartition de la population ?
Aujourd’hui, la majorité des Kosovars sont Albanais (plus de 90%), le reste étant majoritairement composé de Serbes, puis de Bosniaques, Roms, Turcs…

Dans l’ensemble, les Kosovars vivent assez pauvrement, surtout en dehors des grandes villes. La Kosovo est un pays pauvre, majoritairement montagneux, au climat continental assez rugueux. Seule une petite majorité de riches Albanais vit très confortablement au Kosovo, où elle possède des résidences secondaires.

Comment vivent les chrétiens dans ce pays ?
Il est important de bien comprendre que ces conflits sont avant tout ethniques. La minorité albanaise catholique n’a globalement pas à souffrir de ses compatriotes musulmans. En revanche, les Serbes, qui sont orthodoxes, sont soumis à de multiples vexations, discriminations et persécutions quotidiennes.

La dernière vague de persécutions violentes a pris place en mars 2004, où pendant deux jours les Serbes ont été attaqués, parfois à l’arme de guerre, et forcés de quitter leurs maisons pour fuir en Serbie. Depuis, les attaques mortelles sont rares. La violence est plus larvée, mais toujours aussi régulière.

Aujourd’hui, les Serbes vivent dans des enclaves, des zones réservées dont ils ne peuvent sortir sans prendre le risque d’une agression. Il peut s’agir de villages ou de quartiers dans les villes. Parfois, quelques maisons serbes sont isolées dans la montagne dans des régions entièrement “albanisées”.

Dans certains villages, les doigts des deux mains ne suffisent pas à compter les bestiaux volés dans l’année. Régulièrement, des églises reçoivent des jets de cailloux qui brisent des fenêtres. Les murs d’un monastère ont notamment été couverts d’un tag annonçant l’avènement du Califat. Les terres entourant ce même monastère ont été visées par plusieurs roquettes depuis 2008, poussant les moines à s’entourer d’une haute muraille, que surveille nuit et jour des soldats de la KFOR.

Il y a quelques mois, trois écolières ont échappé de justesse à un enlèvement sur le chemin de l’école, au sein même d’une enclave. Épuisés, certains Serbes finissent par revendre tous leurs biens pour une bouchée de pain et par fuir en Serbie, quittant la terre de leurs ancêtres.

Quel est l’objectif de Solidarité Kosovo ?
Solidarité Kosovo, depuis sa création en 2004 suite aux pogroms que j’ai évoqués plus tôt, vient en aide aux Serbes orthodoxes du Kosovo. Son objectif est de permettre à ces chrétiens de rester vivre sur leurs terres, autour de leurs monastères, dont certains sont parmi les anciens et les plus beaux de l’orthodoxie serbe, et de résister à ces persécutions.

Elle travaille aussi à faire connaître la situation de ces chrétiens qui, au cœur de l’Europe, vivent une situation comparable à celle des chrétiens d’Orient, dans le silence et le mépris le plus total.

Quelles sont les actions de l’association ?
La première action entreprise par Solidarité Kosovo a été de se rendre chaque année, à Noël, au Kosovo, aux côtés des chrétiens pour leur apporter du matériel dont ils ont besoin pour vivre (notamment des vêtements chauds et de la nourriture) mais aussi pour leur montrer que leur sort ne laisse pas tous les Français indifférents. C’est pour eux d’autant plus important que l’amitié franco-serbe est ancienne et a été gravement mise à mal par la participation des troupes françaises aux bombardements de la Serbie et du Kosovo. C’est pour cela que ce convoi emmène chaque année entre 6 et 10 bénévoles de l’association, qui viennent ainsi faire vivre l’amitié entre nos deux peuples. J’ai eu la chance de participer à deux de ces convois : ce sont toujours des moments très émouvants.

Depuis, l’association a développé d’autres missions. Deux sont particulièrement importantes :

– Les enfants serbes travaillent le plus souvent dans des conditions désastreuses : les écoles n’ont pour la plupart pas pu être rénovées depuis la guerre, et sont dans un état pitoyable. Solidarité Kosovo finance chaque année les travaux de rénovation de plusieurs écoles des enclaves, pour offrir à ces enfants la possibilité de se former au mieux pour pouvoir développer leurs talents et les mettre au service de leur communauté.

– De nombreuses familles serbes ne peuvent manger chaque jour que grâce à la soupe populaire organisée par l’Église orthodoxe serbe du Kosovo. Cette soupe populaire avait toutes les difficultés du monde à nourrir tous les nécessiteux. Solidarité Kosovo a financé les travaux de plusieurs bâtiments destinés à fournir cette soupe populaire : une ferme bovine, une ferme ovine, une conserverie de légumes, une fromagerie. Ces constructions ont aussi le mérite de donner du travail aux Serbes des enclaves, qui peuvent donc ainsi faire vivre leurs familles et leurs voisins.

Propos recueillis par Jean Muller.



Lire aussi :
Les chrétiens du Kosovo : des persécutés oubliés


Le documentaire d’Eddy Vicken et Yvon Bertorello sera diffusé le lundi 10 avril à 20h40 sur la chaîne catholique du câble KTO.


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