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Les Intouchables lancent un appel à la Fraternité

Simon de Cyrene association's chairman Laurent de Cherisey takes part in the launching of the book "Tous Intouchables" ("Everyone Untouchable"), a manifesto upon disability, on May 16, 2012 at the Economic, Social and Environmental Council of France (CESE) in Paris. French businessman, writer and tetraplegic survivor of a parasailing accident Philippe Pozzo di Borgo, whose book inspired the film "Intouchables", wrote this manifesto with Jean Vanier, founder of the French association "L'Arche", in favor of persons suffering from mental disability, and with Simon de Cyrene association's chairman Laurent de Cherisey. AFP PHOTO / THOMAS SAMSON / AFP PHOTO / THOMAS SAMSON

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Marie Fournier - publié le 30/12/16
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Entretien exclusif avec Laurent de Chérisey, cofondateur des maisons Simon de Cyrène avec Philippe Pozzo di Borgo.À l’approche des élections présidentielles, la question du « vivre ensemble » apparaît dans les débats politiques. L’association Simon de Cyrène lance « l’appel des intouchables » pour remettre les plus fragiles au cœur de la réflexion. En récoltant un maximum de signatures, l’association souhaite créer un grand mouvement de société qui puisse être pris en compte par les politiques. Laurent de Chérisey, cofondateur des maisons Simon de Cyrène, nous explique l’origine de l’association, sa vocation, son fonctionnement et ses projets.

Aleteia : Comment est née l’Association Simon de Cyrène ?
Laurent de Chérisey : L’Association Simon de Cyrène est née des nouvelles problématiques de société dans les années 80. Dans ces années là, les progrès de la médecine d’urgence se sont énormément développés avec entre autre l’implantation des SAMU : une grande étape qui permet à peu près chaque année en France à 40 000 personnes de rester en vie. Cà c’est la bonne nouvelle ! Par contre, après de graves accidents ou traumatismes crâniens, ces personnes sont confrontées à un défi majeur. Ces gens là qui avaient la vie de madame/monsieur tout le monde se réveillent avec des lésions cérébrales qui génèrent un handicap physique et cognitif. Se pose alors une question fondamentale qui est au cœur des grandes questions de société, quel est le sens de notre vie quand on est fragile et dépendant ?

Après un accident, les personnes handicapées se souviennent de qui elles étaient avant, et mettent de nombreuses années à reconstruire leur identité et à retrouver le sens de leur vie. Ce cheminement se fait par étapes. Une fois l’état de santé stabilisé, la question se pose de retourner à domicile, mais beaucoup disent : « Quand je rentre chez moi, ma plus grande souffrance n’est pas le handicap, mais la solitude. » On met le doigt sur le grand défi de l’époque qui est la solitude : une personne sur deux vit seule dans les grandes villes. Ces personnes racontent aussi : «  Si on me garde en vie pour que je sois seul, çà n’a pas de sens. » Elles nous appellent d’un cri prophétique qui dit : « J’ai besoin de toi ! ». Avec l’association Simon de Cyrène, les personnes handicapées habitent dans des maisons avec des personnes valides volontaires dans une relation de confiance et d’échange. Les personnes valides nous confient souvent : «  Cà me fait du bien, voilà un lieu où je suis moi-même, où je fais tomber les masques ». C’est tout le sens du projet Simon de Cyrène !

Quelle est l’origine du nom de l’association « Simon de Cyrène » ?
C’est un nom qui a été choisi par Marianne, une personne handicapée qui  faisait partie du groupe à l’origine du projet avec Philippe Pozzo di Borgo. Marianne expliquait : «  Ce personnage biblique nous dit qu’il n’a pas choisi d’être réquisitionné, comme les épreuves de la vie : on ne choisit pas, on est invité à une démarche de Foi, à consentir. » Comment passer par ce chemin de croix et ouvrir une nouvelle étape de vie qui va vers des relations qui redonnent du sens ? Ce n’est pas parce que je suis fragilisée que ma vie n’a pas de sens et que je ne peux pas être dans une relation d’entraide avec l’autre.

