Alors que l’affaire Théo remet le feu aux banlieues, Fillon et Macron continuent d’occuper le devant de la scène. En coulisse, l’extension du délit d’entrave à l’IVG menace la liberté d’expression.Dans la région parisienne mais aussi en province, les banlieues s’embrasent à nouveau. « Les manifestations se sont multipliées en France depuis la violente interpellation de Théo, qui a débouché sur la mise en examen de quatre policiers dont un pour viol. En dépit des appels au calme de Théo et du gouvernement, de nombreux incidents violents ont eu lieu en banlieue parisienne depuis le 4 février » résume La Croix.
Des tribunes explosives
Dans deux tribunes publiées dans Libération le 15 février, des « artistes, sportifs-tives, comédien-nes, écrivain-es » dénoncent « l’impunité de certains gendarmes et policiers en France » et un ex-maire adjoint de Brétigny-sur-Orge, dans un texte signé par des dizaines de personnalités, exige « une vigilance accrue lors des recrutements car les policiers racistes qui posent problème ne sont pas devenus racistes par la dureté de la mission… » mais parce qu’ils seraient des sympathisants du Front national « qui se sont engagés pour pouvoir commettre leurs exactions en toute impunité. » “Ces propos sont scandaleux, injustes et inacceptables“, s’indigne Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale dans un communiqué répercuté par L’Express. « Il y dénonce de “graves accusations de racisme contre les policiers”. “Je ne peux admettre que les dizaines de milliers de jeunes Français qui ont souhaité entrer dans la Police nationale (…) soient insultés de la sorte (…) La police est républicaine. Les jeunes qui s’y en engagent viennent de tous les horizons et doivent se soumettre à un recrutement très sélectif”, assure-t-il encore, avant d’invoquer le “respect de la présomption d’innocence”. »
Pour sa part, « la présidente LR de la région Île-de-France Valérie Pécresse accuse le gouvernement de “dissimuler la gravité de la situation” dans les banlieues, affirmant, dans le sillage de François Fillon, qu’ “il faut mettre fin à l’excuse de minorité” rapporte Le Point. En effet, « Le candidat de la droite à la présidentielle François Fillon a annoncé mercredi qu’il veut abaisser la majorité pénale à 16 ans car “les individus de 16 ou 17 ans profitent de la clémence du système”. »
Fillon résiste par l’offensive
« En meeting mercredi soir (15 février) à Margny-les-Compiègne (Oise), François Fillon a tenu un discours musclé sur les questions de sécurité », rapporte Le Parisien : « Pour mettre fin “au règne de la loi des caïds et des chefs de bande”, Fillon a proposé hier le rétablissement des peines plancher automatiques, la construction de 16 000 places de prison et surtout d’abaisser la majorité pénale à 16 ans. » Le Parisien y voit une « nouvelle stratégie » confortée par le déjeuner, quelques heures plus tôt, du candidat de la droite et du centre à la présidentielle avec Nicolas Sarkozy.
À propos de l’affaire Fillon, ce curieux communiqué du parquet financier, jeudi 16 février : « Le parquet national financier (PNF) indique qu’il ne va pas “classer sans suite” l’enquête ouverte pour “détournement de fonds publics” et “abus de biens sociaux”” rapporte 20 minutes. « Il ne reste donc que deux possibilités pour la suite de l’enquête. La première est une citation directe devant un tribunal correctionnel. La seconde est l’ouverture d’une information judiciaire confiée à un juge indépendant qui pourrait, alors, mettre en examen François Fillon et son épouse… »
Rien de nouveau pour Damien Abad, porte-parole de François Fillon : « On ne s’attendait pas à autre chose”, affirme-t-il sur BFMTV, rappelant que le PNF s’était autosaisi. Le porte-parole réclame « le respect du temps de la campagne ». Même réaction du député LR de Paris Bernard Debré pour qui le parquet national financier doit « suspendre » son enquête le temps de la campagne : « Nous n’accepterons pas d’être sous la dépendance du parquet financier ».
