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Tatouages et scarifications : quelle place dans le christianisme ?

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Vincent Aucante - publié le 10/01/17
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Réflexion sur ces pratiques qui touchent aussi les milieux chrétiens. La mode du tatouage et des scarifications touche aussi les milieux chrétiens, et ne peut laisser indifférent. Certains n’y voient rien de mal, d’autres au contraire rejettent ces pratiques au nom de la dignité du corps humain. Les mutilations volontaires du corps ont parfois un sens religieux : peuvent-elles avoir un sens chrétien ?

Se démarquer de l’animalité

Dans les sociétés tribales archaïques, les arts corporels manifestent un désir de se démarquer de l’animalité par une mutilation définitive. En pratiquant la scarification ou le tatouage, les primitifs affirment une humanité rattachée à un monde spirituel. Ainsi les Polynésiens des îles Marquises avaient coutume de tatouer leur corps tout entier de tatouages linéaires, et de sculpter avec les mêmes motifs leurs maisons, leurs pirogues, et plus généralement tous les objets fabriqués. Ils manifestaient de cette manière la distance entre ce qui est humain (l’homme, son corps, ses réalisations) et ce qui ne l’est pas.

Une pratique très ancienne

Dans les civilisations anciennes, et notamment chez les barbares, la pratique des tatouages et des scarifications était courante. Plusieurs témoins oculaires en témoignent, comme Cicéron (De officibus) ou Hérode (Histoire romaine). On observe les mêmes coutumes chez les Scythes, comme en attestent les momies découvertes sous les tumulus de la steppe ukrainienne. Ces ornements corporels avaient généralement un sens religieux.

Cette dimension religieuse du corps mutilé est présente dans les mythes fondateurs des anciennes religions. Dans les Upanishads, la divinité se divise elle-même en deux parties. Dans le zoroastrisme, Yima, l’être hermaphrodite créé par le démiurge, est coupé en deux pour donner naissance à l’homme et à la femme. Dionysos, le dieu mystérieux du Panthéon grec, meurt déchiré par les titans jaloux, et de son sang qui ensemence la terre naissent les hommes. Dans le mythe du Banquet de Platon, les Androgynes, pourvus d’une tête à deux visages et de multiples membres, sont séparés en deux par Zeus. Reproduisant les mythes, les mutilations volontaires à caractère religieux comme la circoncision ou l’excision ont été pratiquées dans toutes les civilisations.

La circoncision

Le judaïsme a transposé cette pratique dans le cadre de la Révélation : la circoncision devient alors le signe de l’alliance entre Dieu et les descendants d’Abraham. Les tribus arabes, qui pratiquaient déjà auparavant la circoncision, conserveront cette tradition parmi les rites islamiques.

Dans l’histoire du judaïsme, l’alliance entre Dieu et l’homme va dépasser le stade de la mutilation corporelle avec la « circoncision du cœur » en lieu et place de la circoncision du prépuce (Deutéronome, 10, 16 ; Jérémie, 9, 25). Pour le judaïsme hellénique, incarné notamment par Philon d’Alexandrie, la compréhension de « l’être juif » est transformée : c’est désormais intérieurement que l’homme est sauvé. La vraie conversion a lieu dans le cœur du croyant (Ézéchiel, 18, 27). Le « peuple élu », qui rassemble ceux et celles qui seront sauvés, n’est plus dès lors limité aux circoncis, mais étendu à tous ceux qui reconnaissent le Dieu de la Bible (Isaïe, 60, 3-10).

La mutilation, un débat qui apparaît dès le début du christianisme 

La question de la mutilation corporelle volontaire est ensuite débattue au début du christianisme, et elle n’a pas été tranchée définitivement. Au premier concile de Jérusalem, deux tendances s’affrontent : l’une, incarnée par des Judéens pharisiens, qui veut que tous les chrétiens soient préalablement circoncis ; l’autre, incarnée par saint Paul et saint Pierre, qui veut ouvrir l’alliance à tous les non-circoncis. Saint Jacques le Juste tranche finalement en renonçant à imposer la circoncision aux juifs grecs et aux païens convertis au christianisme (Actes 15 : 1-21). Mais inversement, la circoncision n’est pas condamnée, même si elle est plus tard rejetée par les Pères apostoliques. Elle restera d’ailleurs pratiquée dans les communautés judéo-chrétiennes, qui vont progressivement s’éloigner de l’Église naissante. Les paroles de saint Paul restent la clé pour aborder la question des tatouages et scarifications dans le christianisme : « En Jésus-Christ, ni la circoncision ni l’incirconcision n’a de valeur, mais la foi qui est agissante par la charité. » (Lettre aux Galates 5, 6).

La désacralisation du corps

La pratique contemporaine de la mutilation volontaire est l’héritière de cette histoire culturelle. Dans les milieux favorisés de nos sociétés occidentales, le corps humain est souvent considéré comme un simple instrument matériel. La désacralisation du corps en fait un objet comme un autre, que l’on peut transformer à loisir, quitte à la mutiler. Il faut donc rejeter tatouages et scarifications dans cette perspective qui pervertit la nature humaine. La recherche de la « circoncision du cœur » devrait être la règle parmi les chrétiens, et la pratique des tatouages et scarifications renvoyée dans le domaine du futile.

Regarder le tatouage avec bienveillance

Mais dans d’autres contextes, la pratique du tatouage obéit à une logique différente qui doit être regardée avec bienveillance. Pour ceux et celles qui se sont arraché au Mal, ou qui y sont confrontés quotidiennement, la marque définitive du Christ sur le corps incarne leur désir d’être sauvés malgré toutes les tribulations auxquelles ils peuvent être exposés. Je pense par exemple aux chrétiennes coptes ou bengali, qui vivent dans des milieux très hostiles au christianisme. Elles se tatouent parfois une croix sur le front ou sur les poignets, symbolisant ainsi dans leur chair leur martyre quotidien. De même les personnes arrachées à la violence ou à la drogue qui se sont converties au christianisme. Elles ont souvent vécu dans leur chair les souffrances du Christ, et veulent ainsi manifester qu’elles sont sauvées, corps et âme. Le tatouage d’une croix ou de la Vierge Marie est alors signe de rédemption de la personne et de son corps racheté.


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Un témoignage de sa foi 

La pratique du tatouage ou de la scarification n’est pas chrétienne dans ses origines et elle doit être plutôt déconseillée. Mais pour ceux et celles qui ont traversé les souffrances de l’enfer sur terre et ont été sauvés par leur foi, le tatouage peut être une manière de témoigner de la passion du Christ qui nous a tous sauvés. Car Son corps souffrant a bien été mutilé et transpercé pour nous racheter de nos fautes. Et si un proche me disait être tenté par cette pratique, je lui poserais une seule question : “Es-tu prêt à partager la souffrance du Christ ?”


Pour compléter la réflexion sur ce sujet, Aleteia vous invite à lire aussi : 

L’apologie du tatouage est-elle possible quand on est chrétien ?

Le tatouage (1/3). Aux origines du phénomène


 

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