Comment fonctionne l’association ?
C’est un principe inspiré des communautés de l’Arche de Jean Vanier. L’idée est : comment reconstruire un vivre ensemble ? Quand j’ai fondé Simon de Cyrène, j’ai organisé de nombreux groupes de paroles car j’avais pu constater que les grandes innovations sociales partent toujours d’un dialogue. Les personnes handicapées m’ont expliqué : « Si tu nous mets à la campagne, tu nous rajoutes un handicap ». L’idée est donc de vivre au cœur des villes, près de la paroisse, des associations, etc. L’association construit ou réhabilite des immeubles dans lesquels vivent ensemble des personnes handicapées et valides : chacun a son studio et tout le monde partage de grandes parties communes. Des jeunes volontaires en service civique viennent passer un an chez nous pour vivre une expérience extrêmement forte. Ils se construisent dans leur capacité de relation et découvrent le sens profond de leur vie. Nous recrutons actuellement (volontaires et salariés) car nous ouvrons deux nouvelles communautés : l’une à Rungis et l’autre à Dijon. Une maison Simon de Cyrène est un lieu de vivre ensemble et de communauté humaine très fraternelle. Chaque jour, on rit, on pleure, on se réconcilie…

Combien de maisons Simon de Cyrène existent-ils en France ?
On a démarré avec la première communauté de Vanves avec 70 logements, puis nous avons créé une deuxième communauté à Angers. Nous avons aussi des tables d’hôtes, des groupes d’amitié et de rencontres, des partages fraternels. Nous allons ouvrir une communauté à Rungis avec 58 logements, puis à Dijon avec 24 personnes. Nous sommes aussi en train de construire 48 logements à Nantes où se trouve déjà toute une communauté hors les murs, et nous déposons un permis de construire à Lyon. Il existe aussi des groupes de compagnons Simon de Cyrène qui ont un lien de communauté hors les murs : ils n’habitent pas ensemble mais ont le projet de le faire (Marseille, Bordeaux, Lille etc.).

En quoi consiste « l’appel des intouchables » ?
Avec le succès du film Intouchables, les médias ont écrit « les maisons de Simon de Cyrène sont les maisons des intouchables ». Ces maisons sont celles des intouchables car il y a cette relation personne valide / personne handicapée, cette fraternité, cette solidarité de tendresse, d’humour, de complicité qui se vit au jour le jour. Dans les six mois à venir, nous allons beaucoup entendre les politiques nous parler de « vivre ensemble ». Nous voulons dire que ce « vivre ensemble » et cette fraternité, c’est le plus fragile qui nous y amène, qui nous donne l’audace et nous invite à goûter l’expérience de la fraternité. Avec le film « Intouchables », vous avez pu voir que nous sommes tous capables. Nous invitons donc le plus grand nombre de personnes à suivre cet appel en signant notre projet (http://appeldesintouchables.fr ). Le but est de récolter un maximum de signatures pour créer un grand mouvement de société qui soit pris en compte par les politiques. L’association recueille aussi des dons qui permettent de financer les projets de nouvelles maisons.

Pouvez-vous nous confier votre plus beau souvenir vécu avec l’association Simon de Cyrène ?
Mon plus beau souvenir…J’en ai deux en tête. Dans un groupe de paroles, une personne handicapée m’a particulièrement bouleversée en me disant : « Mais pourquoi suis-je à Simon de Cyrène, qu’est ce qui est bon pour moi à Simon de Cyrène ? » et répondant : « Ici, je suis un vivant ! ». Cà m’a bouleversé, car avec la vie moderne, il faut être en phase, et là cet homme blessé qui me dit avec un regard lumineux : « Je suis un vivant ! ». On arrive à Noël, c’est la fête du vivant, c’est promettre que la vie est plus forte. Souvent quand les gens viennent visiter nos maisons, ils me disent : « Mais, on visite des lieux où vivent les personnes les plus fragiles et nous voyons des gens qui rient, qui sont vraiment vivant ! ». Récemment, j’étais à Angers dans un autre groupe de partage. Pascal, une personne accidentée, à l’origine avec sa famille du projet d’Angers, nous a dit : « Mais moi je suis à Simon de Cyrène parce que ici, je ne suis pas handicapé. » J’étais bouleversé. Et une troisième personne aussi, un jeune de 20 ans, qui me confie : « Cà faisait quatre ans que je me cherchais et je me suis trouvé ». Ces vies de fraternité, ce sont des vies où l’on se trouve.

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