« Cette annonce n’est qu’un acte de communication qui nourrit le feuilleton médiatique » commente François Fillon pour Le Figaro : « Cela n’entame en rien ma détermination. J’entends plus que jamais porter le projet de redressement et de modernisation de la France, conformément au mandat qui m’a été donné par 4,4 millions de nos concitoyens. Je m’en remets donc désormais au seul jugement du suffrage universel ». Donc, il resterait candidat même s’il était mis en examen…
Au fait, « qu’est-ce que le parquet national financier ? » se demande Le Monde en indiquant que « les attaques des avocats de François Fillon et de son épouse Penelope soulignent le profil atypique du PNF, créé après l’affaire Cahuzac ». Une création voulue par François Hollande, donc. Le Monde pointe un « chevauchement des compétences » avec d’autres juridictions et rappelle que « le Conseil d’État avait jugé, le 6 mai 2013, que le PNF « n’était pas la réponse appropriée » à la prise en charge de ces délits [autres que les délits boursiers], avant que la Cour de cassation ne pose “de sérieuses interrogations” sur le parquet. »
« Et si on se calmait ? » avec l’affaire Fillon propose le blog La Plume d’Aliocha : « La procédure judiciaire est devenue un outil stratégique : qu’on en veuille à un concurrent, à un ex-conjoint ou à un rival politique, la justice est une arme particulièrement efficace. Le résultat de l’action judiciaire importe peu, ce qui est recherché dans le maniement de cette arme la plupart du temps c’est l’accusation infamante d’avoir commis un délit ou un crime, l’excitation que cela déclenche chez les médias, la condamnation immédiate du public, et la déstabilisation de l’adversaire. Et quand tout cela est validé par le déclenchement de la machine judiciaire, c’est le succès total ! »
Malgré la tempête, « Fillon est étonnamment stable dans les sondages depuis une dizaine de jours » rapporte RMC : « Dépassé puis distancé par Emmanuel Macron pour la qualification au deuxième tour de la présidentielle, le candidat Les Républicains n’est plus qu’à un point de son adversaire. Malgré les doutes et critiques formulés au sein de son propre parti, il se maintient autour des 20% d’intentions de vote. Un résultat qui ne surprend pas Frédéric Micheau, directeur d’études du département politique chez OpinionWay. Invité de Radio Brunet, il explique que l’électorat de François Fillon l’a maintenu dans la course et peut même le faire gagner. »
« Quelle mouche a piqué Macron ? »
Emmanuel Macron s’est rendu à Alger mercredi 14 février. Il y a qualifié la colonisation d’ « acte de barbarie » et de « crime contre l’humanité », provoquant un tollé à droite et un certain embarras à gauche. « Y a-t-il quelque chose de plus grave, quand on veut être président de la République, que d’aller à l’étranger pour accuser le pays qu’on veut diriger de crime contre l’humanité? », écrit sur sa page Facebook Marine Le Pen, rapporte LCP.
Le Point croit utile d’expliquer à Macron l’histoire de l’Algérie française en commençant par lui rappeler que la prise d’Alger a rendu la paix aux rivages de la Méditerranée : « Depuis le XVe siècle, toutes les flottes occidentales ont (…) bombardé la ville [Alger] afin que cessent les activités des pirates. » Le lendemain de cette « sortie » fracassante du leader d’En Marche !, nouveau coup d’éclat : dans un entretien à L’Obs, il déclare qu’ « une des erreurs fondamentales de ce quinquennat a été d’ignorer une partie du pays qui a de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment et les passions tristes ». On lit notamment ceci : « Je suis en désaccord total avec le politique Villiers, mais j’admire l’entrepreneur culturel. Je suis également en désaccord avec Zemmour. Mais ce sont des gens avec qui je parle ». Il ajoute, à l’adresse de François Hollande : « Il ne faut jamais humilier, il faut parler, il faut “partager” des désaccords. Sinon, des lieux comme le Puy-du-Fou seront des foyers d’irrédentisme ». « Macron prend la défense de la Manif pour tous et revendique de parler avec Zemmour et De Villiers », s’étonne Les Inrocks.
