Alors que la ville de Québec, au Canada, est encore sous le choc de l’attentat perpétré dans une mosquée, dimanche soir, pensons aux textes bibliques qui apportent un éclairage intéressant à cet événement. C’est un peu toujours la même histoire.
Un événement tragique secoue une ville. Les grandes chaînes d’information dépêchent des équipes sur le terrain. Les médias sociaux s’enflamment.
Dans les heures qui suivent, même si on ne sait toujours à peu près rien sur les motifs de la tuerie, plusieurs articles se bousculent dans notre fil de nouvelles… alors que des victimes luttent encore pour leur vie aux soins intensifs.
La poussière
Tous ces camions-antenne qui couvrent la nouvelle et toutes ces voitures de police déployées dans la ville soulèvent beaucoup de poussière sur Québec. Les analyses hâtives lancées dans ce brouillard sont souvent de belles tentatives d’explication, mais risquent d’ajouter une couche de bruit à ce nuage.
Or la vérité, contrairement aux chefs d’antenne, n’est pas pressée. Elle prend son temps pour se laisser découvrir.
Une fois la poussière retombée, dans quelques jours, je crains que, saturés par la surabondance d’« informations », nous voyions notre ras-le-bol se transformer en insensibilité. Et on recommencera à parler du carnaval qui bat son plein.
Voilà le grand paradoxe médiatique de notre ère. Trop d’infos, trop vite, nous empêche de réfléchir. Comment peut-on remplir des heures d’émissions spéciales sur toutes les ondes et toutes les chaînes alors que les cartouches sont encore fumantes ?
Alors, au mieux, on déballe notre insignifiance. Au pire, notre ignorance.
Ou, quelque part entre les deux, on écrit un billet de blogue comme un rappel à soi-même – non moins paradoxal – au silence et à la mémoire. Manière bien humble de dire aux victimes et à leurs proches que le catholique que je suis n’est pas indifférent à leur souffrance.
Un monde lisse
Que l’on soit face à un « terrorisme djihadiste » ou à des membres d’un groupe nationaliste « d’extrême-droite », n’oublions pas qu’il y a un dénominateur commun à tous ces « …ismes ».
Le djihadiste et le suprémaciste sont des utopistes. Ils rêvent, l’un comme l’autre, d’un monde simple, lisse, dans lequel rien ne dépasse.
Projeter dans l’« autre » cette part d’ombre qui nous habite tous et l’absolutiser dans un infidèle ou dans un fidèle mène directement à la nécessité d’éliminer cet « autre ».
Une bête tapie
Par ailleurs, il est aisé de considérer les meurtres, les viols et les carnages de l’Ancien Testament comme le fait de peuples barbares. Ou encore, certains pourraient s’en accommoder pour justifier leur conception d’un Dieu qui voudrait que ses élus fassent le ménage parmi les mécréants de la Terre.
Alors qu’il s’en trouvera surement pour citer “Imagine” de Lennon, « and no religion too… », je crois plutôt que les récits bibliques apportent un éclairage dont on ne devrait se passer en ces temps troubles.
Toutes les violences d’hier et d’aujourd’hui se rencontrent dans l’histoire antique de Caïn et Abel. Je l’écrivais plus haut : c’est un peu toujours la même histoire.
Comment un homme peut-il en venir à tuer son propre frère ?
« Le péché est comme une bête tapie à ta porte. Sauras-tu le dominer ? » Caïn dit à son frère Abel : « Sortons dans les champs. » Et, quand ils furent dans la campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. » Le Seigneur dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Caïn répondit : « Je ne sais pas. Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 7-9)
Cette bête n’est pas domptable à la kalache.
Elle se dompte dans la prière et le silence.