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Fallait-il détruire le Mont Cassin ?

© Guido Nardacci / Shutterstock

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Michel de Remoncourt - publié le 15/02/17
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Le 15 février 1944, 1150 tonnes de bombes sont larguées sur l’abbaye. Sous l’impulsion du Royaume-Uni et de l’hyperactif Winston Churchill, les Alliés lancent dès 1943 une opération en Italie dont le but de soulager le front de l’Est où les Soviétiques sont en difficulté. L’Alliance, quoique solide, n’est pas pour autant une communauté où les intérêts coïncident parfaitement : l’Italie est pour les Américains une opération secondaire, toute leur attention étant fixée sur la préparation d’un débarquement en Normandie.

Monte Cassino, abbaye millénaire

Le monastère est fondé en 529 par Benoît de Nursie et devient ainsi le berceau des bénédictins. Situé sur une position stratégique, c’est un point à contrôler nécessairement pour qui veut s’emparer de Rome par le sud de l’Italie. L’abbaye est plusieurs fois pillée et détruite, c’est notamment le cas en 589, où quatre-vingt moines sont martyrisés par les lombards pour avoir refusé d’adorer une tête de chèvre et les dieux germaniques. Elle est reconstruite en 717 par Petronax, ce qui lui vaut le titre honorifique de second fondateur de l’abbaye. Elle est pillée et détruite par les pirates sarrasins au IXe siècle et reconstruite au milieu du Xe. Un séisme la détruit presque entièrement au XIVe siècle (1349). Après ces difficultés, l’abbaye atteindra presque les 600 ans d’âge, mais 595 ans après ce tremblement de terre terrible, c’est à nouveau l’homme qui a raison de ce magnifique édifice en 1944.

Une conduite allemande irréprochable

Verrou de Rome, la zone du Mont Cassin revêt une importance stratégique. Les allemands le savent bien mais décident de ne pas occuper l’abbaye. Ces derniers ont de bonnes relations avec l’abbé-évêque, Monseigneur Diamare. Le 3 septembre 1943, les Alliés débarquent au sud de l’Italie et le Lieutenant-Colonel Schlegel, travaillant sur les cartes de l’Italie, perçoit rapidement que le Mont Cassin sera l’objet de combats. Doutant de la retenue alliée, il prend rapidement rendez-vous avec le père-abbé et finit par le convaincre que l’abbaye est en danger. L’abbé-évêque, comprenant finalement la situation, accepte de commencer l’évacuation des trésors, ossements et œuvres d’art.

Une telle entreprise nécessite 120 camions. Schlegel est mis en porte-à-faux de tous les côtés. Son commandement va jusqu’à envoyer des enquêteurs pour comprendre pourquoi Schlegel utilise autant de moyens de transports alors que plus au sud, les combats font rage et que, du côté de l’Alliance, une intense campagne affirme que la division Goering et les allemands pillent le Mont Cassin. La réalité est que l’intégralité des trésors est rapportée au Saint-Siège et que pas un seul des camions allemands n’est bombardé, malgré les tentatives alliées. Schlegel, prévoyant, avait demandé d’espacer les camions d’au moins 300m pour éviter de trop grosses pertes.

La parole aux acteurs

Les craintes de Schlegel vont s’avérer exactes : le major général Francis Tuker préconise de détruire le monastère qui pourrait servir de point fort. Le 11 février 1944, le général anglais Harry Kenneth demande la destruction de l’abbaye. Le 15 février 1944, 142 B-17, 47 B-25 et 46 B-26 larguent 1150 tonnes de bombes incendiaires. Mais une mauvaise coordination avec les troupes au sol laisse assez de temps aux Allemands pour s’emparer des ruines : il faudra attendre le 18 mai 1944 pour que les troupes polonaises parviennent à reprendre le site.

Le général allemand von Senger und Etterlin écrit à ce sujet : « Le bombardement eut l’effet contraire de celui qu’on en attendait. Nous pûmes, dès lors, occuper tranquillement l’abbaye, d’autant que les ruines se prêtent mieux à la défense que des bâtiments. Pendant la guerre, il faut abattre les bâtiments qu’on veut défendre. Ainsi, les allemands obtinrent un point d’appui dominant, puissant et qui se révéla très précieux dans tous les combats ultérieurs. »

Le général américain Clark, de son côté, écrit : « J’étais l’un de ces chefs et c’est moi qui dirigeais les opérations de Cassino. J’ai affirmé à l’époque que rien ne prouvait que l’ennemi utilisait l’abbaye à des fins militaires. Maintenant, je maintiens, et nous en avons la preuve certaine, qu’aucun soldat allemand, sauf des émissaires, ne pénétra jamais à l’intérieur du monastère dans un autre dessein que d’y soigner les malades ou de le visiter. […] Le bombardement de l’abbaye fut non seulement une faute psychologique nuisible à notre propagande, mais encore une faute de tactique des plus graves. Il a rendu tout simplement notre tâche plus difficile, plus coûteuse en hommes et matériels et nous a fait perdre du temps. »

Pour aller plus loin :

Rudolf Böhmler, Monte Cassinotraduit de l’allemand par Edouard Even, préface du général René Chambe, Plon, 1961. 

Un reportage de l’INA (1987): fallait-il détruire le Mont Cassino ? 

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