« Colonisation, Manif pour tous… mais quelle mouche a piqué Macron ? » s’interroge Le Parisien. « En qualifiant la colonisation de “crime contre l’humanité” et en défendant la Manif pour tous, le candidat a pris le risque de se fâcher avec les électeurs de droite et de gauche. » « “Macron est victime de l’ivresse des cimes !” tacle un fidèle du président, qui décrit un François Hollande “furieux” après la double sortie choc d’Emmanuel Macron sur la colonisation française en Algérie et la Manif pour tous. (…) nombre d’élus de droite comme de gauche évoquent même “un double claquage en moins de vingt-quatre heures” ». « Vraie gaffe ou polémique assumée ? » Le tout est de savoir ce qu’en retiendra l’opinion publique.
Néanmoins, Macron est bien le continuateur de Hollande, constate L’Obs : « En matière économique et sociale, “la première des batailles” selon lui, Emmanuel Macron se présente comme le grand dynamiteur-protecteur, qui saura marier modernisme et progrès social, comme ce fut le cas pendant les Trente Glorieuses. Les recettes qu’il avance, qui seront chiffrées le 22 février et complétées le 2 mars, s’inscrivent dans la ligne engagée par François Hollande ».
L’extension du délit d’entrave à l’IVG sera-t-elle censurée ?
C’est sans doute un des derniers actes législatifs de la gauche socialiste : « Le Parlement a adopté définitivement aujourd’hui, par un dernier vote de l’Assemblée, la proposition de loi PS visant à pénaliser les sites de “désinformation” sur l’IVG, âprement combattue par une partie de la droite et le mouvement “pro-vie” » annonce Le Figaro (16 février). Ce texte, voté à main levée, étend au numérique le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, créé en 1993 et sanctionné par une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende…
« “Cette proposition de loi vise à mettre de l’ordre sur ce qu’il se passe sur Internet en matière d’information et d’IVG”, avait expliqué Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, invitée de Franceinfo jeudi 15 février. Pour elle, « la liberté d’expression n’inclut pas le droit au mensonge » : voilà donc établie une vérité d’État. « Quand le menteur veut sanctionner le mensonge » a répondu dans un tweet Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita.
C’est « un texte redoutable pour la liberté d’expression et la liberté d’information des femmes concernées. Non seulement l’objectivité de l’information est en jeu mais également toute prévention des pressions qui incitent à l’IVG, qui sont actuellement niées et passées sous silence » dénonce Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA et coordinatrice des services d’écoute.
Alliance VITA, qui appelle les parlementaires à soumettre ce texte au Conseil constitutionnel pour qu’il soit censuré au nom de la liberté d’expression et d’information, a aussitôt déposé une requête devant le tribunal administratif de Paris contre le ministère de la Santé concernant les informations inexactes ou non objectives sur l’avortement qui figurent sur le site officiel dédié à l’IVG. Le recours concerne particulièrement une vidéo intitulée : « Y a-t-il des conséquences psychologiques après une IVG ? », dans laquelle un gynécologue affirme « qu’il n’y a pas de séquelle à long terme psychologique de l’avortement ».
La Fondation Lejeune assure qu’ « elle continuera de délivrer des informations justes » et « se demande sur quels critères sera basé le catalogue de ce qu’on peut dire et de ce qu’on ne peut pas dire » alors que « le 14 février, Madame Laurence Rossignol a précisé sa pensée en affirmant que “produire des témoignages émotifs et angoissants ne relève pas de la liberté d’expression””. En revanche, le ministre n’a pas hésité à affirmer devant l’Assemblée nationale le 26 janvier 2017 que « avorter, ce n’est pas enlever une vie ». Sur le site du gouvernement (ivg.gouv.fr) on peut également lire que la description de l’IVG instrumentale se limite à « une aspiration de l’œuf ». Enfin, la Fondation Jérôme Lejeune se dit « confiante » : le Conseil Constitutionnel devrait censurer « cette loi liberticide ».
En effet, une soixantaine de députés a aussitôt saisi le Conseil constitutionnel. « On peut tout à fait imaginer une censure, d’autant plus que le Conseil constitutionnel a censuré il y a quelques jours une disposition portant sur la consultation de sites djihadistes au titre de la liberté d’information. Nous avons saisi le Conseil constitutionnel pour des motifs équivalents. Je pense qu’il y a de bonnes chances que cette saisine aboutisse » explique Jean-Frédéric Poisson, député (PCD) des Yvelines, à Famille Chrétienne.