Aleteia a posé 3 questions à Dimitri Casali, historien, sur les propos d’Emmanuel Macron sur la colonisation. Aleteia : Il y a quelques jours, Emmanuel Macron a provoqué une polémique en parlant de la colonisation en Algérie comme d’un « crime contre l’humanité ». L’historien que vous êtes a été de ceux qui ont vivement réagi, pourquoi ?
Dimitri Casali : Ces propos sont insupportables parce que faux, et Emmanuel Macron vient de prouver qu’il était ignorant de l’Histoire du pays qu’il voudrait gouverner. Rien d’étonnant malheureusement puisque cette histoire n’est plus enseignée à l’école.
Il faut cesser d’employer des termes à la signification très précise hors de leur contexte historique ! On peut parler de « crime contre l’humanité » lorsqu’il y a une attaque systématique dirigée contre toute une population civile désignée, qu’elle se fasse par le meurtre, l’esclavage ou la déportation. Ce n’est absolument pas le cas de la colonisation en Algérie, ni même de l’esclavage par ailleurs. Ces faits historiques peuvent être dramatiques ou épouvantables mais ils ne sont pas des crimes contre l’humanité.
Par ailleurs, Emmanuel Macron oublie un peu vite qu’il y a dans toute colonisation une œuvre civilisatrice, même s’il y a aussi des destructions. Que serait la France sans la colonisation romaine ?
L’Algérie n’a pas été capable de faire fructifier ce que la France a laissé alors que c’est un grand pays… De qui est-ce la faute ? Ce n’est certainement pas à la France de s’excuser pour cela.
Il faut également rappeler, parce que c’est là aussi un fait historique, que l’Algérie n’existait pas lorsque nous sommes arrivés en 1830. La création de l’État algérien date de l’indépendance, et ces terres étaient précédemment occupées par les Turcs.
Quand on se tourne du côté de l’Angleterre, on constate que les Anglais assument tout à fait leur passé colonial. La France n’a jamais été capable de le faire, par peur. Il faut que cela cesse.
Il ne s’agit pas de nier que la conquête de l’Algérie s’est faite dans le sang, mais il est impossible d’oublier par ailleurs les œuvres sanitaire, éducative et économique de la France. Les médecins français ont éradiqué là-bas toutes les maladies infectieuses, il ne s’agit pas exactement d’un crime contre l’humanité ! C’est d’ailleurs ce qui explique que la population locale soit passée de 2 millions à notre arrivée à 10 millions lorsque nous sommes partis. Emmanuel Macron dit tout simplement n’importe quoi, et se fait le porte-parole d’une vision totalement déséquilibrée et culpabilisante de notre Histoire.
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Emmanuel Macron avait d’ailleurs lui-même parlé des œuvres civilisatrices dans une autre interview… Qu’en penser ?
Il prouve ainsi qu’il est un homme sans convictions réelles, puisqu’elles sont sans cesse contradictoires. On ne peut aller aux fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans, au Puy du Fou, puis déclarer qu’il n’y a pas de culture française ou affirmer des choses aussi malhonnêtes sur la colonisation, sans vision de long terme !
Cette déclaration remet en question tout son discours basé sur le fait qu’il serait un homme nouveau, au dessus des partis… Il vient de faire exactement la même chose que François Hollande en allant docilement faire pénitence à Alger, dans le but de se faire adouber par Abdelaziz Bouteflika ! Il s’agit là d’un pur calcul électoral : Emmanuel Macron a lui aussi cherché à séduire la communauté des Français d’origine algérienne, peu soucieux de la vérité historique de son propre pays.
Avez-vous l’impression que l’Histoire est souvent tordue à des fins électorales ?
Là, c’est évident. Mais c’est d’autant plus grave que c’est extrêmement dangereux pour notre pays. Quel homme d’État peut avoir assez peu de scrupules pour ainsi humilier son propre pays à l’heure où le feu couve dans nos banlieues ? Est-ce vraiment le moment de diviser encore un peu plus les Français par électoralisme ?
Il est urgentissime d’apprendre ce qu’est la France à tous les petits Français, et donc aussi à tous ces enfants déracinés qui sont une proie facile pour l’islam radical. Ce n’est certainement pas en répétant ce genre de contre-vérité historique que la France va devenir aimable dans nos banlieues.
Je rappelle que, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined) et le ministère de l’Intérieur, 37% des jeunes d’origine étrangères ne se sentent pas Français ! Ce genre de déclaration ne fait qu’envenimer les choses.
C’est en plus, à mon avis, un très mauvais calcul parce qu’Emmanuel Macron se met ainsi à dos les anciens combattants, les quatre millions de Français rapatriés, leurs descendants ainsi que tous les Harkis…
Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas.