La théologie n’exclut pas la possibilité d’une vie ailleurs que sur notre planète. À 39 années lumières de la Terre, autour d’une toute petite étoile appelée Trappist-1, orbite un système formé de sept planètes semblables à la nôtre, dont trois pourraient même accueillir une vie comme nous la connaissons. Des planètes pour ainsi dire “jumelles” de la Terre, comme titrent la plupart des journaux depuis l’annonce de la découverte par l’université de Liège, en Belgique, dans le magazine Nature et commentée par la Nasa le 23 février dernier, suscitant chez les scientifiques et pas seulement, un intérêt certain.
De l’eau sur trois d’entre elles
Selon les astronomes, auteurs de l’étude en question, au moins trois des exoplanètes se trouveraient dans la zone dite “habitable”, appelée aussi Goldilocks zone en anglais, en référence au conte Boucles d’or et les Trois Ours dans lequel l’héroïne, Boucles d’or, décide de manger le gruau du bol de l’ourson lorsqu’elle se trouve au logis de la famille ours, car ce bol n’est “ni trop chaud, ni trop froid”, tout comme doit l’être la zone habitable d’une étoile. Ces trois planètes seraient donc à bonne distance de leur soleil pour que l’eau, à l’état liquide, puisse exister à la surface et qu’elles soient dans les conditions de pouvoir accueillir la vie et lui permettre de s’y développer.
“Un système planétaire exceptionnel”
Selon le coordinateur des recherches, l’astronome belge Michael Gillon, “la découverte de ce système planétaire est exceptionnelle, non seulement pour le nombre de planètes qu’il comprend, mais parce que celles-ci sont de la taille de la Terre”. Trois d’entre elles avait déjà été découvertes en 2015 grâce au petit télescope Trappist de l’ESO (Observatoire européen austral) basé au Chili. Les six planètes les plus proches de la petite étoile ont un aspect apparemment rocheux et leurs dimensions et températures sont effectivement comparables à celles de la Terre.
Création et nouvelles planètes
Maintenant la question est de savoir, pour un homme de foi, si la présence de planètes habitables entre en contradiction ou pas avec la religion chrétienne et, en particulier, avec la Création. La foi chrétienne ne paraît pas avoir d’arguments préjudiciels contre la présence d’une vie, et d’une vie intelligente, dans le cosmos (comment le pourrait-elles s’agissant d’événements qui sont un fait établi ?), mais de la même façon qu’on ne peut qualifier “d’antiscientifique”, en l’absence de données convaincantes, la “solution classique” qui prévoit l’unicité de l’être humain.
Dieu n’est pas “géocentrique”
L’image de Dieu un et trine, héritée de la Révélation judéo-chrétienne, n’est pas géocentrique, ni anthropocentrique, mais au contraire universelle et transcendante, sujet d’une toute puissance créatrice dont la portée est de nature cosmique, au sens général et non local.
En effet, “paternité” et “filiation “sont des concepts universels, liés à un processus génératif commun à tous les êtres vivants, tout comme est universel le concept d’Amour-Don, l’Esprit-Saint, dont la compréhension renvoie à l’idée de communion, d’altruisme et du don de soi, propre à toute “intelligence consciente”. L’incarnation du Verbe a, elle aussi, valeur de révélation dans un sens universel et non local uniquement.
Deux hypothèses
La théologie chrétienne n’exclue pas la présence éventuelle de formes de vie sur d’autres planètes. Par exemple, le théologien allemand Armin Kreiner dans son ouvrage Jesus, UFOs, Aliens. Außerirdische Intelligenz als Herausforderung für den christlichen Glauben (Jésus, ovnis, extraterrestres. L’intelligence extraterrestre, un défi pour la théologie chrétienne) tente de trancher : soit on admet l’existence d’intelligences extraterrestres, auquel cas l’événement singulier du Christ pourrait perdre son sens cosmique, ou alors on ne l’admet pas, et il ne le perd pas.
La thèse d’Armin Kreiner
Armin Kreiner essaie de dépasser cette alternative rigide, en concevant le problème posé par l’existence d’extraterrestres intelligents et leur probable religion, de la même manière que celui auquel est confrontée la théologie chrétienne avec les religions non chrétiennes. La proposition du théologien allemand passe par une relecture du concept théologique de l’ “incarnation”, en particulier la thèse de saint Anselme selon laquelle Dieu s’est incarné en Jésus-Christ pour racheter la faute commise par l’homme.
Pas que sur la Terre
Selon les raisonnements d’autres théologiens du Moyen Âge comme saint Bonaventure et Jean Duns Scot, l’incarnation est l’accomplissement du rapport entre Dieu et le monde, donc un événement qui n’est pas lié au péché de l’homme, mais au projet de création de Dieu dans son ensemble. En reconnaissant cela, on est alors en droit de penser qu’une incarnation, soit une manifestation de soi, comme celle qui s’est vérifiée en Jésus-Christ, celle de Dieu, a pu se réaliser en d’autres lieux que sur la Terre, sous d’autres formes.
Réponse non banale
Comme pour tout ce qui relève d’une position pluraliste à l’intérieur de l’actuelle théologie des religions, la singularité de l’événement du Christ, n’entrerait alors pas en contradiction avec la manifestation de Dieu dans d’autres religions, mais représenterait une des formes de cette manifestation cosmique de Dieu. Cette thèse est bien entendue discutable sous divers profils, mais elle représente une réponse non banale ou exclusive à un problème aussi fascinant intellectuellement qu’explosif pour la théologie chrétienne.
Article traduit par Isabelle Cousturié.