Rencontre avec son neveu, Philippe Maynial, pour une interview exclusive qui retrace le portrait d’une héroïne oubliée.
Vous parlez d’une « femme forte » : à l’heure où les féministes se battent pour des broutilles, avez-vous conscience du décalage qu’offre votre livre sur cette notion de femme forte ?
Je crois que ce livre ne peut qu’apporter une contribution à cette notion de femme exceptionnelle, qu’on peut qualifier d’héroïne, celles qui ont fait un choix de vie remarquable dans des conditions extrêmement difficiles. Et tout ceci dans une abnégation totale, dans un sens du dévouement où ces femmes guidées par Madeleine mettent leur vie en péril, chaque jour, dans chaque mission. Le témoignage que nous avons de ces résistantes qui l’accompagnent sont extrêmement clairs. L’abbé Belliard, lorsqu’il en parlera dans son homélie, évoquera ces risques terribles. Rétrospectivement elles ont avoué avoir eu froid dans le dos, en se disant « on a failli y rester ».
Pour les femmes de l’escadron Madeleine Pauliac était un modèle. Vous avez rencontré la dernière survivante de l’escadron bleu, cela a-t-il été un moment d’émotion pour vous ?
Extraordinairement émouvant ! Cette femme que j’ai rencontré s’appelle Simone Saint Odile, tout le monde l’appelait Sainto en mission. Elle a tenu un journal de bord de nombreuses missions qu’elle a accompli avec Pauliac, où elle conclut qu’elle était une femme exceptionnelle : « Nous l’avons adoré et nous étions prêtes à mourir pour elle ».
Sainto avait 24 ans quand elle s’est engagée comme conductrice ambulancière infirmière pour la croix rouge. Elle ne savait pas où elles iraient et ça été une mission terrible puisque Sainto a été à l’ouverture des portes du camp de Dachau le 29 avril.
À la fin de la lecture du Madeleine Pauliac l’insoumise, la première comparaison qui vient à l’esprit, me semble-t-il, c’est avec Geneviève de Galard. Est-ce que ça vous parle ?
J’ai connu Geneviève de Galard et pour moi il y a un certain nombre de femmes admirables. Quelque part, Pauliac s’inscrit un petit peu dans ces femmes exceptionnelles. Si je devais citer deux ou trois personnes, je devrais citer Simone Weil, Edmonde Charles Roux, Geneviève Anthonioz… Ça fait partie de ces femmes qui ont accompli un destin, d’une manière extraordinaire. Elles ont témoigné de choses qu’elles ont vu, qu’elles ont vécu, à ce titre là je dirai que ce livre, Madeleine Pauliac l’insoumise, est un témoignage très important, non seulement sur une période mais encore sur des faits, qu’elle a pu voir de ses yeux. C’est un témoignage vivant, fort, sur une période extrêmement complexe.
L’escadron bleu c’est un nom qui fait un peu rêver les jeunes filles en quête d’aventure. Qu’avez vous pensé en apprenant que vous aviez une telle héroïne si proche de vous ? Quand vous avez découvert tous ces papiers que votre mère vous a donné, qu’est-ce que vous avez fait en premier ?
J’ai refermé ! C’était tout de même très lourd. Dans la chambre de ma mère quand j’ai grandi, il y avait la photo de sa sœur, avec ses décorations. Et je dois avouer que lorsque vous avez grandi avec ce portrait, soit dans la chambre, soit dans le salon, mais toujours à portée d’œil de ma mère, je ne m’en suis pas rapproché tout de suite. Ce n’est que quelques temps plus tard qu’un beau jour, sous l’influence bienveillante d’une de ses deux femmes sans doute, je me suis dis que je devrais tout de même ouvrir ça, y accorder plus d’importance, jusqu’au moment où je me suis dit que ça pourrait peut être faire un documentaire et c’est comme ça que les choses sont nées.
Pensez-vous que c’est un livre qu’il faut faire lire aux jeunes filles compte tenu de l’idéal de don de soi qu’il transmet?
J’en serais plus que ravi ! Quand la guerre éclate elle a 27 ans, elle a fait 10 ans de médecine. Les jeunes femmes qui l’accompagnent on entre 21 et 29 ans. Très modestement j’espère que ce témoignage sera une pièce à l’édifice de ces femmes qui ont accompli leur devoir et qui sont mortes en mission pour la France !
Madeleine Pauliac : l’insoumise, par Philippe Maynial, Éditions XO, février 2017, 19,90 euros.
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