Trois éléments clefs pour comprendre les révélations annoncées par Emiliano Fittipaldi à l’occasion de la sortie de son prochain livre, “Lussuria” (“Luxure”, en français). Qu’y a-t-il de nouveau dans Lussuria (“Luxure”, en français), le nouvel ouvrage que s’apprête à publier le journaliste italien Emiliano Fittipaldi, sur la manière qu’ont les évêques et les cardinaux de gérer les affaires d’abus sexuels commis par des membres du clergé ?
Le journaliste, poursuivi en justice par le Saint-Siège, en 2015, pour son livre Avaricia (“Avarice”, en français), en même temps qu’un autre journaliste italien, Gianluigi Nuzzi, pour un autre livre enquête divulguant des « nouvelles et documents confidentiels » concernant le petit État, a révélé dimanche dernier, dans un article de L’Espresso, des passages de son prochain ouvrage, qui paraîtra le 19 janvier prochain. On peut déjà dégagé trois éléments clefs :
Révélations
L’article d’Emiliano Fittipaldi lance une accusation centrale : trois des cardinaux qui forment le C9, le groupe des neuf prélats chargés par le Pape de l’assister dans la réforme de la curie romaine, n’ont pas répondu de manière appropriée aux accusations d’abus portées contre des prêtres. Quatre autres personnalités de l’Église sont ajoutées à la liste.
Pour étayer ces accusations, l’ouvrage fournit des informations déjà publiées ou accessibles au public. À en croire donc ces anticipations, les éléments recueillis montreront comment tant d’évêques et cardinaux ont affronté concrètement ces scandales dans leurs diocèses.
Globalement, le journaliste livre des informations qui montrent l’un des drames les plus terribles provoqués par ces abus et pour lesquels le pape François a demandé pardon et appelé à un réel engagement : les pasteurs ont très souvent fait passé l’image de l’Église avant leur devoir d’accueillir les victimes et prendre soin d’elles.
Le journaliste italien met directement en cause le Saint-Père, pour avoir nommé à la tête d’une commission si importante, comme celle de la réforme de la Curie, trois cardinaux ayant manqué à leur devoir dans la gestion des crimes commis par des prêtres. Mais objectivement, les accusations portées contre ces prélats sont multiples et soumises à l’interprétation de données auxquelles le public a accès.
Sur le cardinal George Pell, préfet du secrétariat pour l’Économie du Saint-Siège, sont citées des informations relatives au procès, toujours en cours en Australie, dans lequel il comparaît pour mauvaise gestion des affaires de prêtres criminels quand il était évêque de Melbourne.
Sur le cardinal Francisco Errázuriz, archevêque émérite de Santiago, au Chili, les éléments fournis concerne la gestion d’un prêtre, le père Fernando Karadima, accusé de pédophilie, qui fit scandale, secouant toute la société chilienne. Les faits incriminés remontent à une date très lointaine.
Sur le cardinal Óscar Rodríguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa, l’auteur de Lussuria cite une phrase sortie de son contexte. La fois où il a dit : “Je suis prêt à aller en prison plutôt que de porter atteinte à un de mes prêtres”, ou “n’oublions pas que nous sommes des pasteurs, pas des agents du FBI ou de la CIA” . On y dit aussi qu’entre 2003 et 2004, le diocèse du cardinal a accueilli un prêtre accusé d’abus par la police du Costa Rica. Comme le journaliste laisse entendre, le cardinal n’avait pas une connaissance précise des accusations et peu de mois après, le prêtre a été expulsé.
Impact des révélations
Les révélations d’Emiliano Fittipaldi montrent encore une fois les deux leçons que l’Église doit tirer de la crise des abus par des membres du clergé. La première est la gravité morale de ces affaires, mais également leur nombre élevé. Les cas étaient si nombreux que les pasteurs, très souvent, n’ont pas été capables de gérer correctement leur responsabilité. La seconde est celle expliquée par le pape François : les victimes ne peuvent être sacrifiées pour une bonne image de l’Église. Les pasteurs ont l’obligation d’être avant tout des “pères” pour les victimes. La miséricorde, message central de son pontificat, commence avec les victimes.
Dans ce dossier, restent reconnus le rôle du Pape et sa détermination à combattre la pédophilie.
Scandale ?
Les révélations d’un journaliste sur ces terribles affaires d’abus et sur la manière dont celles-ci ont été gérées par les pasteurs de l’Église doivent-elles nous scandaliser ? L’histoire a montré jusqu’à présent que l’Église, grâce aux révélations de journalistes, a pris conscience de ce cancer qu’est la pédophilie.
Il est possible que les journalistes, dans certains de leurs jugements, se montrent peu justes avec les pasteurs et leurs intentions. Mais en réalité, ce qu’il faudrait c’est une alliance entre journalistes et pasteurs qui tende vers un même objectif : combattre une fois pour toutes la pédophilie. Espérons que c’est l’objectif visé par Emiliano Fittipaldi dans ce nouvel ouvrage !
Article traduit de l’italien par Isabelle Cousturié