Dans son dernier recueil, “Un souffle de fin silence”, Jacques Gauthier entame une véritable quête poétique à travers les différents âges de la vie.Un poète ne raconte pas sa vie. Il l’évoque : il en fait apparaître ce qui lui donne sens. Avec les mots, sur fond de silence, il a tout pouvoir. Le coquillage du souvenir, appliqué à l’oreille interne, lui restitue le poème originel, l’entrée dans son histoire – et c’est comme le film très pudiquement charnel de sa naissance. La méditation du soir lui permet d’anticiper sa mort – et c’est une hymne à cette nouvelle entrée dans la Vie, splendide testament spirituel sur « l’art de mourir en joie. »
Il ne faut surtout pas lire le recueil de Jacques Gauthier avec des soucis de chronologie ou d’identification. Oui, il y a des époques et des épisodes qui jalonnent cette vie d’homme, il y a des présences familiales, des hommages par les épigraphes à des poètes ou chanteurs canadiens. Mais l’essentiel est la part que l’on peut prendre, de cœur et d’esprit, à ce cheminement, sous le signe de la quête. « La quête n’est plus la même / depuis que le souffle me poursuit… » À ces mots, on comprend ce que l’on pressentait : Patrice de La Tour du Pin, l’auteur de Quête de joie, dont Jacques Gauthier est un fervent connaisseur, l’accompagne. « Réveille-toi ma joie / l’aurore flamboie… »
À chacun de faire siennes les résonances de ces quatre temps, Commencement, Enfantement, Enracinement, Effacement, emportés en un seul mouvement, à chacun de choisir ses signes, le souffle, le silence, la neige, les livres, « enfants de papier et de beauté ». À chacun de glaner ses mots, « petits cailloux noirs » jetés sur le chemin : « Je me rappelle Aiguebelle / ces arômes de lavande… » ; ou ce haïkaï : « Je brode de l’éternel / avec le temps qui file / immuable » ; ou le beau conte du « rossignol du carmel ». Mais une séquence s’imposera à tous : « Petit garçon couché sur le ventre… » C’est l’enfant au pull rouge comme endormi sur la plage, petite victime d’un drame migratoire, dont l’image a fait le tour du monde. Devant elle, seul le murmure du poème, quand il se fait prière.
L’homme n’est qu’un détour entre Dieu et Dieu. L’histoire d’une vie, c’est le drame d’une attente de Dieu. Voilà ce que chante ce recueil de fin silence. Jacques Gauthier le met sous un verset de saint Jean : « Ainsi va tout homme né du Souffle ». Arrivé « À la fin », qui est comme l’à Dieu du recueil, je songe à un vers de Patrice de La Tour du Pin : « Tout homme est une histoire sacrée. » Le poète inspiré, au souffle de l’Esprit, est celui qui donne sens au mot sacré.
Un souffle de fin silence de Jacques Gauthier. Montréal, éditions du Noroît, 2017, 84 pages.