Le Saint-Père est indigné par ces “trafiquants de chair humaine” qui se font de l’argent sur leur dos. Ouvrir des “couloirs humanitaires accessibles et sûrs” pour tous ceux qui fuient guerres et persécutions et finissent souvent “dans les mains d’organisations criminelles sans scrupules”, a déploré le pape François, en recevant, ce mardi 21 février, les quelques 250 participants à un Forum de deux jours sur les migrations. Organisé par le Vatican et les Scalabriniens, congrégation internationale très engagée dans l’aide aux migrants, le thème du forum était : “Intégration et développement : de la réaction à l’action”.
L’expérience migratoire “vulnérabilise les personnes, les expose à l’exploitation et à l’abus, à la violence”, a dénoncé le Pape en évoquant les millions de travailleurs migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, de victimes de la traite humaine”, forcés à se déplacer sur terre à cause de conflits, de catastrophes naturelles, de persécutions, de changements climatiques ou de conditions de vie indignes, poussés dehors par des “trafiquants de chair humaine” qui se font de l’argent sur leurs dos. Protéger ces personnes est “un impératif moral qui doit se traduire par la mise en place d’outils juridiques internationaux et nationaux, clairs et pertinents”, a-t-il souligné, outils qui respectent “leurs droits inaliénables”, garantissent “leurs libertés fondamentales” et protègent “leur dignité”.
“Non aux attitudes de rejet”
Et pour protéger il faut déjà commencer par bien “accueillir ceux qui frappent à nos portes”, a dit le Pape, en changeant nos “comportements de refus, enracinés dans l’égoïsme et amplifié par de la démagogie populiste”. Il faut, a-t-il poursuivi, “dépasser l’indifférence et la peur”, et pouvoir offrir à ces migrants “un accueil responsable et digne”, dès leur première installation, en leur donnant “des espaces appropriés et décents”. Car, les grands rassemblements, tels qu’on les voit aujourd’hui, a-t-il fait remarquer, “n’ont donné aucun résultat positif, générant plutôt de nouvelles situations de vulnérabilité et précarité”. Instaurer une culture de l’accueil sur laquelle construire “un patrimoine commun d’humanité et de sagesse” est, selon le Pape, la voie à suivre, par “devoir de solidarité” qui s’inscrit dans “le besoin de comprendre les souffrances de nos frères et sœurs”.
“Non à la ghettoïsation”
Accueillir veut dire protéger et protéger veut dire intégrer. Une intégration fondée sur “la reconnaissance de la richesse culturelle des uns et des autres”, et sur la promotion d’un “développement humain intégral, reconnu comme droit inaliénable de l’homme”. Une intégration qui ne soit donc pas “aplatissement” d’une culture sur l’autre, ni “isolement réciproque”, avec le risque de tomber dans une situation de ghettoïsation aussi néfaste que dangereuse. L’intégration des migrants, a réaffirmé le Pape, n’est ni “une assimilation”, ni une “incorporation”, mais un “processus bidirectionnel”. Et de réaffirmer, dans ce contexte, l’importance du regroupement familial qui, selon lui, “devrait être une priorité”, favorisée par de nouveaux choix politiques. Et l’importance de “mettre en place des programmes spécifiques qui facilitent la rencontre entre les autochtones et les nouveaux arrivants”.
Pour le pape François, ces bonnes attitudes vis-à-vis du migrant, sont un devoir de “justice”, de “civilisation” et de “solidarité”. Car, “ne sont plus supportables les inacceptables inégalités économiques qui empêchent de mettre en pratique le principe de la destination universelle des biens de la terre”. Et de déplorer indigné : “Un petit groupe d’individus ne peut contrôler les ressources de la moitié dela terre (…) et laisser que des personnes et des peuples entiers n’aient droit qu’à ramasser les miettes”.
Le droit à ne pas devoir émigrer
Mais “la promotion humaine des migrants et de leurs familles” commence à partir des communautés d’origine, là où doit être garanti, avec le droit de pouvoir émigrer, aussi celui de ne pas devoir émigrer, autrement dit de trouver dans leur patrie des conditions permettant de vivre dignement”, a-t-il souligné. À ce propos, le Saint-Père encourage fortement la mise en place de programmes de coopération internationale “détachés de tout intérêt partisan”, dans lesquels les migrants seraient les premiers à s’impliquer. Face à tous ces drames humains, a encore interpellé le Pape, comment ne pas éprouver “d’empathie et de compassion ?” Comment ne pas se poser cette question “où est ton frère ? ” que Dieu pose à l’homme dès ses origines. Cette question, a-t-il conclu,”s’adresse à moi, à toi, à chacun de nous”.
Un synode sur les migrants et les réfugiés ?
Avant son discours, le pape François a écouté les témoignages de migrants, parmi lesquels un couple d’Erythréens orthodoxes arrivé récemment en Italie et une famille de Canadiens d’origine italienne. Mgr Silvano Tomasi, président du nouveau dicastère pour le service du développement humain intégral, a profité de ce Forum pour proposer l’organisation d’un “synode sur les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile”, ou suggérer au Pape une exhortation apostolique. Exhortation ou synode, a-t-il estimé, l’initiative serait un beau message à faire passer avant l’assemblée générale de l’ONU prévue en 2018 sur cette question et l’occasion d’une “solidarité plus concrète envers nos frères et sœurs victimes des migrations forcées”.