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Prêtre et… manutentionnaire chez Carrefour

Père Bruno Régis

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Sylvain Dorient - publié le 14/03/17
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La Mission ouvrière nationale, qui fête ces 60 ans ce 14 mars, forme et accompagne des prêtres qui troquent le col romain pour le bleu de travail.

Lorsqu’il a postulé pour un emploi de manutentionnaire dans la grande distribution, le père Bruno Régis a dû nettoyer son Curriculum Vitae. Ancien professeur, passionné de musique et jeune prêtre, il n’a pas fait mention de sa vocation peu commune. La théologie n’était pas une des compétences requises pour travailler dans les entrepôts des supermarchés. Pourtant, c’est là qu’il a choisi de travailler, et trouve, avec ses collègues, un lieu de rencontres et d’accomplissement de sa vocation.

Envoyé en mission

Avant d’être envoyé en mission dans la grande distribution, à la demande de son évêque, Bruno Régis était instituteur. La découverte de la Mission de France le conduit à entrer au séminaire tout en menant son travail dans une école.

“Au bout de deux ans, la Mission de France nous demande de choisir entre reprendre notre ancienne activité ou reprendre notre emploi”. Bruno Régis choisit de démissionner et s’interroge sur son emploi. Dans la musique, sa passion ? Voire dans l’éducation, ce qui aurait été cohérent avec son parcours… Mais l’expression de “prêtre ouvrier” le frappe : “Cela a résonné en moi”, se souvient-il.

Trouver un job

Il est envoyé à Nîmes, dans une HLM : “Je voulais me soumettre à la réalité. Avec un autre prêtre, nous avions la mission de vivre au milieu de la société”. Il connaît donc le parcours des travailleurs, le passage par une agence d’intérim, pour un premier job, puis les tracas du quotidien. En intérim chez Auchan, il passe en CDD, à la demande de la direction qui lui fait miroiter un CDI. Mais au dernier jour de son contrat, il apprend que son contrat ne sera pas renouvelé. Les explications sont vagues – “il y a un problème administratif” –il n’est jamais repris. Une collègue, qui est dans la même situation que lui, est une jeune mariée, qui n’avait pas encore d’enfant, et la direction n’a pas voulu “se charger” d’une maman potentielle… Quant à lui, c’est son statut de prêtre qui a manifestement fini par être connu, et qui a fait peur : trop atypique.

Un prêtre manie les palettes

Le père Bruno Régis trouve un nouvel emploi chez Carrefour où il réceptionne les marchandises. Comme dans son travail précédent, son sacerdoce ne demeure pas longtemps méconnu. Il connaît alors toutes sortes de réactions, jamais négatives. “Certains s’en fichent”, explique-t-il, “mais les musulmans se montrent respectueux. Ils font attention à ne pas jurer devant moi, et ils reprennent leurs collègues : ne jure pas devant lui ! C’est un homme de Dieu !”

Mais ceux qui sont le plus étonnés par son engagement sont les chrétiens non-pratiquants. À son contact, certains retrouvent la pratique religieuse, demandent à faire baptiser leurs enfants, voire fréquentent la paroisse. De nombreux collègues qui viennent d’Outre-Mer, d’Amérique latine ou d’Afrique le font venir pour qu’il bénisse leur maison. Et parfois, ils engagent des discussions existentielles.

La vertu de patience dans l’arrière-boutique

Bien intégré dans son équipe, on fait appel à lui pour les missions délicates, qui réclament des hommes calmes, ayant le sens de la diplomatie. Dans l’énorme Carrefour où il travaillait, il était de coutume que les camionneurs déchargent eux-mêmes leurs palettes, alors que ce n’était pas prévu par le contrat des chauffeurs, ce qui les faisait râler ! “On recevait 50 camions de livraisons par jour, alors la taille du magasin permettait à la direction d’imposer ses conditions aux prestataires”, se souvient le prêtre. L’un des chauffeurs, en particulier, était connu pour s’énerver, et on lui envoyait le père Bruno Régis comme interlocuteur : on savait qu’avec lui, l’affaire ne tournerait pas au vinaigre !

Discussion sur la prière dans l’entrepôt

Un jour, un collègue sur son chariot élévateur s’est arrêté à la hauteur du prêtre, et lui a demandé tout de go : “C’est quoi la prière ?” “On a peu de temps pour rassembler ses mots, assure le prêtre, j’ai répondu que c’était un temps gratuit pour la relation à Dieu et au Christ, où je peux dire les choses qui m’habitent mais surtout écouter…” Un autre de ses interlocuteurs, baptisé mais non pratiquant, a par la suite intégré la paroisse et a fait baptiser ses enfants.

Être l’Église dans le monde

Au-delà de cet aspect d’évangélisation des prêtres ouvriers, le père Bruno Régis voit sa vocation comme un signe de la présence de l’Église dans le monde. “Nous sommes quelques prêtres ouvriers qui manifestent que la Foi a sa place dans le travail. Nous sommes le corps du Christ, là où nous sommes.”

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