La question du profit, de sa nécessité et de sa répartition, suscite de vifs débats chez les chrétiens. En amont de l’élection présidentielle, Aleteia donne la parole à différents acteurs de la vie économique. Entretien avec Étienne Perrot, jésuite et économiste, qui, à l’instar de Jean Paul II, pense le profit comme “un indicateur de la bonne santé d’une société”. Aleteia : La recherche du profit est-elle morale ?
Étienne Perrot : Comme on ne sait jamais quels événements adviendront, le profit consiste justement à à susciter la prise de risque sans laquelle il n’y pas d’économie et donc pas d’avenir. Avant d’être moral, le profit est donc une nécessité économique puisque l’économie suppose que l’on prenne des risques sur le futur.
Il y a profit et profit, comment faire la part des choses ?
Dans la réflexion sur le profit, il faut bien identifier celui qui va en bénéficier. Si le profit rémunère autre chose que ce fameux risque, c’est à dire s’il va va garnir les comptes de gens qui, eux, ne prennent pas de risques, alors là oui, cela pose une question morale. En 1991, Jean Paul II dans Centesimus Annus (paragraphe 35) reconnaissait l’utilité du profit comme l’indicateur de la bonne santé d’une société. Je dirais pour compléter notre saint Pape que c’est même une nécessité.
Qu’appelez-vous la morale du profit ?
La morale du profit consiste à ce que le profit serve à la vie économique, donc à préparer l’avenir et permettre à la société de vivre demain au moins aussi bien sinon mieux qu’aujourd’hui.
La recherche du profit sans autre finalité et sans prendre de risque est moralement très discutable, de même que l’argent est très utile mais que sa recherche à tout prix ne donne pas un sens à la vie.
Quels sont les critères du “bon épargnant” ?
Il faut regarder l’objet social de l’entreprise dans laquelle on investit. On ne va pas favoriser une activité économique dont l’objet social ne correspond pas à ses valeurs ou aux valeurs chrétiennes si on est chrétien. Quand on place son argent dans un fond d’investissement, on ne sait pas quelles entreprises l’on finance. De même lorsqu’on acquiert des des bons du trésor (titres émis par un État et remboursable à échéance, en France ce sont des OAT — Obligations Assimilables du Trésor), on est susceptible de financer des politiques gouvervenementales contraires à notre conscience.
Quid de nos contrats d’assurance-vie ?
Sur les contrats d’assurance-vie, bien souvent le porteur ne maîtrise absolument la destination de ses économies puisqu’il s’agit de produits financiers détenus dans une très grande proportion par des fonds de pension ou des caisses de retraite. Il s’agit d’un cas typique de “compromis éthique” : il est d’une part impératif de préparer sa retraite, de mettre de côté pour ses enfants ou d’épargner en vue d’acheter un bien et indispensable d’autre part, de connaître la destination finale de son épargne.
Propos recueillis par Sabine de Rozières.
Lire aussi :
La recherche du profit est-elle morale ?