Alors que Régis Passerieux a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle le 17 janvier dernier, René Poujol s’interroge sur l’avenir des chrétiens de gauche.
Le site internet de la Vie, publiait ce mardi 17 janvier une tribune intitulée « La gauche que nous aimons », signée de plusieurs personnalités (1). À quelques jours du premier tour de la “primaire citoyenne” du 22 janvier, ce texte entend réaffirmer un certain nombre de valeurs et de convictions qui marquent l’engagement de bien des chrétiens, à gauche ou au centre-gauche. J’ai contribué à son élaboration mais ne le signerai pas.
J’adhère sans réserve à l’idée que la gauche s’est égarée à privilégier les réformes sociétales au détriment d’un projet de transformation sociale bénéfique au plus grand nombre ; j’adhère à la nécessaire définition d’une croissance écologique plus sobre en rupture avec l’individualisme consumériste ; j’adhère à l’urgence de passer de l’utopie du plein emploi à un projet de pleine activité ; j’adhère à l’acte de foi en une Europe nouvelle qui reste notre seul avenir dans la mondialisation ; j’adhère à la dénonciation d’un laïcisme qui renforce les communautarismes dont il prétend nous protéger.
Pour autant, je ne puis valider, dans sa forme, le premier paragraphe de cette tribune : « La gauche vit dans la crise la fin d’un long cycle qui a pris naissance dans les espérances des Lumières et le mythe fondateur de la Révolution. Un cycle marqué par le ralliement de citoyens chrétiens, très investis dans l’action sociale, constituant ainsi un héritage original, parfois source de conflits. Sans doute est-ce le moment de cicatriser les vieilles blessures pour refonder l’avenir ? »
Il y a là une euphémisation du divorce entre la gauche et ces « citoyens chrétiens » qui l’ont rejointe qui n’aide pas à la clarification nécessaire. Le refus d’accepter la présence d’un candidat des Poissons Roses, Régis Passerieux (2), à la primaire socialiste, illustre une forme de mépris sans appel pour un humanisme chrétien dont la faute impardonnable est de contester la double orientation libérale-libertaire du socialisme Français contemporain.
L’urgence d’approfondir ses convictions
Une seconde raison de ne pas signer ce texte est que je le crois inutile aussi bien avant la primaire, que pendant la campagne pour la présidentielle, ou après le scrutin, quelle qu’en soit l’issue. À quoi peut bien servir un message que personne n’entendra parce que momentanément l’enjeu semble être ailleurs, de l’ordre de l’élimination plus que du choix ? Et que les idées qu’il expose, déjà développées dans un ouvrage en 2016, n’ont guère fait bouger les lignes. (3) Vox clamans in desertum politicum ?
Je sais gré aux Poissons Roses comme à Esprit Civique d’avoir tenté d’incarner, au sein du PS, une autre ligne politique, orientée sur les droits de la personne et le service du Bien commun. Mais je constate leur échec. Face à cette évidence, parler aujourd’hui de « cicatriser les vieilles blessures » me semble tout simplement sans objet. L’urgence n’est pas aux fausses réconciliations au sein d’une gauche atomisée et sans repères, mais à un approfondissement exigeant de nos propres convictions, dans la perspective d’une recomposition du paysage politique inévitable et nécessaire.
Nombre de nos concitoyens qui ont le cœur à gauche et l’âme sociale, aujourd’hui en déshérence politique, sont en attente de cette réflexion, de ce réveil. Je sais que sur ce chantier, nous nous retrouverons.
PS. Le titre de ce billet, en forme de clin d’œil, est forcément polysémique donc d’interprétation totalement libre.
1. Parmi les premiers signataires : Philippe de Roux fondateur des Poissons roses, Jo Spiegel maire de Kingersheim démissionnaire du PS, Samuel Grzybowski fondateur de Cœxister, Jérôme Vignon, ancien Président des Semaines sociales de France, Bruno Jauffret initiateur du magazine La Boussole.
2. Il publie aux éditions de Paris un livre manifeste : Une France à reconstruire.
3. Les Poissons roses, À contre-courant, Éditions du Cerf, 144 p, 10 euros.